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Polémique

Offensive contre la CGT : Zemmour et la macronie instrumentalisent la lutte contre l’antisémitisme

Depuis hier matin, l'extrême-droite et la macronie ont ouvert une offensive contre la CGT suite à des propos problématiques tenus par un militant de la CGT Cheminots. Face à cette instrumentalisation nauséabonde de la lutte contre l'antisémitisme, il faut faire front.

Arthur Nicola

23 juin 2023

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Offensive contre la CGT : Zemmour et la macronie instrumentalisent la lutte contre l'antisémitisme

Crédits photo : capture d’écran BFMTV

Depuis ce jeudi matin, la CGT fait l’objet d’une grande campagne de l’extrême-droite, taxant la confédération syndicale d’antisémitisme. En cause ? Une altercation entre un responsable de la CGT Cheminots et Eric Zemmour. Alors que ce dernier venait mercredi à Limoges pour présenter son livre Reconquête, syndicats et partis politiques de gauche étaient rassemblés contre la venue de l’homme politique d’extrême droite, dont l’événement devait se tenir dans la salle Jean Pierre Timbaud de la mairie.

Le secrétaire général de la CGT Haute-Vienne a dénoncé cette venue, dans des propos rapportés par Le Populaire : « Il est venu nous défier sur nos terres. Jean-Pierre Timbaud est un communiste résistant, membre de la CGT. Comment peut-on prêter une salle municipale qui porte son nom à un xénophobe, raciste et révisionniste comme lui ? C’est une provocation de la mairie, et de la part d’Émile Roger Lombertie [maire de Limoges]. C’est une honte sociale ! ».

Dans ce contexte, Eric Zemmour aurait été interpellé dans le train par Frédéric Tronche, militant de la CGT Cheminots et dirigeant de la CGT Cadres Techs. Si les propos tenus ne sont pas certains, celui-ci a posté sur son Facebook le message suivant : « Zemmour dans mon train… je vérifie si le train va bien à Limoges … peur qu’il aille en Pologne ». Dans un commentaire, quelqu’un lui rétorque « plutôt en direction de Vichy, pour la Pologne il serait resté à quai », ce que Frédéric Tronche approuve.

Après avoir interpellé Éric Zemmour dans le train, le militant est finalement arrêté par les forces de répression à la gare de Limoges. Une répression face à laquelle, Sophie Binet, secrétaire confédérale de la CGT a tenté de défendre le syndicaliste et de réclamer sa libération sur les réseaux sociaux, expliquant : « Frederic Tronche (…) croise Eric Zemmour dans le train pour Limoges. Il interroge le contrôleur pour savoir si le train ne va pas à Vichy. Résultat : il est en GAV depuis 14h30 accusé…d’antisémitisme…Tout va bien ».

L’extrême-droite lance une très hypocrite campagne contre la CGT

Des déclarations dont l’extrême droite s’est saisie pour ériger Éric Zemmour en victime de l’antisémitisme de la CGT. Bruno Attal, secrétaire général adjoint du syndicat France Police, a tweeté qu’il « n’aurait pas voulu être le voisin d’un membre de la CGT dans les années 1940 ». Gilles William Goldnadel, a annoncé qu’il allait porter plainte en tant que président d’Avocats sans frontières : « le privilège antisémite d’extrême gauche c’est fini ». Dans la foulée, tous les chiens de garde des idées les plus réactionnaires comme Samuel Lafont ou Jean Messiha ont saisi l’occasion pour s’attaquer à la CGT.

Une posture évidemment hypocrite de la part de figures d’un courant politique historiquement lié à l’antisémitisme le plus brutal. De ce point de vue, Zemmour, dont la campagne de 2022 a été menée avec l’appui de groupuscules ouvertement antisémites tels que l’Action Française ou des héritiers du GUD comme les Zouaves, a eu comme vocation ces dernières années de réhabiliter Pétain comme l’un des « grands hommes de l’histoire de France ». Le polémiste a notamment défendu que le maréchal Pétain, principal collaborateur français à l’entreprise nazie de la Shoah, avait « sauvé les juifs français ».

Rien de très surprenant de la part de celui dont Jean-Marie Le Pen, dont les sorties violemment antisémites ont ponctué la vie politique française, des années 1980 aux années 2000, qualifie « d’ami ». Quant à Bruno Attal, quand il dit craindre la CGT des années 1940, oublie rapidement que celle-ci a été dissoute, avec les autres confédérations syndicales, par Pétain en novembre 1940 au moment où sa chère Police nationale était, elle, créée par le même maréchal.

Une offensive à laquelle la macronie s’est elle aussi jointe. Deborah Abisror-De Lieme, secrétaire du groupe Renaissance à l’Assemblée Nationale, s’attaquant à son tour à la CGT en dénonçant « une perte de boussole ». De son côté, Stéphane Vojetta, député macroniste a aussi dénoncé le soutien de Thomas Portes au cheminot, de concert avec la député de Paris Astrid Panosyan-Bouvet. Une polémique anti-CGT menée aux côtés de l’extrême droite.

Là encore, faut-il rappeler qu’en 2018, le Président de la République avait prévu de rendre hommage au maréchal Pétain, le qualifiant de « Grand soldat de la Grande Guerre » et a continué à qualifier en 2020 le maréchal de « héros de 1917 et de grand militaire », ou les références antisémites de Darmanin aux politiques de Napoléon concernant les Juifs dans son ouvrage réquisitoire contre le « séparatisme islamiste ».

La CGT se doit d’être exemplaire dans la lutte contre le racisme et l’antisémitisme

L’extrême-droite et la classe politique n’a ainsi aucune leçon de lutte anti-raciste à donner à la CGT. Cependant l’offensive d’Eric Zemmour et de l’extrême-droite ne doit pas être un prétexte pour évacuer la nécessaire exemplarité dont doivent faire preuve les organisations du mouvement ouvrier lorsqu’un de ses militants est accusé d’antisémitisme.

De ce point de vue, le post Facebook du militant CGT est effectivement problématique. En effet, si l’analyse des réseaux sociaux de Frederic Tronche ne font état d’aucune proximité avec l’antisémitisme comme le relève Libération et que l’idée de départ du militant était bien d’accuser Zemmour de pétainisme, l’approximation exprimée dans la déclaration écrite sur Facebook traduit une forme de mécompréhension, qui conduit à la minoration de ce qu’est l’antisémitisme et de ce qu’a été la Shoah.

Une erreur redoublée par la réaction de Sophie Binet, qui a cherché à dénoncer la répression de son camarade de façon très maladroite. Dans sa défense, la secrétaire confédérale se fend d’un smiley mort de rire malgré la gravité des accusations portées. Tout en dénonçant la cabale de l’extrême droite, la dirigeante de la CGT aurait dû corriger l’ambiguïté des propos du cheminot.

Faute de clarté, ces propos ont permis à Éric Zemmour de s’ériger en victime. Alors que la polémique à suscité un certain malaise, il faut réaffirmer que les militants de la CGT ne sont pas immunisés face au racisme dont la société est imprégnée et que la direction de la CGT doit aborder ces questions sans légèreté, en assumant ses responsabilités pour lutter contre toute forme d’euphémisation des oppressions en son sein, mais aussi dans la société. Car, contrairement à leurs détracteurs de l’extrême-droite, les organisations du mouvement ouvrier ont souvent su être à l’avant-garde sur ces questions et doivent reprendre le meilleur de cette tradition.


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Arthur Nicola

Journaliste pour Révolution Permanente.
Suivi des grèves, des luttes contre les licenciements et les plans sociaux et des occupations d’usine.
Twitter : @ArthurNicola_

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