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Guerre à Gaza

La relation entre Israël et les Etats-Unis à l’épreuve de la guerre

Les désaccords entre Washington et Tel Aviv concernant la guerre à Gaza sont surtout d’ordre tactique, mais l’impérialisme nord-américain craint que les erreurs israéliennes affectent ses intérêts stratégiques dans la région.

Philippe Alcoy

18 janvier

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La relation entre Israël et les Etats-Unis à l'épreuve de la guerre

La barbarie de Tsahal contre les civils à Gaza est embarrassante, y compris pour les plus fervents défenseurs internationaux du colonialisme israélien. On parle d’au moins 24 000 morts palestiniens. Les images montrent Gaza complètement rasée par endroits. L’ONU annonce 1,9 millions de Palestiniens déplacés. Depuis des semaines on sait qu’il n’y a pas de lieu sûr pour les réfugiés palestiniens, à la merci des bombes, des snipers, des blindés israéliens.

Ce n’est donc pas un hasard si depuis quelques semaines les appels hypocrites des dirigeants nord-américains à l’encontre du gouvernement israélien à une plus grande attention et précision pour épargner la vie des civils se multiplient. Le président Joe Biden lui-même a émis de timides mais rares reproches au gouvernement de Benjamin Netanyahu et son massacre indiscriminé de civils gazaouis. En décembre dernier, lors d’une réception pour les donateurs de la campagne de réélection du président nord-américain, il affirmait ainsi que « la sécurité d’Israël peut reposer sur les États-Unis, mais à l’heure actuelle, Israël a plus que les États-Unis. Il a l’Union européenne, il a l’Europe, il a la plus grande partie du monde... Mais ils commencent à perdre ce soutien à cause des bombardements aveugles qui ont lieu ».

Il ne faut pas s’y tromper, les dirigeants nord-américains n’ont que faire de la vie des Palestiniens. Ce qui guide leurs inquiétudes est ailleurs : les intérêts stratégiques de l’impérialisme étatsunien dans la région et les possibles conséquences de la guerre sur la campagne de réélection de Biden en novembre prochain. Du fait de l’interpénétration de leurs intérêts, les Etats-Unis ne peuvent pas permettre qu’Israël s’isole et s’affaiblisse dans la région et sur la scène internationale. Mais en même temps ils doivent éviter d’être entraînés par leur allié sioniste dans un nouvel embourbement au Moyen-Orient, trop dangereux pour leurs intérêts stratégiques et leur hégémonie internationale.

Le gouvernement israélien pour sa part feint de suivre sa propre politique en dépit des réclamations et avertissements nord-américains. La réalité est pourtant que Netanyahu tente de répondre aux exigences des Etats-Unis en même temps qu’il est obligé d’avoir un discours dur pour satisfaire l’aile d’extrême-droite de la coalition au pouvoir. Israël n’a aucun intérêt à froisser son principal allié international. Cependant, le gouvernement israélien est rentré dans un auto-piège où les objectifs de guerre sont tellement ambitieux que tout autre résultat que la « destruction totale du Hamas » sera perçu comme une défaite partielle. Par ailleurs il ne semble avoir aucun plan cohérent et consensuel pour l’après-guerre. A cela il faut ajouter la pression de plus en plus forte de la part des familles des otages.

Tout ce contexte rend très compliquée la situation pour l’Etat israélien qui risque d’irriter de plus en plus le gouvernement nord-américain, même si cela pourrait difficilement amener à une rupture entre les deux Etats.

Biden : entre campagne électorale et intérêts impérialistes

Si le Parti Démocrate craignait que la guerre en Ukraine soit exploitée par les Républicains dans la campagne électorale, la guerre à Gaza est de plus en plus perçue comme un cauchemar. Il y a d’autres facteurs qui affaiblissent Biden pour sa réélection, notamment la situation économique. Mais le massacre qu’Israël est train de mener à Gaza va certainement aliéner au Parti Démocrate une partie importante de ses électeurs ; une petite fraction peut-être mais potentiellement suffisante pour faire dérailler les projets de réélection du président sortant.

