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Education Nationale

Les profs pas impactés par la réforme des retraites ? La nouvelle provocation de Pap Ndiaye

Pour Pap Ndiaye, la mobilisation des enseignants est restée modeste car pour eux la réforme des retraites « ne change pas grand-chose », tant « de toute façon ils seraient partis au-delà de 62 ans » faute d’annuités. La provocation du ministre vient rappeler l’urgence de se battre pour la retraite à 60 ans pour tous, les profs n'ont pas dit leur dernier mot !

Louis McKinson

5 avril 2023

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Les profs pas impactés par la réforme des retraites ? La nouvelle provocation de Pap Ndiaye

Crédits photo : Capture d’écran Public Sénat

Invité hier matin, mardi 4 avril, sur le plateau de Public Sénat, le ministre de l’éducation Pap Ndiaye a estimé que « les enseignants se rendent compte que la réforme a un impact, mais dans des proportions qui restent relativement gérables » et que c’est grâce à cela, car «  ils ont fait leurs calculs », qu’ils et elles « n’ont pas été le fer de lance de la mobilisation ».

Aussi pour expliquer cet « impact relatif », le ministre, sans sourciller, a expliqué non pas que les enseignants étaient épargnés d’une quelconque manière par le travail après 62 ans, mais que, bien au contraire, la réforme ne changeait pas grand-chose en réalité pour des enseignants qui vont souvent déjà au-delà. Petit florilège : « un petit tiers des professeurs part [déjà] à 64 ans », « les jeunes professeurs qui rentre dans le métier avec un bac+5, parfois un peu plus, même sans la réforme des retraites ils seraient partis de toute façon à plus de 62 ans, à 64 ou 65 ans »,« pour une grande masse de professeurs ça ne change pas grand-chose en réalité parce que de toute façon ils seraient partis au-delà de 62 ans ».

Un argument cynique, qui veut relativiser la violence l’attaque en cours, en s’appuyant sur les dégradations déjà commises du métier, contraignant les enseignants à s’user devant des classes bondées pour compléter les annuités qui leur manquent. Une illustration frappante du mépris que l’institution porte aux conditions de travail de ses personnels et d’études des élèves. Le ministre est d’ailleurs revenu sur les dernières offensives que le gouvernement entend porter à l’éducation à savoir la suppression de 1500 postes pour la rentrée 2023 et la mise en place du fameux « pacte » qui propose aux enseignants de travailler plus pour gagner moins.

Ces attaques du ministère promettent des classes encore plus surchargées où des enseignants encore plus corvéables et épuisés pourront encore moins enseigner. Une politique qui, loin de répondre à la ruine du secteur, l’organise, et ce d’abord au détriment des classes populaires qui n’ont pas les moyens de mettre leurs enfants à l’école alsacienne comme Pap Ndiaye ou dans d’autres grands lycées du privé.

En fin de compte, c’est toute la méthode du ministre qui est condensée dans cette interview. « Relativement gérable », c’est détruire mais par petit bout ; à coup de couteaux réguliers, mais à intervalles relativement espacés pour faire passer la pilule. Ainsi tout est toujours « relativement gérable » : des classes à 37 quand on est à 35 ? Relativement gérable. 75 heures hebdomadaires quand on est à 72 heures ? « Impact relatif ». Remplacer son collègue au pied levé si vous courez déjà d’établissement en établissement pour boucher des trous ? Un effort proportionné. Dans le monde merveilleux de Pap Ndiaye, la réforme des retraites n’échappe pas à la règle, « de toute façon » vous devez courir après vos annuités, alors, de quoi se plaint-on ?

« Ils n’ont pas été les fers de lance de la mobilisation »

Le ministre l’assure, « les enseignants ont participé, de manière relativement importante, à la mobilisation. Ensuite, les chiffres ont décru. La réforme en elle-même a, certes, suscité des oppositions, et on peut le comprendre. Mais ils n’ont pas été les fers de lance de la mobilisation comme on a pu le voir dans le passé ». Et cela logiquement (logiquement pour Pap Ndiaye) est le fruit du caractère « gérable » de la réforme.

