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Enseignement Supérieur

« Acte II de l’autonomie » : Macron précise ses attaques libérales sur l’université

Jeudi 7 décembre, Macron a annoncé le lancement d’un « acte 2 de l’autonomie des universités ». Un acte II qui promet un financement de la recherche conditionné par des évaluations et l’accélération du projet d’une université à deux vitesses.

Simon Derrerof

13 décembre 2023

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« Acte II de l'autonomie » : Macron précise ses attaques libérales sur l'université

Crédits photo : Wikimédia Commons

Alors qu’il réunissait plusieurs dizaines de chercheurs à l’Elysée, le président a profité de l’occasion pour promouvoir son nouveau projet pour l’université française derrière l’évocation d’ « un acte II de l’autonomie » et une refonte de la recherche française d’ici 18 mois. Des annonces qui font suite aux déclarations du début de l’année scolaire qui annonçaient déjà la volonté du gouvernement d’accélérer la transition vers une université toujours plus libérale et privatisée.

Derrière l’ « autonomie des université », la défense d’une université toujours plus libérale

En annonçant un « acte II de l’autonomie des universités », Macron n’a surpris personne, le sujet revenant fréquemment sur la table depuis son premier quinquennat en 2017. En effet, ce thème constitue désormais un topo récurrent de la bourgeoisie qui cherche depuis de nombreuses années à liquider l’un des principaux acquis de mai 68. En 2007 déjà, Valérie Pécresse alors ministre de l’ESR déclarait aux Echos que la loi sur l’autonomie des universités ( LRU) avait pour objectif que : «  d’ici à 2012, de réparer les dégâts de Mai 1968, qui avait cassé l’université. Pas seulement au sens propre en éclatant les disciplines dans des établissements séparés, mais aussi en instaurant une gouvernance illisible et en refusant la professionnalisation. Il faut construire une université ouverte au monde extérieur et aux partenaires  ».

C’est d’ailleurs directement dans ce parrainage que Macron a décidé de se placer en insistant sur la nécessité d’un renforcement de l’autonomie des universités et sur le besoin d’aller plus loin que la loi LRU : « Après la réforme de l’autonomie des universités, très peu de conséquences ont été tirées sur l’administration centrale et en fait, on a très peu d’autonomie. On ne doit pas rester au milieu du gué. »

Il ne faut donc pas s’y tromper, derrière le terme d’autonomie, popularisé après mai 68 et la loi Faure qui vient alors donner quelques libertés aux universités jusqu’ici soumises à un contrôle absolu de l’État, c’est aujourd’hui un tout autre projet qui nous est proposé, à savoir un désengagement financier de l’État dans les universités pour les pousser à des accords avec les entreprises privées ou les collectivités territoriales pour pouvoir se financer. Une décision confirmée par le fait que le chef de l’État n’ait annoncé aucun financement supplémentaire pour les universités, tout comme par la demande de Retailleau aux universités de faire des efforts pour le budget 2023/2024.
 

Derrière l’autonomisation des universités, une évaluation de la recherche pour conditionner les financements

Si certains présidents d’université à l’image d’Eric Berton ont salué dans les Echos« un discours ambitieux et fondateur  », la réalité semble bien moins reluisante pour la communauté universitaire.

En premier lieu, il semble que « l’acte II de l’autonomie » attaquera en premier lieu les chercheurs et enseignants. En effet, en annonçant que « cette autonomie renforcée doit s’accompagner d’un rôle accru de pilotage de la part du ministère de l’enseignement supérieur  » ou encore en conditionnant l’enseignement universitaire à une obligation de résultats « autour de vrais contrats d’objectifs, de moyens et de performance avec des financements beaucoup plus incitatifs  », Macron a décidé de lier plus directement la recherche aux besoins des entreprises ou de l’État.

Le chef de l’État va encore plus loin en assumant que « des unités de recherche dont l’évaluation ne sera pas bonne devront fermer  ». Dès lors, il s’agit pour Macron de renforcer le projet d’une université dont la recherche serait mise avant tout au service des besoins de l’État et des entreprises privées. Une volonté précisée par le chef de l’État à travers l’annonce de la transformation « des grands organismes nationaux de recherche autour de la création d’un conseil présidentiel de la Science chargée de suggérer des axes stratégiques de recherche ». En clair, ce que propose Macron, c’est la constitution de nouveaux grands instituts type CNRS en lien avec les besoins de l’État, au détriment par exemple des sciences humaines et sociales ou encore de la recherche fondamentale, jugées peu rentables.
 

Une université toujours plus élitiste, à deux vitesses et au service du patronat

Le principal enseignement des déclarations de Macron réside dans l’accélération du projet d’une université d’élite toujours plus contrôlée par les besoins du patronat dans le domaine scientifique. Plus largement en conditionnant le financement des filières de recherche à une rentabilité ou à une performativité, le président avance clairement le projet d’une université à deux vitesses. En effet, ces mesures vont pousser les présidences à axer d’une part la recherche dans leurs universités sur les besoins du patronat plutôt que sur leur utilité sociale, ou encore à chercher les financements du privé pour faire tourner leurs universités.

Un choix assumé par Macron qui en septembre dernier affirmait sur le plateau de Hugo Décrypte qu’il fallait avoir le courage « de fermer des formations » ou encore à encourager des filières plus professionnalisantes en lien avec les besoins des entreprises. Ce qui signifierait la distinction entre d’une part des universités d’élite et d’une recherche qui fonctionneraient de plus en plus sur le modèle des grandes écoles afin de truster les premières places des classements internationaux, et de l’autre la multiplication de formations courtes et professionnalisantes en lien avec les besoins du marché et des entreprises locales, en main d’œuvre qualifiée, comme c’est déjà le cas dans les IUT ou les BTS, le tout sur un accroissement de la sélection.

Dans cette même réunion du 7 décembre, le président a pourtant révélé l’absurdité de son projet en regrettant « l’étrange défaite » défaite de la France sur le vaccin Covid. Un comble quand l’on sait que la recherche a dû abandonner ses travaux sur le SRAS en 2004 à cause des baisses de budget, ou que le gouvernement a réduit le budget de la recherche en plein Covid

Un autre exemple s’il en fallait un, qu’à contrario des plans de Macron pour l’université, c’est contre les baisses de moyens ou encore la privatisation qu’il faut se battre. De la même manière, face aux plans d’université à deux vitesses qui visent en réalité à accélérer la sélection sociale dans les universités, c’est plus de moyens qu’il faut exiger, pour des embauches d’enseignants et de personnels administratifs afin de permettre à tous et toutes d’étudier.


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