Il y existe une certaine inquiétude vis-à-vis du vote des musulmans qui avaient majoritairement soutenu les démocrates lors de la dernière élection. Même si ce secteur de l’électorat reste faible en termes numériques, il pourrait faire basculer d’un côté ou de l’autre certains Etats importants. En ce sens, le think tank de centre-droite American Enterprise Institute explique que « si les électeurs musulmans et arabo-américains fuient le parti, Joe Biden pourrait perdre des milliers de voix dans des États clés - des voix qu’il ne peut pas se permettre de perdre si 2024 est aussi serré que le prévoient les experts. Cet exode ne ferait nulle part plus mal que dans le Michigan, l’État où se trouve le pourcentage le plus élevé d’Arabo-Américains (2,1 %) ».

Cependant, cette question excède les seuls musulmans et arabo-américains. Il y a une brèche générationnelle de plus en plus marquée concernant le soutien étatsunien à la colonisation israélienne. Les jeunes proches du Parti Démocrate sont beaucoup plus sensibles à la cause palestinienne que la vieille génération plutôt pro-Israël. Une partie de ces jeunes font partie des manifestants qui s’expriment bruyamment depuis le début de la contre-offensive israélienne et la tuerie massive de civils. Cette question va aussi au-delà de la simple élection prochaine et pose un problème structurel pour le Parti Démocrate, voire au consensus pro-israélien bipartite.

Ce mécontentement se fait sentir également par en haut, notamment au sein des employés des institutions étatiques très diverses, allant de ministères à des agences de sécurité en passant même par le Pentagone et la Maison Blanche. Si ces dissensions sont connues et elles ont fait l’objet de lettres et des notes internes pour protester contre la politique du gouvernement actuel vis-à-vis de la guerre à Gaza, dans les prochains jours il pourrait y avoir une rare expression publique de cette opposition. « C’est une chose d’écrire des lettres de l’intérieur, mais lorsque les discussions politiques et les câbles de dissension ne donnent lieu à aucun changement de politique - et dans certains cas, à un renforcement de cette politique - les gens ont l’impression qu’ils n’ont pas d’autre option parce qu’ils ne sont pas entendus », déclarait l’un des organisateurs au site Al Monitor qui a été le premier a publier l’information.

Très rapidement il y a eu des réactions au sein du gouvernement, mais aussi de l’opposition, menaçant de licencier tout employé qui participerait à une telle « manifestation » (en réalité il ne s’agit même pas d’une grève mais d’une sorte de départ collectif et temporaire des postes de travail). Ainsi Mike Johnson, président de la Chambre des représentants des États-Unis, a affirmé que « tout fonctionnaire qui quitte son travail pour protester contre le soutien des États-Unis à notre allié Israël ignore ses responsabilités et abuse de la confiance des contribuables ». Cependant, ce mécontentement dans les structures de l’Etat nord-américain semble assez profond et touche également des élus locaux et fédéraux dont 200 ont signé une lettre adressée au président lui demandant d’exiger un cessez-le-feu.

Cependant, malgré les contradictions que la guerre à Gaza peut générer pour Biden dans la course à la réélection, l’impérialisme étatsunien a des intérêts stratégiques au Moyen-Orient dont Israël est un pilier. L’État colonial est le gendarme régional le plus fidèle et fiable de l’impérialisme. Sa puissance et supériorité militaire face à ses voisins est fondamentale pour sa survie en tant qu’État, mais aussi pour les Etats-Unis et ses partenaires occidentaux. C’est en ce sens, que l’on peut dire que les différences entre Netanyahu et Biden sont d’ordre tactique et non stratégique.

Biden craint un isolement géopolitique d’Israël au moment même où Tel Aviv, de la main de Washington, était en train de réussir à « normaliser » ses relations avec plusieurs Etats arabes, notamment l’Arabie Saoudite.Lla journaliste et écrivaine palestinienne Lamis Andoni note ainsi que « les États-Unis souhaitent voir le Hamas écrasé, non seulement parce que le mouvement représente un danger pour Israël, mais aussi pour restaurer le prestige de l’armée israélienne - parce que le Pentagone a dépensé des milliards de dollars pour la soutenir. Veiller à ce que cette armée soit la plus forte de la région est depuis longtemps un pilier de la stratégie américaine, car cela permet de sauvegarder l’hégémonie des États-Unis ».

