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L’État responsable

Panne des numéros d’urgence : au moins 3 morts, à qui la faute ?

Mercredi soir, une panne de l’opérateur Orange a fortement perturbé le réseau téléphonique, notamment les appels aux services d’urgences. Au moins 3 décès sont imputés à cette panne. Un problème prévisible et évitable, qui pose la question de la gestion de ces lignes par des entreprises privées.

Inès Rossi

3 juin 2021

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Crédits photo : ISSOUF SANOGO / AFP

Mercredi soir, de 18h à minuit, un problème de routeur de l’opérateur Orange a fortement perturbé, voire rendu inaccessibles les numéros d’urgence, notamment ceux du Samu et des pompiers, et ce dans toute la France. Un homme atteint d’une maladie cardio-vasculaire et deux victimes d’AVC sont mortes, probablement faute d’avoir pu joindre les secours à temps, et il ne s’agit là que des victimes déclarées. Les perturbations de réseaux se sont poursuivies jusque tôt dans la matinée de jeudi.

En cause, un problème de routeur géré par Orange mais utilisé par d’autres opérateurs téléphoniques. Des numéros alternatifs ont rapidement été mis en place, mais évidemment, en cas d’urgence médicale, la moindre minute compte. Pire, l’incident a eu lieu au moment où le pic d’alertes est généralement atteint dans les services d’urgence.

Dès les premières heures, c’est un branle-bas de combat du gouvernement qui s’opère autour de cette catastrophe pour trouver un responsable. Gérald Darmanin sur le qui-vive dénonce aussitôt des « dysfonctionnements graves et inacceptables » de la part de l’opérateur pendant que Jean Castex a appelé à « tirer toutes les conséquences » de ces évènements. Dès 9 heures, c’est le PDG Stéphane Richard qui a été convoqué en personne au Ministère de l’Intérieur.

Une lecture de la situation qui profite largement à l’exécutif puisqu’il a pour conséquence de laver l’Etat de toute responsabilité. Mais cela ne semble pas être du goût des travailleurs urgentistes, dont le dispositif d’urgence est au cœur de leur métier. « Ce qui domine aujourd’hui chez nous, c’est une grande colère, parce que cet incident était prévisible. » explique Christophe Prudhomme, porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France, à franceinfo. Il pointe la responsabilité de l’État, et des grandes entreprises privées qui gèrent le service téléphonique vers les urgences. En cause selon lui, la privatisation de ce service relevant pourtant de la santé publique : « On a libéralisé les télécoms, nous n’avons plus d’opérateurs d’État unique, et on n’a absolument pas géré le fait qu’en cas d’incident, il nous fallait un système de secours. Ce système de secours n’existe pas aujourd’hui, donc il va falloir investir. »

Si l’exécutif s’empresse de trouver un coupable autre que lui, c’est donc bien parce que cet évènement, analysé sous le prisme de la privatisation et de ses conséquences, pointe alors directement du doigt l’Etat qui a ouvert la voie à la concurrence dans ce domaine pour augmenter les profits, contenter les actionnaires et casser plus facilement les conditions de travail. Et cela pourrait grandement inquiéter la population qui fait face à une vague de privatisation dangereuse pour sa sécurité, en témoignent déjà les nombreux accidents ferroviaires liés à la privatisation du rail à l’instar de Brétigny. Une dynamique inquiétante qui alerte depuis des années les travailleurs en première ligne, à l’instar de la colère des urgentistes ce jeudi.

En effet, alors qu’ils subissent de plein fouet la déplorable gestion de la crise sanitaire par l’État, les soignants sont excédés après cet incident « entre l’Etat qui nous demande des économies et des opérateurs téléphoniques qui ne pensent qu’à gagner les parts de marché, on ne sécurise pas les numéros essentiels pour la sécurité de la population... » dénonce Christophe Prudhomme.

« Je le répète depuis des années. J’ai vécu la période de France Télécom, des PTT, d’un opérateur public unique. C’était notre interlocuteur, nous pouvions discuter avec lui de la sécurisation de notre système. Aujourd’hui, nous avons plusieurs opérateurs, quatre grands opérateurs, c’est très compliqué pour nous. Et l’Etat n’a pas pris ses responsabilités et n’a pas imposé à ces opérateurs des investissements pour assurer la sécurité des secours de la population. » ajoute-t-il.

Une panne plus qu’évitable donc, mais surtout un exemple supplémentaire de ce qui arrive quand la gestion des structures vitales de nos sociétés est laissée entre les mains des capitalistes. Si la raison de la panne ou du dysfonctionnement n’est pas encore connue, il y a fort à parier que les plans sociaux successifs à Orange n’y sont pas pour rien, quand on sait que l’entreprise a supprimé plus de 20 000 postes entre 2014 et 2020. En revanche, son bénéfice a augmenté de 53,8% en 2019, atteignant les 3 milliards d’euros.


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