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Education Nationale

Harcèlement à l’école : le nouveau plan répressif du gouvernement

Le gouvernement a dévoilé ce mercredi son plan de lutte contre le harcèlement : un projet qui renforce la gestion répressive des élèves harceleur.euses par l’école, la police et la justice. Face à ce projet autoritaire pour l’école, l’éducation doit s’organiser !

Salomé Leïla

27 septembre 2023

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Harcèlement à l'école : le nouveau plan répressif du gouvernement

Crédits photo : capture d’écran BFMTV

Cet après-midi, la première ministre Elisabeth Borne a dévoilé dans une conférence de presse le nouveau plan de lutte interministériel contre le harcèlement. Face à la multiplication des suicides d’adolescent.e.s victimes de harcèlement scolaire, et la révélation avec le dernier drame en date, celui du jeune Nicolas, de la lourde défaillance de l’institution scolaire, le gouvernement entend se poser en héraut de la lutte contre le harcèlement. Mais le plan concocté par Borne et Attal n’augure aucune perspective d’amélioration face au harcèlement scolaire, et pire, permet au gouvernement de prolonger son offensive répressive contre la jeunesse.

Face au harcèlement, Borne et Attal misent sur le tout répressif et ouvrent les portes de l’école à la police

Derrière le slogan phare du plan anti-harcèlement qui n’a cessé d’être martelé par Borne et Attal mardi après-midi, « 100% de prévention, 100% de détection, 100% de solution », c’est en réalité une nouvelle doctrine du tout répressif qui s’inaugure dans la lutte contre le harcèlement scolaire. Un constat peu surprenant, car la multiplication depuis la semaine dernière des interpellations policières dans le cadre scolaire de jeunes soupçonnés de harcèlement annonçait déjà la couleur.

En effet, le plan dévoilé par Elisabeth Borne entend bien ouvrir les portes de l’école à la répression policière et judiciaire. Au cœur de ce plan, le projet est bien de « généraliser la coopération entre l’école, les forces de l’ordre et la justice ». Un arsenal de nouvelles mesures est prévu pour mener à bien ce projet : désignation parmi les forces de l’ordre d’interlocuteurs dédiés à la communication avec les directions d’établissements scolaires, mise en place d’une plateforme permettant une communication directe entre l’Éducation nationale et la justice, saisine systématique du procureur pour tout signalement de harcèlement…

En ce sens, le plan du gouvernement prévoit donc de renforcer considérablement la gestion punitiviste du harcèlement par l’institution scolaire. Deux circulaires publiées cet été donnaient déjà le ton, en permettant d’une part l’exclusion dès la primaire d’un.e enfant soupçonné.e de harcèlement, et d’autre part le changement d’établissement d’un.e élève reconnu.e auteur de faits de harcèlement sans l’accord nécessaire de ses représentants légaux. Avec ce nouveau plan, Borne et Attal vont encore plus loin, notamment en matière de cyber-harcèlement, brandissant au passage Internet et les réseaux sociaux comme des auxiliaires du harcèlement qui justifieraient le renforcement des sanctions contre les jeunes. 
 
Ainsi, le plan dévoilé par la première ministre prévoit la confiscation du téléphone d’un.e élève soupçonné.e de harcèlement dès le début de l’enquête, la mise en place d’un « couvre-feu numérique » interdisant l’accès aux réseaux sociaux la nuit, voire une peine de « bannissement des réseaux sociaux » de 6 mois à 1 an. De ce point de vue, en mettant la focale sur la sanction et la répression, le plan de Borne et Attal en matière de prévention et de lutte contre le harcèlement n’apporte aucune solution à la prise en charge de la souffrance des élèves victimes, à la dimension souvent collective et sociale du harcèlement qui se glisse dans nombre d’interactions sociales quotidiennes, et encore moins au caractère systémique du harcèlement scolaire car, rappelons-le, les comportements des élèves harceleurs.euses sont surtout la reproduction des oppressions sexistes, racistes, homophobes, transphobes… qui s’exercent dans notre société et face auxquelles l’institution scolaire n’apporte aucune réponse.

Un plan qui camoufle la lourde responsabilité de l’institution scolaire et du gouvernement en matière de harcèlement

En faisant de la répression contre les élèves responsables de faits de harcèlement le point de mire de son plan de lutte, le gouvernement opère donc un savant tour de passe-passe pour masquer les politiques gouvernementales qui, année après année, ont œuvré au renforcement dans la société et à l’école d’un climat propice au harcèlement : homophobe – lorsque Macron s’opposait à la sensibilisation contre les LGBT-phobies à l’école pendant sa dernière campagne –, mais aussi transphobe – lorsque Blanquer coopérait avec des lobbys transphobes, ou encore raciste et sexiste avec l’interdiction récente du port des abayas qui organise le harcèlement institutionnel quotidien de milliers de jeunes élèves.

