Un adolescent au sol, terrifié, tenu en joue par un agent du Raid, fusil à pompe pointé sur la tête. La violente photo de cette interpellation lors d’un rassemblement pour Nahel à Lille avait fait le tour des médias, exposant la brutalité de la répression contre les quartiers populaires en révolte. Reproduite sous forme de patch par la société Thin Blue Line France, traversée d’une ligne bleue, et agrémentée de la phrase « La force doit rester à la loi », elle est devenue un symbole de fierté pour les forces de répression.

La société, qui vend toute une variété de patchs pro-police, dont certains viennent agrémenter les uniformes de policiers comme le relève Libération, s’est en effet félicitée sur ses réseaux de l’attente que suscite ce nouveau modèle. Sur son site, on peut lire : « Nous avons choisi de créer cet écusson pour honorer la bravoure et la résilience des forces de l’ordre en France. C’est une manière pour nous de montrer notre soutien indéfectible à ceux qui veillent sur notre sécurité au quotidien. » ... du moins jusqu’à mardi après midi, où l’article semble avoir disparu de sa boutique. Les menaces de poursuites de l’auteur de la photo, et de l’adolescent braqué sur cette dernière, qui n’ont bien entendu pas donné leur accord à une telle utilisation du cliché, comme le relève Libération, expliquent peut être cette disparition.

Vous vous rappelez de cette photo d'un agent du RAID braquant un jeune au sol ?
Le compte de soutien aux forces de l'ordre, Thin blue line France, a décidé d'offrir la possibilité aux policiers d'en faire une fierté et de pouvoir l'arborer sur leurs uniformes pic.twitter.com/bKduzcJ7ZO

— Ema (@m_a_ema) July 25, 2023

La Thin Blue Line, « fine ligne bleue », est un signe bien connu des forces de répression. En début d’année, Libération retraçait l’histoire de ce symbole. Apparu dans les années 50 aux Etats Unis, le symbole connaît une nouvelle vague de popularité au sein des forces de police américaines depuis 2013, en réaction au mouvement Black Lives Matters. Ainsi, la Ligne Bleue accompagne le contre mouvement pro-police et raciste Blues Lives Matters (« la vie des policiers comptent »).

Omniprésente dans les rassemblements de l’extrême droite américaine, en décor d’un discours de Donald Trump, érigée en drapeau, représentée lors de l’invasion du Capitole en 2020 : la « fine ligne bleue », conjointement à un symbole corporatiste des forces de répression, est devenue un signe de ralliement de l’extrême droite.

En France, le symbole a été popularisé à grande vitesse depuis la création de la société Thin Blue Line France en 2019. On retrouve la ligne sous forme de patch dans le quotidien des agents de police, s’exposant sur leurs réseaux sociaux, mais également sur leurs uniformes lors d’interventions ou cérémonies patriotiques. Certains augmentent les patchs de leur unité ou de leur grade d’une ligne bleue. D’autres arborent des représentations d’armes traversées de la ligne apologisant celles-ci. Des figures comme Batman, ou encore plus parlant, le Punisher (personnage Marvel emblématique, qui impose sa loi par la force), sont représentées à côté de la ligne. Dans le même esprit de construction de la figure du « policier-héros », on peut voir un patch sur lequel le policier embrasse sa femme qui l’attendait à la maison, encadré d’un cœur.

Patch vendu par Thin Blue Line France

Ce nouveau patch, des mots mêmes de son créateur, entendait encourager, glorifier, décorer les auteurs de la répression historique qui s’est abattue sur les jeunes de quartiers populaires, militairement et judiciairement. Symbole de cette répression, il témoigne d’une plus large offensive réactionnaire. Depuis plusieurs semaines, l’offensive répressive massive lancée par le gouvernement contre la révolte des quartiers populaires a ouvert la voie à une décomplexion de l’extrême droite et des syndicats policiers. Ces derniers sont allés jusqu’à publier un communiqué appelant à une guerre civile en réponses aux révoltes des quartiers populaires.

Aujourd’hui, par un mouvement de grève du zèle et d’absences, les forces de répression entendent faire pression pour inscrire dans la loi l’impunité policière qui existe déjà dans les faits. Une offensive ultra-réactionnaire, soutenue directement par Darmanin, le Directeur Général de la Police Nationale (DGPN) Frédéric Veaux ou encore le préfet de Paris Laurent Nuñez, et qui fait planer le risque d’un nouveau saut autoritaire. Le succès de la Thin Blue Line et la glorification de l’arrestation brutale d’un adolescent par une unité d’élite spécialisée contre le grand banditisme et le terrorisme témoignent du profond racisme et de l’attachement à la violence répressive de l’institution policière, qui peuvent s’exprimer avec de plus en plus de décomplexion grâce aux politiques gouvernementales. Une surenchère réactionnaire face à laquelle le mouvement ouvrier doit se préparer à lutter.

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