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Islamophobie

Témoignage : une école d’infirmières profite de la vague islamophobe pour interdire l’abaya

Alors que l’enseignement supérieur n’est en rien concerné par l’interdiction de l’abaya, une école d’infirmières a profité des annonces de Gabriel Attal pour imposer à ses élèves des mesures concernant leur habillement en dehors de tout cadre légal. Une élève a accepté de témoigner.

Enora Lorita

8 septembre 2023

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Témoignage : une école d'infirmières profite de la vague islamophobe pour interdire l'abaya

Crédits photo : Ministère de l’Education nationale

Marie* est étudiante à l’École d’infirmière d’Epinay-sur-Orge. Depuis quelques mois, les remarques islamophobes et sexistes se multiplient dans son école suite à l’arrivée d’une nouvelle directrice. En cette semaine de rentrée scolaire, la direction leur a annoncé que l’abaya était désormais interdite et que les jeunes filles devraient retirer leur foulard, alors même que l’enseignement supérieur n’est pas concerné par la loi de 2004 ni par les annonces de Gabriel Attal. Consternée par cette situation, elle a contacté le Collectif d’action judiciaire et Révolution Permanente et a accepté de témoigner.

*le prénom a été modifié

RP : Bonjour, peux-tu te présenter et raconter l’escalade islamophobe qui s’est instaurée dans ton école ?

Marie : "Je suis étudiante en 2e année dans une école d’infirmière située à Epinay-sur-Orge qui est rattachée à l’Université Paris Saclay. Lorsque je suis arrivée dans cette école il n’y avait aucune règle, aucune interdiction, ce qui est logique parce qu’en école dans l’enseignement supérieur il n’y a pas de règles propres à la tenue. L’année dernière, il y a eu un changement de directrice et à l’issue de ça on nous a interdit le couvre-chef lors des travaux pratiques en faisant passer cette règle pour des raisons d’hygiène. Ça m’a beaucoup révoltée, et juste après j’ai eu un examen oral qui ne m’a pas été validé sans justification : j’ai eu beaucoup de questions déstabilisantes que mes camarades n’ont pas eu et ai eu un traitement clairement différencié. Lorsque la directrice passait dans les couloirs, elle était exaspérée si des femmes portaient des foulards et faisaient des remarques en leur demandant de les enlever comme si elle ne s’adressait pas à des adultes. Elle a demandé à une de mes collègues de changer de tenue alors qu’elle portait juste une robe longue en tissu de tee-shirt.

Puis se sont peu à peu accumulé pleins de petits actes racistes, de paroles désobligeantes et de contrôle du corps des femmes. Un jour, une formatrice s’est adressée à une collègue qui était habillée avec un crop-top et lui a dit : « Si tu te fais agresser faudra pas venir te plaindre ! ». J’ai pris la parole pour la défendre et la formatrice s’est adressée à moi et m’a dit : « Ça ne risque pas de t’arriver, tu es couverte de la tête aux pieds »."

« Un jour, une formatrice s’est adressée à une collègue qui était habillée avec un crop-top et lui a dit : « Si tu te fais agresser faudra pas venir te plaindre ! ». J’ai pris la parole pour la défendre et la formatrice s’est adressée à moi et m’a dit : « Ça ne risque pas de t’arriver, tu es couverte de la tête aux pieds ». »

RP : Comment s’est passée cette rentrée scolaire ?

Marie : Des formateurs sont allés voir plusieurs filles dès leur arrivée à l’école pour leur dire que leur tenue ne convenait pas. Lorsque je suis arrivée dans l’amphithéâtre, la directrice nous a annoncé qu’au vu des nouvelles règles du gouvernement, l’abaya était maintenant interdite, ainsi que tous les habits religieux.

En réalité c’est la religion musulmane qui est visée, elle a dit globalement : « c’est terminé les abayas, toutes les couches sur la tête, on veut que vous cous soient dégagés ». Je me suis dit que ça allait vraiment être compliqué. J’ai prévenu une amie des nouvelles règles, et elle est venue en chemise longue et a attaché son foulard en turban. La directrice a été la voir pour lui dire que ça n’était pas une tenue appropriée, que le premier jour était une journée test mais qu’après ce serait des sanctions directes et des renvois. Il s’agissait seulement d’une chemise longue ! C’est n’importe quoi et absolument interdit, on est dans les études supérieures ils ne peuvent pas imposer de telles restrictions : l’école se sert de toute la vague islamophobe pour imposer ces restrictions. Lorsqu’on n’est pas assez couvertes ça ne leur convient pas, mais quand on est trop habillées ça ne va pas non plus !

« Lorsqu’on n’est pas assez couvertes ça ne leur convient pas, mais quand on est trop habillées ça ne va pas non plus ! »

RP : Plus généralement, que penses-tu du contexte politique en cette rentrée et des annonces de Gabriel Attal ?

Marie : Hier, sur BFM TV, ils ont harcelé des collégiennes, hyper jeunes. Moi j’ai une petite sœur qui vient de rentrer au lycée en seconde, qui porte le foulard mais pas d’abaya. J’ai dû lui faire une grosse sensibilisation, lui dire d’enlever son foulard très loin du lycée pour qu’aucun adulte ne la voit et qu’elle ne soit pas stigmatisée. Je me dis que peut-être que comme elle a la peau claire ça passera… C’est très grave d’être obligée de dire ça à une enfant de quinze ans.

C’est une énorme atteinte à notre liberté. Je ne me sens plus à ma place en France, mais si ma place n’est pas ici, alors que je suis née là, où est ma place ? Je suis très triste et je me réveille avec une boule au ventre tous les matins pour aller à l’école. Je veux seulement être infirmière et pouvoir exercer mon métier tranquillement. C’est un métier qui est très utile, dans les hôpitaux il y a un grand manque de personnel, des services d’urgence et de réanimation ferment mais eux se focalisent sur la religion musulmane. C’est dommage qu’à 15, 16 ou 17 ans on soit contraintes de réfléchir le matin à comment on est censé s’habiller : personne ne devrait subir ça.


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