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Gauche institutionnelle

« Appels au calme » : PCF, PS et EELV jouent le jeu de Macron face aux révoltes

Alors que le gouvernement durcit sa répression contre la révolte des quartiers populaires, une partie de la gauche exprime avec différents degrés des appels au calme. Des prises de position qui jouent le jeu de Macron, alors que l’heure est à la solidarité avec la jeunesse en lutte face aux violences policières et à la répression.

Seb Nanzhel

1er juillet 2023

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« Appels au calme » : PCF, PS et EELV jouent le jeu de Macron face aux révoltes

Crédits photo : capture d’écran youtube

La macronie déploie ces derniers jours un dispositif répressif massif à n’encontre de la mobilisation des quartiers populaires à la suite du meurtre policier de Nahel. Un régime d’exception déployé contre les quartiers populaires avec la mobilisation d’effectifs policiers pléthoriques, d’unités du RAID ou encore de la BRI, mais également de couvre-feux, justifiés par une rhétorique d’opposition aux « violences » et de « maintien de l’ordre républicain ». Dans une lettre aux policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers et policiers municipaux, Darmanin condamnait ainsi vendredi « des troubles d’une rare violence », tout en affirmant que « priorité absolue est donnée au rétablissement de l’ordre républicain », autrement dit à l’écrasement répressif de la jeunesse des quartiers populaires mobilisée. Une rhétorique de « retour au calme » dans laquelle une partie de la gauche s’inscrit ces derniers jours.

Appels au calme : Fabien Roussel en première ligne

Ainsi, vendredi, le secrétaire national du PCF Fabien Roussel déclarait dans un tweet sa « condamnation absolue des violences qui ont lieu cette nuit. Quand on est de gauche, on défend les services publics, pas leur pillage. » Un discours qui met sur le même plan l’explosion de colère d’une jeunesse qui relève la tête face aux violences policières et au racisme d’État et la violence répressive mobilisée par le gouvernement pour écraser cette dernière, et qui utilise la « défense des services publics » comme un alibi pour se désolidariser des jeunes mobilisés et justifier leur répression.

Qualifier les destructions occasionnées par les émeutes de « pillage » des services publics participe à cacher la responsabilité de la macronie et des gouvernements successifs dans la destruction de ces derniers, tout en cherchant à tourner la population contre la jeunesse mobilisée. Cette « défense des services publics » n’est d’ailleurs rien d’autre qu’une reformulation sous un vernis social des propos de Darmanin qui regrette que « les symboles de la République sont les cibles [de la colère] – mairies, écoles, commissariats, gendarmeries, postes de police municipale, centres sociaux … »

Invité sur France Info samedi matin, Roussel a réaffirmé et développé sa ligne. Il a ainsi martelé que « quand on est de gauche, on doit condamner ces violences, appeler au calme et les défendre, ces services publics », fustigeant les violences : « je ne justifierai jamais ces explosions de violence » et dénonçant qu’il n’y ait pas de « moyens plus importants pour assurer la sécurité publique » dans les quartiers populaires.

Dans la droite ligne du discours de Macron, qui appelait « tous les parents à la responsabilité », il a affirmé :« il y en a beaucoup [des jeunes] qui restent chez eux, des parents qui font attention à ce que leurs enfants restent à la maison. Il y a une minorité aujourd’hui, qui vont s’en prendre à des bâtiments publics, faire des pillages. Et donc il faut faire en sorte de canaliser cette violence et faire en sorte que l’on retrouve l’apaisement », avant d’expliquer : « notre responsabilité, à tous les politiques, quels qu’ils soient d’ailleurs, c’est d’appeler au calme, à l’apaisement ».

Un front derrière le gouvernement en faveur du retour à l’ordre, qui s’est accompagné d’une validation totale des offensives menées par le gouvernement. Alors que Macron a annoncé vendredi des mesures de censure des réseaux sociaux, Fabien Roussel a expliqué : « il y a un moment donné il faudra dire : on les coupe [les réseaux] quand c’est chaud dans le pays. Je préfère l’état d’urgence sur les réseaux sociaux que sur la population ». Une surenchère par rapport au gouvernement, et une euphémisation de mesures qui ont été déployées ces dernières années entre autres par les généraux putschistes de Birmanie, par le régime autoritaire iranien face au soulèvement à la suite du meurtre policier de Masha Alimi ou encore le régime Algérien face au mouvement du Hirak.

