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Edito

Face à la répression et aux attaques de Macron : riposte ouvrière et populaire par la grève et l’action !

Une semaine après le déclenchement de révoltes dans les quartiers populaires, le gouvernement et les secteurs les plus droitiers du régime préparent une nouvelle offensive autoritaire de grande ampleur, dont la répression inouïe et le traitement judiciaire d’exception réservés aux émeutiers ces derniers jours sont les prémisses.

Nathan Deas

5 juillet 2023

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Face à la répression et aux attaques de Macron : riposte ouvrière et populaire par la grève et l'action !

Crédit photo : Révolution Permanente

Les chiffres donnent le tournis. Quatre fois plus de gendarmes et de policiers déployés qu’à l’occasion du pic de la mobilisation contre la réforme des retraites, plus de 3000 interpellés en à peine une semaine, des mineurs de treize ans en garde à vue et déférés, plusieurs centaines d’incarcérations et de condamnations lourdes. A Marseille, un homme est décédé, vraisemblablement des suites d’un tir de LBD policier. Une semaine après la première nuit de révolte à Nanterre, où a été assassiné Nahel, le bilan est déjà très lourd, il pourrait être plus brutal encore.

D’abord parce qu’au bilan « policier », il faudra ajouter celui d’un traitement judiciaire d’exception, exigé par le garde des Sceaux dans une circulaire envoyée aux parquets et dont on commence tout juste à saisir l’ampleur. « Un carnage » que Révolution Permanente s’efforce de documenter face à la multiplication des condamnations lourdes et des peines de prison fermes. Ensuite parce qu’à « l’exception » pourrait succéder la « norme » ou « normalisation », c’est-à-dire l’inscription dans le droit commun de nouvelles dispositions répressives, dans la droite lignée de l’offensive autoritaire post mouvement des retraites, alors que le macronisme et les secteurs les plus droitiers du régime entendent « sortir de la crise » avec un nouveau durcissement de grande ampleur.

A colère populaire, réponse autoritaire du macronisme

Pour « tourner la page », expression consacrée des communicants de l’Elysée, l’exécutif s’apprêterait à mettre sur la table un ensemble de mesures répressives. Le chef de l’Etat qui attendrait le 14 juillet, jour de clôture des « cent jours d’apaisement », pour les décliner n’a pas prévu de mettre la « détente » à l’ordre du jour. Sa volonté affichée ce mardi, à l’occasion d’une rencontre avec les maires, de « couper les réseaux sociaux » « quand les choses s’emballent » est particulièrement explicite et témoigne des velléités de durcissement d’un régime qui, pour mater les manifestations dans le silence et par la force, trouve de plus en plus ses inspirations dans le bréviaire des gouvernements autoritaires.

Le reste du programme (pour ce qu’on en connaît) ne s’annonce guère plus reluisant. Outre le renforcement des moyens policiers (en novembre dernier, la Loi LOMPI prévoyait déjà 15 milliards d’euros supplémentaires pour le budget de la police jusqu’en 2027) et la surenchère xénophobe (sur fond de présentation à venir d’une nouvelle mouture de la loi Immigration), serait à l’étude la possibilité de « sanctionner financièrement » les familles en mettant en place une « sorte de tarif minimum dès la première connerie ». Une proposition inspirée de la droite, censée incarner, dans la continuité de la réponse mobilisée face à la crise de ces derniers jours, la ligne répressive du gouvernement et le retour à « l’ordre » et aux « devoirs ».

En arrière-plan, Emmanuel Macron entend continuer à mobiliser son analyse sur « le processus de décivilisation » qui serait à l’œuvre dans la société confie « un de ses fidèles » à Politico. « Plusieurs leviers pourraient être activés pour sortir de ces « e-meutes » : « la lutte contre l’effondrement civique, l’école, qui doit rentrer dans le champ du régalien, et la régulation XXL des réseaux sociaux. Bref, un « agenda de défense républicaine » qui doit « reciviliser » rapporte la newsletter. Une façon de couper l’herbe sous le pied à l’extrême-droite, à l’offensive ces derniers jours, et de continuer à stigmatiser les quartiers populaires et leurs revendications, mais aussi de poursuivre sur la voie de la criminalisation du mouvement social.