Contrairement à ce que prétend le ministre, l’éducation s’est mobilisée massivement contre la réforme des retraites. Avec des taux de grévistes qui ont pu monter à plus de 80% dans certains établissements. Voir des établissements déserts, obligés de fermer partout sur le territoire a été quelque chose de courant durant les grandes journées de grève. Mais surtout, que le ministre daigne le voir ou non, la séquence a ouvert un mouvement de contestation profond dans l’éducation, un mouvement qui puise ses sources bien au-delà de la réforme des retraites dans les conditions de travail et de salaire des personnels. L’expression de cette politisation du secteur s’est retranscrite dans la rue, sur les piquets de grève et les actions de blocages comme à Roissy dernièrement.

Mais cette colère et cette mobilisation sont entrées en contradiction avec le plan de bataille de l’intersyndicale qui limite le mouvement à des journées isolées de 24 heures, tout en ne demandant que le retrait de la réforme en cours (ces derniers jours, le mot retrait a même fait place à la demande d’une simple suspension). Or, il y a une part de vrai dans le constat que fait Pap Ndiaye et dont il se réjouit tant : de nombreux enseignants devront déjà partir après 64 ans. Cette situation qui vaut tant pour des travailleurs qui ont fait de longues études (et sont donc entrés plus tardivement sur le marché du travail) que pour ceux qui occupent des métiers très précaires ou ont des carrières hachées, impose la nécessité de se battre pour reconquérir la retraite à 60 ans, sans condition d’annuités. Se battre pour une telle perspective permettrait de mobiliser de larges couches du monde du travail, qui aurait beaucoup à y gagner, tout en invitant à durcir largement le rapport de force.

Cette question des buts et des moyens dont se dote le mouvement est d’une importance cruciale. Les enseignants se sont massivement mobilisés ces dernières années contre les différentes réformes de Blanquer. Ils ont fait l’expérience d’un gouvernement prêt à user de la répression policière et administrative et que des journées de grève isolées ne suffisent pas à faire plier. Or, à chaque fois que le secteur de l’éducation aurait pu se joindre à la grève reconductible, ces dynamiques ont été freinées par les directions syndicales. Quand, après le 7 mars, le 8 mars ouvrait la possibilité d’une reconduction, aux côtés des secteurs de l’énergie, des transports, des raffineurs, l’intersyndicale nationale séparait les deux dates, faisant du 7 une journée sur les retraites et du 8 une journée féministe où la grève était une modalité d’action parmi d’autres.

Quand la grève du bac, après l’explosion du colère ouverte par l’utilisation du 49-3, mettait de nouveau à l’ordre du jour la possibilité d’un débrayage politique de l’éducation, la direction du mouvement a lutté contre la mobilisation des enseignants : « Il faut que les épreuves du bac se passent le mieux possible » disait Philippe Martinez. Un geste sur lequel le ministre est d’ailleurs revenu dans interview hier : « Je salue la responsabilité de celles et ceux qui ont appelé à ce que ces épreuves se déroulent au mieux ».

De cette manière, jusqu’ici, le débat sur les modalités de la grève, ses revendications et ses rythmes a été confisqué aux grévistes. Depuis le début du mouvement, les efforts de ceux qui essayent de construire des assemblées de secteur ou de ville dans l’éducation se font doucher par les appels de l’intersyndicale. En appelant toutes les semaines, les soirs des grosses journées, à une nouvelle date isolée et lointaine, elle n’a cessé de rendre caduque les assemblées générales que la base se donnait elle-même le lendemain pour reconduire.

C’est là une des clefs pour le mouvement, dans l’ensemble des secteurs. D’ores et déjà une frange déterminée des personnels de l’éducation s’organise dans des AG interpro et/ou dans le réseau pour la grève générale, en militant pour que la grève appartienne aux grévistes et que ce soient elles et eux qui décident des suites du mouvement.

Jeudi 6 avril, les personnels de l’éducation feront encore mentir Pap Ndiaye en se mobilisant massivement, et ce d’autant qu’il les méprise en flux tendu. Mais cette mobilisation doit servir à organiser dans tous les établissements des assemblées générales, à se coordonner avec les autres établissements et mettre la reconductible en débat. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre passivement jeudi soir que l’intersyndicale nationale nous annonce une nouvelle date dans 10 jours uniquement pour faire pression sur le Conseil constitutionnel. Une crise politique est ouverte depuis le 49-3, il faut frapper maintenant et durcir la grève. Un nouveau temps de la mobilisation doit s’ouvrir pour remédier à son étouffement par la stratégie de l’intersyndicale, le temps de la prise en main de la grève par ceux qui la font, c’est une condition pour la victoire.

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