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Du sang sur les mains

Envoi de navires à Gaza : un vernis humanitaire qui cache mal le soutien militaire de la France à Israël

Après l’arrivée du porte-hélicoptères « Tonnerre », le gouvernement a annoncé l’envoi d’un second navire. Une opération faussement humanitaire, qui vise à masquer que la France est un soutien militaire d’Israël et a du sang sur les mains.

Alexis Taïeb

3 novembre 2023

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Envoi de navires à Gaza : un vernis humanitaire qui cache mal le soutien militaire de la France à Israël

Crédits photo : capture d’écran France 24

Ce lundi, le porte-hélicoptères « Tonnerre » envoyé par la France est arrivé au large de Gaza afin de « soutenir les hôpitaux ». Une « aide humanitaire » présentée en grande pompe à la réalité plus contrastée. Vendredi matin en effet, à la question posée par un journaliste de France Info « combien de patients peut-il accueillir en ce moment ? », le commandant Shaar répond : « Deux blessés très graves, deux blessés graves ». Une peau de chagrin alors qu’à Gaza on dénombre déjà plus de 9000 morts et 20 000 blessés.

Dans la journée de jeudi, le gouvernement a annoncé l’envoi d’un second porte-hélicoptères afin de relever le premier et s’est empressé d’ajouter qu’un avion affrété par la France se poserait dans la journée en Egypte afin de « déposer plusieurs tonnes de fret sanitaire » et que deux autres vols suivront. Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, déclare alors que « c’est le devoir moral de la France que de jouer ce rôle dans la région », prétendant jouer un rôle moteur dans un soutien humanitaire international à la population palestinienne.

Refus d’appeler à un cessez-le-feu, aide au renseignement, matériel militaire… ce qui se cache derrière le « soutien humanitaire » de la France

Si le gouvernement fait ainsi mine de se préoccuper des nombreux morts dans la population civile palestinienne, il a surtout réitéré à de multiples reprises son soutien indéfectible à Netanyahu et légitime et relaye, main dans la main avec les médias, la propagande sioniste depuis le début du conflit. Aussi, même lorsqu’il annonce l’envoi d’un nouveau porte-hélicoptères, le Dixmude, pour fournir une soi-disant aide humanitaire à Gaza, le gouvernement, dans la bouche de Sébastien Lecornu, ne peut s’empêcher de rappeler qu’ « Israël doit pouvoir se défendre » et de justifier les massacres en cours.

Des massacres qu’il ne se contente pas de soutenir, mais dans lesquels il joue un rôle actif comme lorsque la France s’est opposée à un cessez-le-feu humanitaire lors d’un conseil de sécurité de l’ONU le 16 octobre. Ou encore lorsque, le 15 octobre, le même Sébastien Lecornu annonçait dans un entretien au Progrès que la France fournit une aide aux services de renseignements israéliens « dans le cadre du partenariat habituel entre [les] deux pays »].

En outre, derrière le premier porte-hélicoptères déployé, déguisé verbalement en navire-hôpital, se cache comme le révèle Le Monde l’un des plus gros bâtiments militaires de l’armée française qui transporte en son sein un « groupement tactique embarqué, c’est-à-dire des unités de l’armée de terre dotées de tout leur matériel : du véhicule blindé au camion logistique ». Un arsenal militaire qui vient s’ajouter à la présence des deux frégates La Fayette et Alsace déjà déployées dans la région.

Autrement dit, derrière les discours humanitaires on trouve des armes. Si celles-ci n’ont pas vocation à soutenir directement Israël (sauf dans le cas des renseignements), ces mesures ont en réalité vocation à empêcher et à dissuader un embrasement régional du conflit. En effet, alors qu’Israël et le Liban échangent quotidiennement des tirs de roquettes, que l’Iran menace également d’intervenir directement dans le conflit, la France veut prévenir pareille escalade. Une politique dans la droite lignée de celle des Etats-Unis, qui ont déployé deux porte-avions disposant d’une force de plus de 15 000 marins, mais aussi de celle du Royaume-Uni qui a également déployé d’importantes capacités militaires dans la région.

La France partenaire économique, premier fournisseur d’arme européen et allié historique de l’Etat d’Israël

Entre « soutien humanitaire » à Gaza et aide militaire à Israël, c’est donc bien la seconde option qui gouverne très largement la politique de la France au Moyen-Orient. Et cela n’a rien d’étonnant, étant donné que Paris est un allié de la première heure de l’Etat sioniste, au point de lui avoir même fourni une aide décisive dans l’obtention de la bombe nucléaire durant les années 50 aux travers d’accords bilatéraux, quelques années après avoir été le premier pays européen à reconnaître officiellement Israël.

Une alliance qui, si elle a été inégale selon les présidents, dure depuis toujours jusqu’à aujourd’hui. Au point que, d’après le dernier rapport sur les exportations d’armes de la France présenté au parlement, celle-ci aurait vendu pour 207,6 millions d’euros d’armes à Israël sur les dix dernières années, érigeant ainsi la France au premier rang des vendeurs d’armes à Israël en Europe. La réciproque est aussi vraie et c’est bien d’une véritable coopération militaire et d’échanges de bons procédés entre les deux puissances dont il faut parler. Ainsi, au cours du XXème siècle, si la France à pu aider à former l’armée israélienne en matière de « guerre révolutionnaire », Israël a également échangé ses méthodes de répression coloniale avec la France.

Lire aussi : France et Israël au diapason pour réprimer la cause palestinienne. Entretien avec Rafik Chekkat

Une coopération toujours à l’œuvre. En effet Israël dont les capacités militaires en termes de surveillance sont reconnues internationalement, au travers notamment de son entreprise Elbit Systems, participe directement au développement de Scorpion : un programme « au cœur de la stratégie de l’armée de terre française pour les prochaines décennies » explique Jean Stern dans un article paru en 2021 dans Orient XXI.

En plus du terrain et de l’entente militaire entre les deux pays, ces derniers coopèrent également activement sur le terrain économique. C’est ce que démontre notamment le Forum d’affaires France-Israël qui s’est tenu en mars dernier. Sur la page internet de Business France, organisme affilié à plusieurs ministères en charge de l’organisation de ce forum en accord avec le Sénat, on peut ainsi lire que « de nombreuses opportunités d’échanges et de partenariats existent entre la France et Israël non seulement dans la haute technologie, mais aussi dans le secteur des transports […] les secteurs de l’environnement, de l’agritech et de la foodtech, mais aussi dans le secteur des biens de consommation ».

Une centaine d’entreprises françaises sont ainsi implantées en Israël et représentent 5 500 emplois et un chiffre d’affaires de 534 millions d’euros, en plus d’investissements directs à hauteur de 4 milliards d’euros rapporte BFMT-TV. Cette alliance entre les deux pays n’a donc rien de « sentimental ». De la coopération militaire à la coopération économique, on trouve autant d’enjeux qui expliquent le soutien indéfectible de la France à Israël.

Les atermoiements du gouvernement français qui feint de se préoccuper de la mort des milliers de civils palestiniens ne doivent tromper personne. Si nous nous plaçons pleinement en faveur d’un déploiement réel d’une aide humanitaire pour sauver les Palestiniens qui se font massacrer par l’armée de Tsahal, celle-ci doit se conjuguer non seulement à un cessez-le-feu immédiat, mais également à un soutien inconditionnel à la cause du peuple palestinien. Chose que ne pourra en aucun cas faire le gouvernement français dont les armes servent à tuer les Palestiniens.


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