Les mesures annoncées dans ce plan de lutte anti-harcèlement contribuent aussi à dédouaner la responsabilité de l’institution scolaire qui organise pourtant méticuleusement l’omerta sur ce sujet depuis des années, comme l’a montré la révélation scandaleuse d’une cinquantaine de courriers de réprobation envoyés par les rectorats aux parents d’élèves ayant signalé des faits de harcèlement, parents qu’Elisabeth Borne a d’ailleurs appelé à « se responsabiliser » en matière de harcèlement lors de sa conférence de presse. Pour Attal, la formation et la création de « brigades anti-harcèlement » dans les rectorats devrait suffire à résoudre ce qu’il qualifie de simples « erreurs », se gardant bien de poser sur la table la question de la formation de l’ensemble des personnels d’éducation (Assistant.es d’éducation, Assistant.es Pédagogiques, CPE, AESH et ATSEM, enseignant.e.s…) qui sont au contact direct des élèves et jouent un rôle clé dans la détection et la prise en charge des situations de harcèlement.

Car en matière de lutte contre le harcèlement à l’école, le problème réside bien dans le cruel manque de moyens dont disposent les personnels d’éducation, et que les ministres de l’Éducation successifs, Attal ne faisant pas exception, n’ont cessé de dégrader par une politique de casse de l’école publique. Le résultat est aujourd’hui une profonde pénurie de personnels médico-sociaux (psychologues, assistant.es social.es, infirmier.ères), le rabotage des effectifs de vie scolaire et d’enseignement dont le travail de prévention, de repérage et d’écoute est rendu impossible face à des classes dont les effectifs ne cessent d’augmenter.

Pour lutter contre le harcèlement, l’éducation doit défendre un programme de lutte pour les moyens et la formation de tous ses personnels

Afin de pouvoir véritablement lutter contre les mécanismes du harcèlement scolaire et leur caractère systémique, les personnels de l’éducation doivent donc intégrer cette question à un programme de lutte pour des moyens, car ce n’est pas dans les rectorats que se résoudra le problème du harcèlement. Il est urgent de mettre fin à cette fuite en avant qui ne cesse de dépouiller les écoles de leurs moyens d’accompagnement des élèves, et de revendiquer des embauches de personnels d’enseignement, et plus encore de vie scolaire et d’accompagnement médico-social.

Cela ne pourra pas se faire sans la défense d’une revalorisation salariale d’ampleur, car ces métiers (tels que les AESH et les AED) sont souvent les plus précaires de l’éducation : il faut revendiquer le rattrapage salarial de ces métiers, mais aussi 400 euros d’augmentation pour tou.te.s et l’indexation des salaires sur l’inflation. De plus, la prévention du harcèlement ne se fera pas non plus sans l’amélioration des conditions matérielles d’enseignement : réduction des effectifs par classe, rénovation des établissements scolaires vétustes et insalubres,…

Enfin, alors que le gouvernement d’Elisabeth Borne annonce dans son plan l’augmentation des moyens mis dans la formation des forces de l’ordre et des personnels des rectorats, il est plus que jamais nécessaire de s’opposer au renforcement de la gestion répressive du harcèlement par l’institution scolaire, la police et la justice. L’institution policière, celle-là même qui réprime, violente les élèves et les livre à la répression judiciaire comme on l’a vu après le meurtre de Nahel, n’aura jamais sa place dans nos écoles.

Bien au contraire, les personnels d’éducation doivent être en première ligne pour défendre ces jeunes et défendre les moyens pour lutter contre les oppressions et la violence sociale qu’ils subissent et reproduisent à l’intérieur de nos établissements. Pour cela, il faut revendiquer la prise en charge du harcèlement à l’échelle de chaque établissement scolaire : par des commissions de personnels formés, par la mise en place d’ateliers de prévention et d’écoute laissant libres la parole des élèves, ou encore par la mise en place d’une véritable éducation au genre, à la sexualité et à l’antiracisme à l’école. Cela ne passera pas sans une politique de formation d’ampleur de tous les personnels d’éducation à la prévention contre le harcèlement et à la lutte contre les oppressions à l’école.


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