Sur ce terrain, à l’occasion des questions au gouvernement, Elisabeth Borne ce lundi, n’a pas manqué d’adresser une énième adresse aux oppositions, chargeant les Insoumis suite à leur refus d’appeler au calme. Une rhétorique en phase avec la ligne fixée par le président de la République sur les « factieux » et par son ministre de l’Intérieur sur « l’ultra-gauche » et la défense à tout prix de l’institution policière au sortir du mouvement contre la réforme des retraites. La ligne est ainsi clairement posée : polariser les débats sur les « violences » des émeutiers en cherchant à incarner toujours plus le parti de l’ordre, s’en prendre violemment aux habitants de quartiers populaires et à leurs révoltes en surenchérissant sur la droite, préparer le terrain à de nouvelles attaques qui pourraient concerner l’ensemble du mouvement social et dont l’ampleur dépendra du rapport de force dans les semaines et mois à venir.

Sur fond de polarisation croissante, la droite et l’extrême droite à l’offensive

Ces derniers jours, la dynamique de la cagnotte lancée par Jean Messiha, un soutien d’Eric Zemmour, en soutien au policier qui a tué Nahel a suscité un large émoi. Et pour cause, autour de cette collecte de la honte, qui constitue autant une légitimation qu’une récompense pour avoir tué un jeune arabe, c’est toute l’extrême-droite qui exprime sa volonté de passer à l’offensive contre les révoltes des derniers jours et celles et ceux qui les soutiennent. Une offensive qui s’est concrétisée notamment dans la rue avec l’intervention de plusieurs groupuscules fascistes ou fascisants qui ont tabassé, sous le regard bienveillant de la police, des jeunes racisés les soirs d’émeutes.

En parallèle, sur fond d’offensive judiciaire et répressive d’ampleur, le RN a déposé à l’initiative du député Sébastien Chenu, une proposition de loi qui supprime l’excuse de minorité. « Les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables » affirme le texte. Une façon de normaliser le traitement judiciaire d’exception réservé ces derniers jours aux quartiers populaires, notamment à de très jeunes adolescents, et de « terroriser une génération entière » comme le dénonce Elsa Marcel, avocate au barreau de Paris et militante à Révolution Permanente. Une offensive répressive que LR reprend à son compte, après son offensive sur l’immigration fin mai, en enchaînant les propositions chocs sur la sécurité pour ne pas laisser le champ libre au RN et à Reconquête, notamment concernant la responsabilité pénale des parents de mineurs suspectés de « violences ». Du côté du Sénat, le président du groupe LR Bruno Retailleau surenchérit et réfléchit à plusieurs PPL. « Il faut rendre possible les comparutions immédiates pour les mineurs, rétablir les courtes peines de prison qui avaient été supprimées » avance-t-il.

En toile de fond, de Reconquête à LR en passant par le RN, la droite réactionnaire et l’extrême-droite profitent de la crise pour étaler leurs idées nauséabondes, stigmatisant les quartiers populaires et leurs habitants, en plus de rejeter en bloc la question sociale, voire de prophétiser une « guerre civile raciale ». Un visage ultra réactionnaire et violent, prêt à trouver toutes les excuses pour le policier qui a tué Nahel et qui devrait s’incarner dans des campagnes xénophobes dans les jours à venir, alors que LR réfléchit à une proposition de loi sur la « déchéance de nationalité » et à une remise en cause du droit du sol, tandis que Reconquête et le RN entendent tirer profit de la loi Immigration à venir pour pratiquer une surenchère raciste totalement décomplexée.

Alors que la colère des quartiers populaires a ouvert une crise profonde pour un gouvernement déjà très fragile, les réactionnaires cherchent à se positionner en tant que « garant » de l’ordre de la bourgeoisie et montrer qu’ils sauront mieux que Macron réprimer les contestations futures, en appelant de leurs vœux à un saut autoritaire. Une logique en phase avec le discours des syndicats de police qui doit alerter l’ensemble des organisations du mouvement ouvrier, de la gauche et du mouvement social. En effet, en l’absence de politique de solidarité active et d’intervention, et sur fond de colère sociale importante dans le pays quelques semaines après l’enterrement de la mobilisation sur les retraites, l’extrême droite pourrait capitaliser sur les peurs du chaos et le racisme, attisées par le gouvernement et la majeure partie de la classe politique.

