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Extrême-droite

Marine Le Pen dans Les Echos : le RN approfondit sa mue néolibérale

Marine Le Pen a publié ce jeudi une tribune dans le journal patronal Les Échos. En insistant sur la flambée de la dette publique française et sur sa stratégie pour y répondre, la dirigeante du Rassemblement national entend parfaire son programme économique pour séduire le grand patronat.

Damien Bernard

1er mars

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Marine Le Pen dans Les Echos : le RN approfondit sa mue néolibérale

Crédits photo : Rémi Noyon, Licensed under the Creative Commons Attribution 2.0 Generic | Flickr

Après son aggiornamento économique sur la dette présentée en 2021 dans le journal L’Opinion, Marine Le Pen poursuit et approfondit sa mue néolibérale. Ce jeudi, elle publie dans le quotidien économique Les Echos un « point de vue » intitulé : « Face au mur de la dette, l’urgence d’une stratégie nationale ».

Le programme économique de Marine Le Pen : rembourser la dette sur le dos des étrangers et des précaires

Dans ce texte, la présidente du Rassemblement national à l’Assemblée présente sa vision sur la dette publique française et expose les « quatre principaux chantiers » qu’elle envisage pour y remédier. Reprenant à son compte les propos de Pierre Moscovici, elle y déplore l’augmentation de la dette publique qui, depuis l’accession de Macron au pouvoir, a augmenté de 58 % et approche désormais les 3 100 milliards. Une « dérive des finances publiques » qui pour Marine Le Pen constitue « un péril pour la souveraineté nationale dans un contexte de taux d’intérêt durablement élevés. »

Après un long passage sur la responsabilité de Macron et du « quoi qu’il en coûte » dans cette situation, la dirigeante rappelle la position du RN sur la question qu’elle dit défendre depuis « des années » : « face au mur de la dette », la France doit retrouver « une stratégie ordonnée de redressement budgétaire ». Contre la politique des « coups de rabot », il s’agit d’opposer des « mesures structurelles » pour « lutter contre les plaies que constituent dans nos dépenses l’immigration massive ou la fraude sociale ». Pour Marine Le Pen, pas de changement sur la politique raciste et xénophobe couplée à une chasse aux précaires soit disant « fraudeurs ». Deux axes centraux qu’elle décline suivant « quatre chantiers ».

« Le premier d’entre eux sera le coût de l’immigration pour les finances publiques » appuie la dirigeante d’extrême-droite. « Financement de l’accueil, versement de prestations, surcharge de la police et de la justice » sont pointés. Le deuxième chantier sera celui de la « lutte contre la fraude, qu’elle soit sociale, fiscale ou liée aux pratiques anticoncurrentielles ». Le troisième, étant « la recréation d’une économie de production enracinée, entièrement tournée vers la création de valeur » qui induit la fin « des normes sclérosantes » et de « la concurrence internationale déloyale » ainsi que « la mise en œuvre de la priorité nationale pour les entreprises françaises ». Et de conclure sur un quatrième pan au niveau institutionnel, appelant à « introduire une séparation stricte entre le budget d’investissement, qui seul pourrait être financé par la dette, et les dépenses de fonctionnement ».

Marine Le Pen assume jusqu’au bout son aggiornamento néo-libéral

Cette prise de position de Marine Le Pen s’inscrit en continuité avec son aggiornamento néolibéral, exprimé en 2021 dans la tribune à L’Opinion, avec toutefois quelques nuances. Exit toute référence à la « morale » qui visait à donner une cohérence au tournant politique brusque du RN par rapport à la sortie de l’Europe et la « nationalisation » de la dette publique. Exit aussi toute référence à l’annulation de la dette de la BCE et de toute critique des indicateurs aux mesures de l’endettement utilisées par les économistes dominants. Enfin, disparaît toute référence aux aspects « sociaux » du programme du RN, alors même que Marine Le Pen affirmait en 2021 qu’elle « continuerait à défendre » la retraite à 60 ans et 40 annuités de cotisations

Place désormais aux nouveaux poncifs néo-libéraux, tels que l’usage de l’expression « mur de la dette » par Agnès Verdier-Molinié, directrice de l’institut Ifrap, et porte-voix préféré des grands médias et des économistes libéraux. En 2024, plus de fioriture donc, mais une prise de position toujours plus néo-libérale digne du programme d’Edouard Philippe qui déclarait dans L’Opinion que la dette publique « [devait] être une obsession politique, parce que lorsqu’on la laisse filer on perd progressivement sa souveraineté ».

Un discours pour draguer le grand patronat, au risque d’abîmer son image antisystème ?

Par cette nouvelle étape de « normalisation », Marine Le Pen cherche avant tout à soigner sa « crédibilité » vis-à-vis du grand patronat. Parmi les recettes proposées, l’habituel poncif autour de la suppression des « agences, autorités ou commissions » qui s’inscrit dans le discours classiquement néo-libéral de la droite. Basé sur « les normes » et la « bureaucratie d’Etat », ce discours est adressé directement aux grands capitalistes français pour leur signifier la voie vers laquelle Marine Le Pen compte réorienter l’économie à savoir « entièrement » vers « la création de valeur ».

Face à la perte de crédibilité du macronisme et de la droite traditionnelle, la dirigeante d’extrême-droite cherche ainsi à se positionner vis-à-vis du grand patronat comme une solution de rechange. Pour cela, elle multiplie les contacts avec les grands patrons français comme Henri Proglio ou encore Michel-Edouard Leclerc et Dominique Schelcher et se rabiboche avec l’empire Bolloré avec lequel elle a expérimenté quelques frictions lors de la présidentielle de 2022. Une localisation que Marine Le Pen cherche à consolider en s’appuyant sur la gouvernance 100% néo-libérale de l’extrême-droite de Melloni en Italie, dont la relative stabilité génère quelques sympathies au sein du grand patronat.

En approfondissant sa « normalisation » néo-libérale, Marine Le Pen tente de profiter de la crise de la dette et d’une situation marquée par l’instabilité globale. Alors que la macronie est en crise et que la dynamique électorale est du côté du RN, il s’agit pour l’extrême-droite de capitaliser sur la séquence des européennes pour combler un manque de crédibilité au plan économique et en finir avec le traumatisme du débat au second tour de la présidentielle 2017. Un nouvel approfondissement dans l’intégration du RN au régime qui pourrait cependant aiguiser la tension qui existe entre sa « normalisation » et ses prétentions « antisystème ».


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