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Crise de la santé

« Mon métier est essentiel mais méprisé » : troisième semaine de grève à l’hôpital Lagon près de Bordeaux

Francesca, agent de service hospitalier (ASH) à l'hôpital de Langon en Gironde, est en grève depuis trois semaines aux côtés de ses collègues pour protester contre le géant de la sous-traitance en restauration et services Elior-Derichebourg et leurs conditions de travail. Pour Révolution Permanente, elle raconte son quotidien et son combat.

Agapé

19 octobre 2023

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« Mon métier est essentiel mais méprisé » : troisième semaine de grève à l'hôpital Lagon près de Bordeaux

Révolution Permanente

Elles font partie des petites mains invisibles du quotidien. Dans les hôpitaux, les Ehpads ou les établissements de santé, elles s’assurent du bien-être et du confort des patients. Elles nettoient les chambres, s’occupent de la désinfection des box opératoires ou encore, distribuent les repas. À Langon, près de Bordeaux, les ASH du CHU ont entamé une grève il y a maintenant trois semaines contre leur employeur, le géant de la sous-traitance Elior-Derichebourg. Elles réclament de meilleures conditions de travail et une augmentation de salaire. Cherchant à faire connaitre leur grève et à l’étendre aux autres services hospitaliers bordelais, Francesca, ASH aux urgences de Langon et à la tête du mouvement, s’est entretenu avec Révolution Permanente pour expliquer leur métier qu’elle considère comme le « premier maillon de la chaîne »

Agents de services hospitaliers : un métier indispensable pour l’hôpital et des soins de qualités

À l’âge de 47 ans, Francesca a commencé à travailler à l’hôpital de Langon il y a six mois. Un métier de choix et de passion, mais dont la réalité du terrain l’a rapidement rattrapé : « j’aime mon métier car il est humain. Grâce à nos services, on apporte notre petite touche de bien-être aux patients, et ça me plait ! En quelque sorte nous sommes les premiers maillons de la chaine, et c’est pour ça que j’ai décidé de faire ce métier. Après on déchante vite quand on voit les conditions de travail et la pression incessante de la direction. La réalité, c’est que notre poste de travail ne correspond pas au cahier des charges initial, et cela devient vite insupportable. »

Francesca entame sa journée de travail à 9h30. Elle commence par monter les chariots d’entretien dans les différents services avant de procéder au nettoyage des espaces communs. Au cours de sa journée, elle alterne et assure la propreté de 3 principaux services : les soins continus, l’UHCD (Unité d’Hospitalisation de courte durée), et le service des urgences. En plus de cela, elle effectue d’autres tâches comme le nettoyage des bureaux, des toilettes, des salles de bains, des salles de gardes, d’attentes ou encore des couloirs.

Un rythme quotidien éreintant, qu’elle nous explique : « il faut courir tout le temps à droite et à gauche sans avoir le temps de faire correctement notre travail. Aux urgences, je dois nettoyer plusieurs fois par jour le même bloc pour pouvoir accueillir de nouveaux patients rapidement. De l’autre côté, à l’UHCD, il y a cinq chambres que je dois aussi laver continuellement en fonction des départs et des arrivées. Mais le pire pour moi, ce sont les soins continus. On nous demande de faire une chambre à blanc en 15 minutes, alors qu’on devrait le faire en 45 minutes selon le protocole. Du coup, le travail n’est pas fait correctement, et les patients sont mis en danger. »

Cadence infernale, précarité et mise en danger : les conséquences de la privatisation des services de soins

Depuis les années 1990, l’externalisation de certains services, comme celui du “bio-nettoyage”, n’a cessé de guider les politiques des gouvernements successifs. Aujourd’hui, des missions essentielles pour la santé publique se retrouvent entre les mains de sociétés privées. Ces privatisations ont pour conséquences une diminution du nombre d’emplois, la dégradation significative des conditions de travail, une perte des compétences ou encore une mise en dangers des travailleurs et des patients.

Ce cadre, Francesca y est confronté 11h chaque jour durant lesquelles elle subit les conséquences de la sous-traitance et de la privatisation : « Il manque continuellement du personnel, on nous met sans cesse la pression pour venir sur nos jours de repos, alors que nous déjà épuisé. Je fais le travail de deux personnes par jour. Les conditions de travail sont telles que, même si on nous embauche souvent en CDD, lorsqu’on nous propose un CDI, de nombreux travailleurs préfèrent partir car c’est trop difficile. »

Pour Francesca, cela s’explique également par l’absence totale de toute forme de reconnaissance : « notre travail est épuisant, tant physiquement que psychologiquement, mais on est payés au Smic. Pour joindre les deux bouts, on doit multiplier les heures supplémentaires. Nous n’avons pas de treizième mois ni aucune prime de risque. »

A cette précarité s’ajoutent les mises en dangers permanentes de la direction des ASH et des patients : « Depuis que je suis arrivé, toute la journée je change des DASRI (Déchets d’activités de soins à risques infectieux) alors que je n’ai pas le droit de e faire normalement, je n’ai pas la formation requise. Physiquement, il est également difficile de descendre les conteneurs et de vider plus de 30 poubelles par jour sans équipement. Nous avons même dû lutter pour obtenir des chaussures de sécurité ! »

De telles conditions de travail ont des conséquences importantes sur la qualité de tâches effectuées, et dans un hôpital les impacts peuvent être graves. Dans ce sens Francesca s’offusque : « Ce qui me choque le plus, c’est qu’en bâclant le nettoyage des chambres, les patients peuvent attraper des maladies qui peuvent aggraver leur état s’empirer. Normalement, ils sont à l’hôpital pour être soignés, pas pour voir leur état de santé empirer. »

Relever la tête pour dénoncer l’insupportable

C’est pour dénoncer ce quotidien infernal que Francesca et plusieurs de ses collègues ont décidé d’entamer une grève depuis le lundi 02 octobre.

Pour beaucoup, les ASH sont des femmes isolés et issues de l’immigration. Dans ces conditions, la direction n’hésite pas à à exercer de la pression en ce qui concerne l’obtention des papiers et la conservation de l’emploi pour éviter l’élargissement de la grève. Francesca se montre révolté face à cela : « Je ne peux pas laisser mes collègues se faire maltraiter, avoir peur, parfois pleurer. » Faisant depuis trois semaines la tournée des services des ASH autour de Bordeaux, celle-ci voit néanmoins les choses changer et les possibilités d’extension de la grève : « Aujourd’hui on sent la conscience qui monte, les travailleurs se réveillent, il y a de la mobilisation et ça nous fait du bien ! ». Elle ajoute : « On est déterminé et on ne va pas lâcher ! ».

Caisse de grève de la mobilisation sur cotizup
Pétition sur change.org


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