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Sexisme et islamophobie

« Élève frappée, lycée bloqué » : les lycéens de Ravel mobilisés après une agression islamophobe

Mercredi 28 février, une élève du lycée Ravel a été attrapée et frappée au bras par le proviseur parce qu'elle portait le voile en quittant l'établissement. Une agression que le gouvernement tente d'instrumentaliser à des fins répressives, alors que les élèves se mobilisent.

Anna Nolite

2 mars

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« Élève frappée, lycée bloqué » : les lycéens de Ravel mobilisés après une agression islamophobe

Blocage du lycée Maurice Ravel (X @hakima50965615)

Ce vendredi 1er mars, les lycéens de Maurice Ravel dans le XXème arrondissement de Paris ont bloqué leur établissement pour la journée, arborant une banderole « élève frappée, lycée bloqué ». La mobilisation fait en effet suite à l’agression cette semaine d’une élève par le proviseur de l’établissement. Une affaire reprise depuis par les chaînes d’information et le gouvernement, qui tentent de lancer une nouvelle campagne réactionnaire.

Tout commence mercredi 28 février, [lorsque deux élèves sont interpellées par leur proviseur parce qu’elles portent en partie leur voile en quittant l’établissement. Une des lycéennes explique à Révolution Permanente : « Il vient, me crie dessus, alors que je lui disais que j’allais l’enlever. Il crie encore une fois de manière agressive que je dois l’enlever et me frappe violemment le bras. Il avait sa main devant moi comme s’il allait me frapper encore.Il me secouait et me tirait pour que je vienne avec lui quand mon camarade s’est interposé pour nous séparer. » Un récit que des élèves témoins interrogés par Le Parisien confirment. La police intervient très rapidement dans les dix minutes qui s’ensuivent.

Pour la jeune femme agressée, les élèves sont confrontées à une « véritable police du vêtement » dans le lycée, qui ne s’en prend pas qu’aux élèves musulmanes. En effet, tout en lui apportant leur soutien, d’autres élèves lui ont rapporté des cas d’harcèlement sexiste et de remarques déplacées sur leur tenue : « trop courtes et trop décolletées », « remarques pour non port du soutien-gorge ». Elles évoquent également des « inspections régulières » et des « convocations par l’administration » qui les réprimande sur leurs choix vestimentaires, exprimant leur exaspération de devoir se justifier de porter des vêtements courts quand il fait chaud. Une situation qui explique l’ampleur de la mobilisation de ce vendredi devant l’établissement.

Entre temps, l’étudiante en BTS au lycée Maurice Ravel agressée a porté plainte contre sa direction « pour violences n’ayant pas entraîné d’incapacité de travail », tandis que le proviseur, soutenu par le rectorat et son établissement, a saisi la justice « pour acte d’intimidation envers une personne participant à l’exécution d’une mission de service public pour obtenir une dérogation aux règles régissant ce service ». Il n’en fallait pas plus pour ouvrir une nouvelle campagne réactionnaire qui, comme systématiquement dans ce type d’affaires, inverse entièrement les rôles. En effet, ce sont désormais les jeunes filles ainsi que leurs soutiens qui sont ciblés, alors que le parquet de Paris a ouvert une enquête pour cyberharcèlement ce 1er mars suite à des menaces de mort qui auraient visé le directeur.

Du côté du gouvernement comme de la droite, les soutiens au proviseur affluent. Tandis que Valérie Pécresse, présidente (LR) de la région Île-de-France, a exprimé sur X son « soutien sans réserve au proviseur », évoquant « la loi de la République et la laïcité », Nicole Belloubet, la ministre de l’Education Nationale, a expliqué : « nous ne laisserons rien passer ». Des interventions qui ne disent évidemment rien de l’agression de l’élève, et cherchent à attiser l’opposition entre lycéen·ne·s et personnels de l’éducation. Instrumentalisant des tensions avec les personnels de l’éducation, nourries par le manque de moyens et l’application de mesures toujours plus autoritaires de contrôle des élèves, le gouvernement cherche en effet à légitimer un renforcement toujours plus important de ces dynamiques répressives à l’école.

Alors que le gouvernement entend mettre au pas la jeunesse dans les établissements, l’affaire rappelle la récente utilisation par Attal de menace d’un parent d’élève contre un proviseur, mais aussi le cas d’une élève musulmane agressée au lycée Charlemagne par une CPE en juin 2022. A l’époque, la dénonciation par la lycéenne de ces faits avait conduit à sa convocation par la police dans le cadre d’une gestion de l’affaire ultra-autoritaire, dénoncée par des personnels de l’établissement : « Nous sommes profondément choqués de l’attitude de cette responsable envers une jeune lycéenne qui ne demandait qu’à passer son bac dans de bonnes conditions. De surcroît, la déferlante réactionnaire et les menaces qu’elle a reçue par centaines de la part de l’extrême-droite ajoutent au traumatisme. Pourtant, auprès de la hiérarchie, c’est la jeune fille et ses soutiens qui sont pointés du doigt. »

Alors que depuis 30 ans les tensions islamophobes s’avivent dans les établissements scolaires, accompagnée d’une législation toujours plus répressive depuis 2004, celles-ci se sont considérablement amplifiées sous les ministères de Blanquer, N’Diaye et enfin Attal. A Marseille et dans toute la France nous avions déjà documenté ces cas manifestes de sexisme et d’islamophobie envers des lycéennes et collégiennes. L’école, « mère des batailles » du gouvernement, est en effet son terrain de prédilection pour mettre au pas la jeunesse et dérouler son agenda réactionnaire.

A l’heure où les personnels de l’éducation se mobilisent en Seine-Saint-Denis contre le manque de moyens, il est fondamental que ceux-ci prennent à bras le corps la lutte contre toutes ces mesures racistes et autoritaires qui accompagnent la destruction de l’école publique, et le renforcement de ses logiques de tri et de répression des élèves, en dénonçant la campagne en cours. Comme les lycéens du lycée Maurice Ravel qui se sont mobilisés en soutien de leurs camarades, les personnels de l’éducation doivent s’opposer au projet réactionnaire de Macron pour l’école. Une lutte qui est également un combat féministe, dont il faut se saisir à l’approche du 8 mars, en liant lutte contre l’islamophobie et lutte contre le contrôle du corps des femmes.


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