Une position pro-répression dans la droite lignée de ses propos anti-migrants, condamnant les violences des manifestants de Sainte-Soline ou encore de sa participation à la marche des syndicats policiers en mai 2021. En avril, Roussel tendait par ailleurs la main à Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur sous Hollande … et auteur en 2017 de l’article de loi qui a élargi le domaine légal de l’utilisation d’armes à feu pour la police, notamment en cas de « refus d’obtempérer ». Autant d’éléments qui expliquent que Roussel ait été chassé de la marche blanche pour Nahel sous les huées des manifestants

Le PS et EELV se joignent aux appels au calme

Au PS, c’est également la ligne de l’appel au calme et de la condamnation des violences qui prime. « A aucun moment la violence ne peut, ne fera et ne remplacera la justice », a ainsi tweeté le secrétaire général du parti Olivier Faure. Dans une vidéo mise en scène devant l’extinction d’un incendie déclenché au cours d’une émeute, il a condamné les violences des jeunes mobilisés : « ce que je vois ici, comme hélas, partout sur le territoire national n’est pas supportable, parce qu’on s’attaque à des édifices publics, à des services publics, à des commerces qui sont parfois le poumon d’un quartier ou d’une ville. Alors j’appelle solennellement au retour au calme. ». Une ligne également défendue par les Jeunes Socialistes

Certains députés PS vont plus loin, s’engageant même dans l’entreprise périlleuse de défendre la loi de 2017 sur le refus d’obtempérer, votée sous François Hollande. C’est le cas d’Arthur Delaporte, député PS du Calvados, qui explique au Monde que « ce n’est pas la loi qui est en cause, mais plutôt l’interprétation qui en a été faite » ou de Patrick Menucci, membre de l’aile droite anti-NUPES, pour qui « la loi de 2017 n’a rien à voir avec le tir illégal de Nanterre. Utiliser la mort de ce garçon à des fins politiciennes est dégueulasse ». Une manière de revendiquer les bilans du quinquennat Hollande et de Cazeneuve, qui ont mené un renforcement sécuritaire sans précédent à l’encontre des quartiers populaires sous couvert d’antiterrorisme, ou encore à la normalisation de l’état d’urgence, et dans lequel la macronie puise aujourd’hui ses outils pour réprimer le mouvement en cours.

Du côté d’EELV, si Marine Tondelier a abordé la question du racisme de la police, tout en niant son caractère systémique, ce qui lui a valu les attaques de la macronie et de toutes les nuances de la droite, elle a adressé en même temps, le 29 juin, ses « pensées à tous les élus locaux qui s’apprêtent à vivre une très longue nuit et à toutes celles et ceux qui se mobiliseront pour assurer la sécurité partout en France. » Des propos qui avalisent la répression mise en œuvre par plus de 40.000 policiers mobilisés, tout en affirmant : « On veut la justice et la vérité. Mais des blessés ou des morts ne nous en rapprocheront pas ». Si le discours est moins ouvertement réactionnaire que du côté du PS et du PCF, il légitime toutefois l’institution policière tout en mettant une fois de plus dos à dos les violences des forces de répression et de la colère qui agite la jeunesse.

La gauche institutionnelle s’aligne sur Macron : il faut dénoncer la répression et se solidariser de la jeunesse !

Depuis jeudi, plus de 40 000 policiers sont mobilisés chaque soir par le gouvernement, dont des unités du Raid, du GIGN et de la BRI, afin de tenter d’écraser la colère de la jeunesse. Plus de 2000 personnes avaient été interpellées en 48h ce samedi, donnant lieu dans de nombreux cas à de très lourdes peines. Dans ce contexte, l’heure doit être à la solidarité avec la jeunesse qui se révolte dans les quartiers populaires, sans aucune concession à Macron qui souhaiterait un retour au calme synonyme de reprise des attaques anti-sociales et à un très probable nouveau saut autoritaire.

Déjà, vendredi : à l’issue d’une cellule interministérielle de crise, Macron a annoncé une liste de nouveaux durcissements du dispositif répressif. Ainsi, le président a annoncé l’interruption des transports publics dès 21h, le déploiement de 18 nouveaux fourgons blindés de la gendarmerie, ainsi que de possibles censures du contenu en lien avec les émeutes qui tourne sur les réseaux sociaux. Dans le même temps, des rassemblements pour Nahel ont été interdits à Marseille, Toulouse et Montpellier et les annonces de couvre-feu se multiplient dans les quartiers populaires. Macron a montré qu’il ne comptait pas s’arrêter là pour écraser la colère de la jeunesse des quartiers populaires, en affirmant être prêt à « adapter le dispositif de maintien de l’ordre sans tabou ».

Alors que le gouvernement durcit toujours plus sa répression face à la colère de la jeunesse contre le meurtre policier de Nahel, les discours qui offrent, avec plus ou moins de nuance, un appui aux attaques du doivent être dénoncées. Loin de ces derniers, c’est un soutien à la jeunesse qui relève la tête face aux meurtres policiers et au racisme d’État qu’il faut affirmer aujourd’hui, en cherchant à construire un front large contre la répression et l’offensive autoritaire et policière du régime.


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