Il faut construire une riposte antiraciste et ouvrière large

Au regard de ces enjeux, la réaction plus que timorée des directions syndicales est problématique. Depuis le début, celles-ci se sont tenues à l’écart des révoltes, se contentant de dénoncer le meurtre de Nahel sans appel à la mobilisation. Pire, au moment où une répression historique et brutale battait son plein, la CFDT comme la CGT mettaient sur le même plan les violences de l’État et celles de la jeunesse des quartiers populaires qui se révoltait dans leurs communiqués.

De ce point de vue, l’appel signé par plus de 90 organisations, dont la CGT, Solidaires, la FSU, LFI, EELV ou encore le NPA à marcher à partir de ce mercredi « partout dans le pays », « à l’exemple de la marche organisée par le Comité Vérité et Justice pour Adama, à Beaumont-sur-Oise, et de celle de la Coordination nationale contre les violences policières du 15 juillet », pour exprimer « deuil et colère » et dénoncer les politiques « discriminatoires » et le « racisme systémique » dans les quartiers populaires constitue une avancée. La place des organisations du mouvement ouvrier qui se sont mobilisées massivement contre la réforme des retraites, est bien à Beaumont-sur-Oise ce samedi à l’appel du comité Adama, mais aussi devant la gare d’Angoulême à 14 heures pour réclamer la justice pour Alhoussein, tué par la police une semaine avant Nahel, le 15 juillet dans la rue à l’appel de la Coordination nationale contre les violences policières et partout en France aux côtés du mouvement antiraciste et des comités de famille de victimes.

Cette mobilisation doit cependant être l’occasion de poser la perspective d’un mouvement d’ensemble contre les violences policières, le racisme d’État mais aussi de préparer la riposte face au gouvernement et à l’extrême droite, qui entendent profiter des révoltes pour opérer un nouveau saut autoritaire. Une perspective distincte de la logique de l’appel publié ce mercredi, qui reste centré sur une stratégie d’interpellation de l’État et une illusoire « réforme de la police ». Or, laisser penser que l’État pourrait « prendre les mesures nécessaires pour répondre à l’urgence de la situation et aux exigences des personnes concernées » est une impasse : face à une révolte contre l’oppression policière dans les quartiers populaire, c’est l’État qui a envoyé la BRI, le RAID et le GIGN réprimer la révolte. De la même façon, l’idée qu’une « réforme de la police » pourrait mettre fin au racisme d’État est illusoire et ce d’autant plus à l’heure où cette institution structurellement violente est la seule chose qui permet au gouvernement de se maintenir.

A rebours de cette perspective, et comme l’a montré la bataille des retraites, ce n’est que par la construction d’un rapport de forces qu’il sera possible de stopper les attaques de Macron, la répression et le durcissement autoritaire du régime. En ce sens, l’urgence devrait être à commencer à discuter d’un plan pour construire un mouvement d’ensemble face au gouvernement. Un mouvement capable de lier le mouvement ouvrier à l’ensemble des secteurs opprimés, en levant un programme qui parte de la lutte contre la répression et le cours autoritaire du régime. Sur ce plan, le mouvement ouvrier doit revendiquer haut et fort justice et vérité pour Nahel et toutes les victimes de violences policières, l’amnistie de tous les réprimés, l’abrogation de la loi de 2017 et de toutes les lois sécuritaires et racistes, mais aussi des mesures d’urgence face aux violences policières comme la dissolution de tous les corps spéciaux de répression (BAC, BRAV-M, CRS, Gardes mobiles, GIGN, RAID, BRI et CSI).

Mais un tel programme devrait également soulever des revendications qui posent la question de la fin du régime autoritaire de la Vème République et l’exigence de mesures démocratiques radicales, et s’élargir à d’autres enjeux brûlants, à la racine des révoltes des derniers jours comme de la massivité de la bataille des retraites : la lutte pour les salaires, le partage du temps de travail ou encore de la défense des services publics, notamment dans les quartiers populaires.

Notre capacité à imposer une telle orientation dans les semaines et les mois à venir, par la méthode de la lutte des classes et de la grève, sera un enjeu central. Non seulement pour refuser que les travailleurs et classes populaires ne paient la crise, mais aussi pour stopper le gouvernement. Dans le cas contraire, le risque serait non seulement d’ouvrir la voie à une violente contre-offensive contre les habitants de quartiers populaires, mais aussi contre tous ceux qui luttent depuis six ans contre les lois du gouvernement Macron. Il y a donc urgence à imposer une riposte large ouvrière et antiraciste et une stratégie qui permette de faire face à l’ensemble des attaques en préparation de la part d’un régime en crise


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