Pour beaucoup d’analystes le soutien indéfectible de Biden à Israël fait partie d’une stratégie pour pouvoir ensuite influencer Netanyahu. Ainsi, dans l’une des revues centrales de la politique étrangère de l’impérialisme étatsunien, Foreign Affairs on explique ainsi la stratégie de Biden, tout en reconnaissant l’importance du soutien à Israël : « Biden a préféré embrasser Israël en public et faire part des réserves américaines lors de conversations privées avec les dirigeants israéliens, estimant manifestement que cette stratégie lui permettait d’exercer une plus grande influence sur les calculs d’Israël que ne le ferait une approche conflictuelle. (…) Les sceptiques quant aux méthodes de Biden soulignent l’ampleur des destructions infligées par Tsahal à Gaza, malgré les efforts de la diplomatie américaine en coulisses, mais les États-Unis agissent également en fonction de leur intérêt direct à ce qu’Israël réussisse à mettre en déroute le Hamas ».

Autrement dit, loin des déclarations publiques ultra timides demandant à Israël de la retenue sur les bombardements à Gaza, l’impérialisme nord-américain (ainsi que les impérialistes de l’UE) bénéficient largement de la destruction massive de Gaza et du génocide en cours contre les Palestiniens, comme une forme de « massacre pour l’exemple grandeur nature ».

Israël : pressions contradictoires en interne et en externe

Le gouvernement d’Israël doit poursuivre ses objectifs à Gaza pour restaurer son autorité dans la région. L’attaque du 7 octobre, d’un point de vue sécuritaire, militaire et politique, a agi comme une sorte de « régicide », maintenant il ne s’agit pas seulement de « venger » le roi, mais surtout de restaurer l’autorité de la monarchie. Mais la brutalité de la riposte israélienne ouvre des brèches, y compris auprès de ses alliés. Israël doit éviter ainsi de « tirer contre son propre camp ». Netanyahu en est conscient, mais embourbé dans mille contradictions et pressions différentes.

La question centrale c’est que le soutien américain est central pour Israël, et d’une façon ou d’une autre Netanyahu doit répondre aux exigences nord-américaines. C’est ce que dans l’article de Foreign Affairs déjà cité, toujours sur un ton très « amical » : « le fait d’avoir un "grand frère" au-dessus de son épaule a permis à Israël de dépasser son poids démographique et sa taille géographique, en projetant sa force bien au-delà de ses frontières. L’engagement des États-Unis à l’égard d’Israël a perduré sous l’égide des présidents démocrates et républicains, y compris les plus récents d’entre eux ». Plus loin, il avertit le gouvernement israélien : « s’engager dans des querelles publiques avec les États-Unis est la dernière chose dont Israël a besoin en ce moment. Pour éviter qu’Israël ne soit contraint de résister à des dangers existentiels sans avoir recours aux arsenaux militaires américains ou au veto du Conseil de sécurité des Nations unies, les responsables politiques israéliens doivent changer de cap ».

C’est en ce sens que malgré les déclarations arrogantes selon lesquelles « personne n’empêchera » Israël d’aller jusqu’au bout, le gouvernement israélien est en train d’annoncer la fin proche de la phase de guerre de haute intensité et annonce une nouvelle phase moins intense. Cela ne signifie pas la fin de la guerre, mais plutôt un changement vers une forme de contrôle militaire permanent tout en continuant les tueries de civils et l’arbitraire colonial.

Certains analystes estiment que Netanyahu pourrait espérer une victoire de Trump aux élections de novembre, ce qui, selon lui, pourrait signifier une politique nord-américaine plus favorable au gouvernement actuel et ses perspectives à l’égard de la question palestinienne, qui consiste à ignorer toute revendication palestinienne.

Mais pour cela le gouvernement actuel, et spécialement Netanyahu, devraient survivre d’ici la fin de l’année, ce qui n’est aucunement sûr. Selon un sondage récent, seulement 15% des Israéliens veulent que Netanyahu reste au pouvoir. Tout cela va sans doute dépendre aussi de l’évolution du cours de la guerre. La question de la destruction du Hamas est d’ailleurs devenue le point d’unité d’une société israélienne très divisée, comme on peut le lire dans Le Monde : « aujourd’hui, en se focalisant sur M. Netanyahu, dont la perte de crédibilité dans l’opinion publique est spectaculaire, les experts occidentaux passent à côté d’une forme de consensus israélien, dans le deuil et la colère. Il faut en finir avec le Hamas, dit-on en boucle. Seule cette perspective cimente aujourd’hui la société. C’est dans cette logique que le cabinet de guerre – et non M. Netanyahu seul – prend les décisions opérationnelles ».

