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Macron promet la constitutionnalisation de l’avortement : nous ne sommes pas dupes !

Macron a annoncé ce dimanche le dépôt d’un projet de loi constitutionnelle pour inscrire la « liberté de la femme d’avoir recours à l’IVG » dans la constitution. Un nouvel écran de fumée qui masque la question de l’effectivité réelle d’un accès pour tous-tes à l’IVG, pleinement libre et gratuit.

Imogen Fraser

31 octobre 2023

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Macron promet la constitutionnalisation de l'avortement : nous ne sommes pas dupes !

Crédits photo : Révolution Permanente

Emmanuel Macron a annoncé ce dimanche qu’un projet de loi constitutionnelle sera envoyé au Conseil d’État pour garantir la « liberté pour la femme d’avorter ».

Le projet de constitutionnalisation de l’avortement est défendu par une grande partie de la classe politique ainsi que par des collectifs féministes, comme le « collectif droit avortement Europe », depuis juin 2022, suite à l’abrogation de l’arrêt Roe V. Vade aux États-Unis, qui a retiré du jour au lendemain aux états-unien.nes leur droit d’avorter.

S’en est suivie toute une aventure parlementaire, du rejet du Sénat d’un premier texte porté en octobre 2022, l’Assemblée nationale a adopté le 24 novembre dernier une proposition de loi issue d’un compris entre LFI et la majorité gouvernementale. Le 1er février, le Sénat a finalement formulé en d’autres termes l’inscription de l’IVG dans la constitution, remplaçant le texte initial, « La loi garantit l’effectivité et l’égal accès au droit à l’interruption volontaire de grossesse », par une formulation plus restrictive.

La formulation privilégiée par le Sénat se limite à une référence à la loi existante, en supprimant également la notion de droit : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse. ». Aussi, en affirmant que la « liberté de mettre fin à sa grossesse » n’est possible que pour « la femme », cela exclut d’office les hommes trans de l’accès à l’IVG.

Avant l’annonce de Macron ce dimanche, le gouvernement pouvait choisir soit de proposer un projet de loi constitutionnelle émanant de l’exécutif comme il l’a fait, soit de laisser la balle dans le camp du parlement. Les deux chambres auraient alors dû se mettre d’accord sur un texte commun qui aurait débouché ensuite sur un référendum. Or, un tel scénario aurait pu se retourner contre le gouvernement avec un référendum pour ou contre Macron.

Finalement le gouvernement a décidé de prendre les devants pour s’éviter un référendum, tout en choisissant la formulation retenue par le Sénat, soit une formulation plus restrictive et moins engageante. Une nouvelle manœuvre de Macron qui, bien loin de poser la question même de l’intégration du « droit » à l’IVG dans la constitution, vise, comme le pointe L’Opinion, à ressouder son camp et à semer la discorde chez ses adversaires en pleine campagne européenne, la droite et l’extrême droite étant divisées sur le sujet.

Un écran de fumée qui n’engage à rien

Cette promesse du gouvernement survient dans une séquence profondément autoritaire et sécuritaire marquée par l’offensive militaire de l’Etat d’Israël en Palestine. Une manière pour le gouvernement de se donner un vernis progressiste quand dans le même temps, il soutient le « droit à se défendre » d’Israël, et donc à bombarder des dizaines de milliers de palestiniens dont de nombreuses femmes. Des milliers de femmes enceintes sont d’ailleurs privées actuellement de la possibilité d’accéder à des soins, et accoucheront très certainement au milieu de ce massacre.

Par ailleurs, inscrire réellement le droit à l’avortement dans la constitution ne garantit en rien l’effectivité du droit à l’avortement. Le droit à l’avortement est loin d’être actuellement entièrement effectif en France, entre pénuries de pilules abortives, manque énorme de moyens pour les hôpitaux et existence d’une « clause de confidentialité » qui permet toujours aux médecins de refuser des IVG.

Notre système de soins traverse une de ses pires crises depuis des décennies, avec la fermeture de lits et de maternités dans tout le pays. La grève de la maternité des Lilas en témoigne. Cet établissement de santé féministe est menacé de fermeture par l’ARS depuis près de 10 ans, car ses pratiques ne correspondent pas aux attentes néolibérales de l’état concernant les établissements de santé : des accouchements peu médicalisés ou encore la prise en charges de transitions de genre.

La casse des services publics est un véritable obstacle à l’accès aux droits reproductifs. De même, les pénuries de pilules abortives s’aggravent, comme à Lille, à cause des logiques de rentabilités des entreprises de production pharmaceutique. Les pénuries et le manque de moyens énormes dans les services publics de santé montrent que la question du droit effectif à l’avortement reste à conquérir et exige des politiques ambitieuses de financement et d’embauches dans la santé ainsi que la levée et la fin des brevets pharmaceutiques !

De même, le projet sécuritaire et libéral que Macron désire pour l’école est très loin d’aller vers la mise en place d’une véritable éducation à la sexualité, et donc d’une éducation sur l’IVG ou au recours à des contraceptifs. Pour cela, les personnels de l’éducation et de santé devraient avoir les moyens financiers, matériels, et humains pour prendre en charge, de manière indépendante, la mise en place d’une éducation aux questions de genre et de sexualité !

La nécessité d’un programme féministe révolutionnaire pour garantir un droit à l’IVG libre et gratuit

Au vu de cette situation, il est plus que clair que le projet du gouvernement est non seulement loin de la constitutionnalisation réelle du droit à l’IVG, mais détourne le regard de la question de l’effectivité réelle : nous ne sommes pas dupes !

Pour garantir un droit à l’IVG effectif, libre et gratuit, il est nécessaire d’avoir un programme féministe révolutionnaire, avec une lutte résolue pour l’augmentation des salaires et pour des moyens massifs pour les services publics, comme la santé et l’éducation.

Macron ne sera jamais notre allié ! C’est au côté des travailleur.euses en lutte que le mouvement féministe peut et doit construire le rapport de force pour une effectivité réelle du droit à l’IVG !


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