Cette situation pourrait cependant être en train de changer. En interne, la question des otages commence à devenir un facteur important de pression et de divisions au sein du cabinet de guerre et du gouvernement. D’une part il y a des secteurs qui sont favorables à une solution négociée pour ramener le plus rapidement possible les plus de 130 otages encore à Gaza. Selon un sondage, 57% d’Israéliens placent le retour des otages comme plus prioritaire que le renversement du Hamas à Gaza. Lors d’une manifestation pour la libération des otages, Hagar Brodutch, une ex otage libérée en novembre dernier a lancé à la foule : « 136 cercueils ne représentent pas une image de victoire. Le cabinet de sécurité doit faire de la libération des otages sa priorité absolue et accepter tout accord permettant de les ramener chez eux. Il ne leur reste plus de temps ». Cela provoque des divisions au sein du cabinet de guerre où l’ex militaire Benny Gantz, rentrée au gouvernement d’union nationale après le 7 octobre, est favorable à une négociation immédiate pour la libération des otages.

D’autre part, les partenaires d’extrême-droite de Netanyahu refusent cette perspective et insistent sur le fait maintenir la pression militer pour « forcer » le Hamas à libérer les otages selon les conditions imposées par Israël et surtout ils vont jusqu’à déclarer ouvertement qu’ils sont favorables à une « expulsion » des habitants palestiniens de Gaza et pour une réinstallation de colonies juives à Gaza. Cette position divise non seulement le cabinet de guerre mais le parti de Netanyahu, le Likud, lui-même. Le ministre de la Défense, Yoav Gallant, se dit totalement contre cette perspective, en pensant peut-être à son futur politique dans le cas d’une éventuelle chute de Netanyahu.

Cependant, Netanyahu est aujourd’hui totalement dépendant des partis d’extrême-droite pour sa survie politique et même pour éviter la prison. Etant donné que les courants sionistes extrémistes pourraient plus facilement l’abandonner, il préfère leur faire des concessions plutôt qu’à ses partenaires « centristes ».

Autrement dit, la société israélienne se trouve dans une situation de profonde division politique. La guerre a réussi pour un moment créer une sorte d’unité nationale derrière Netanyahu. Cependant, l’évolution de la guerre elle-même est en train non seulement de faire ressurgir les divisions préexistantes mais d’en créer d’autres. Dans ce contexte, même en cas de victoire militaire, Israël pourrait se voir plongé dans une crise politique et sociale profonde dans un futur proche.

Crises et opportunités

Les désaccords exprimés publiquement entre les Etats-Unis et Israël sont à relativiser d’un point de vue stratégique, même s’ils sont bien réels et potentiellement dangereux pour tous les deux. Il va de soi que Washington n’a que faire des vies des civils palestiniens. Les puissances impérialistes sont les principales responsables de la situation coloniale de la Palestine en dernière instance. Les impérialistes, les Etats-Unis en tête, vont donc continuer à soutenir inconditionnellement Israël malgré les atrocités commises par Tsahal car leurs intérêts sont intrinsèquement liés. On pourrait imaginer une situation où les Etats-Unis lâcheraient Israël, mais seulement si leurs propres intérêts vitaux étaient en jeu.

Cela ne veut pas dire que les contradictions n’existaient pas. Les désaccords peuvent parfois être très importants et avoir des conséquences politiques et sociales importantes, comme on le voit avec les risques que la guerre d’Israël pose pour la réélection de Biden. Cependant, les contradictions qui traversent ces Etats ne vont pas ramener en soi un dénouement progressiste pour les Palestiniens et plus en général pour les travailleurs de la région. En effet, malgré les difficultés, Israël pourrait réussir à vaincre militairement à Gaza et imposer des souffrances inouïes aux Palestiniens à travers une occupation militaire permanente. Cette option reste certes une alternative très coûteuse pour Israël d’un point de vue économique, politique et même humain. Cependant, ce dénouement, malgré les contradictions et difficultés, reste aujourd’hui l’une des perspectives les plus probables.

La question centrale, d’un point de vue des intérêts du prolétariat de la région et du droit des Palestiniens à l’auto-détermination, est celle de savoir si une force ouvrière, populaire et de la jeunesse palestinienne, alliée aux autres secteurs opprimés et exploités dans toute la région, y compris en Israël, sera capable d’exploiter ces contradictions et les transformer en opportunités pour mettre fin à cette guerre, à l’apartheid et au colonialisme israélien dans une perspective socialiste. C’est la seule alternative réaliste comme l’impasse de la stratégie réactionnaire du Hamas et ses partenaires l’a déjà largement démontré.


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