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Analyse

Budget 2024 : l’austérité quoi qu’il en coûte

Pour 2024, le gouvernement prépare un nouveau budget frappé du sceau de l'austérité, avec la suppression d’aides à la consommation qui permettaient de survivre face à l’inflation. Un signe de plus que le « quoi qu’il en coûte » est fini et que le gouvernement compte toujours plus faire payer la crise aux travailleurs.

Antoine Weil

29 septembre 2023

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Budget 2024 : l'austérité quoi qu'il en coûte

Crédit photo : O phil des contrastes

L’austérité est de retour, pour de bon. Le 27 septembre Bruno Le Maire a en effet présenté le Projet de Loi de Finances pour le budget 2024, qui devra être discuté au parlement dans les prochaines semaines. Dans la continuité des annonces faites par le gouvernement depuis la rentrée, l’addition est salée, avec 16 milliards d’économies, pour une diminution de 5 milliards d’euros des dépenses de l’Etat.

Un budget austéritaire en forme d’attaque contre les travailleurs

L’objectif de l’exécutif est de diminuer le déficit public, qui correspond en 2023 à 4,9 % du Produit Intérieur Brut, pour le porter à 4,4% en 2024. Une forte réduction, qui sera avant tout payée par les travailleurs.

En effet, pour réaliser ces économies, le gouvernement va mettre fin à une bonne partie des dispositifs visant à réduire les effets les plus difficiles de l’inflation, et notamment les aides à la consommation qui permettaient déjà peine de survivre. Ainsi l’Etat va gagner 15 milliards d’euros par rapport à 2023 grâce à la clôture progressive des boucliers énergétiques, le tout alors que les prix de l’énergie pourraient encore augmenter de 10 à 20% en février 2024.

Ces réductions sont complétées par d’autres baisses de dépense, avec la fin des 600 millions payés aux centres de formation des apprentis (CFA), ou encore avec 500 millions piochés dans la trésorerie des opérateurs de l’Etat, notamment les universités, que Macron menaçait de coupes budgétaires au début du mois. A ces économies de l’Etat, il faut ajouter celles de la Sécurité Sociale. Alors que l’Etat aurait dû couvrir la hausse induite par l’inflation des dépenses de l’assurance-maladie, ces dernières vont être amputées de 3,5 milliards d’euros. Une détérioration du service public à prévoir donc, quand l’augmentation des prix entraine une hausse des recettes pour l’Etat, via la TVA.

En d’autres termes, le budget 2024 entérine la fin des dernières mesures du « quoi qu’il en coûte ». Le gros des économies réalisées consiste au non-renouvellement des dépenses et « boucliers tarifaires » décidées pendant la pandémie, ce qui va avant tout peser sur les travailleurs qui continuent de subir l’inflation alimentaire ou énergétique, sans que leurs salaires n’augmentent. Une politique d’économie qui ne s’applique pourtant pas aux secteurs du régalien. Dans ce projet de loi de finances, les budgets de l’armée, de la police et de la justice devraient en effet être augmentés de 4 milliards d’euros, auxquels s’ajouteront les programmations déjà votées, comme la loi de Programmation militaire et ses 413 milliards d’euros d’augmentation sur la période 2024-2030.

Pour faire face à une période potentiellement agitée socialement, l’Etat continue de renforcer son appareil répressif. Comme quoi l’austérité ce n’est pas pour tout le monde, et surtout pas pour les piliers de l’Etat et de l’impérialisme français.

Un premier avant-goût avant une forte austérité jusqu’en 2027

Pour autant, ces coupes budgétaires peuvent paraître moins dure qu’annoncées, le gouvernement ayant suspendu l’application de certaines mesures, ou différé la suppression de certaines aides. Le doublement de la participation forfaitaire pour chaque visite chez le médecin, ou bien le doublement des franchises médicales de 50 centimes à 1 euro sur les boîtes de médicament ne figurent pour l’instant pas dans le projet de loi, même si elles pourraient être rajoutées au cours de la discussion au Parlement.

Dans le même temps, le gouvernement a décidé de maintenir certains petits dispositifs au prix d’un important enfumage, comme le chèque carburant de cent euros pour 50% des salariés les « plus modestes ». Toujours arc-bouté sur son refus de s’attaquer aux profits patronaux et donc d’augmenter les salaires, l’annonce prend la forme d’une reculade (après l’annonce de la « fin des chèques » le 13 juillet dernier) dans un contexte d’inflation qui ne cesse de comprimer les salaires et d’appauvrir les travailleurs face auquel le gouvernement craint une nouvelle explosion sociale.

Mais le gouvernement prévoit déjà de resserrer la vis à nouveau. Ce budget austéritaire en 2024 est le premier d’une longue série qui va traverser le quinquennat, avec comme horizon de ramener le déficit à 2,7% du PIB en 2027 et de baisser la dette de 109,7 % du PIB en 2023 à 108,1 % en 2027. Aussi, ce budget moins austéritaire que prévu constitue un pas de côté et une première offensive pour la macronie, qui se prépare à attaquer plus durement encore quand le contexte lui sera plus favorable. D’autant que pour parvenir à ces objectifs, les coupes budgétaires des années à venir devraient être particulièrement dures, car l’Etat s’est déjà engagé à des dépenses importantes avec les lois de programmations, comme celle sur l’armée.

Ainsi de l’avis même du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), un organe de conseil de l’Etat : « les dépenses de l’État hors lois de programmation sectorielles nécessiteront un effort de maîtrise très important : elles devraient diminuer en volume en moyenne de 1,8 % » chaque année. Dans le même temps, les budgets des collectivités territoriales et de la Sécurité sociale devraient être durement allégés. Selon l’Opinion, le gouvernement serait déjà à la recherche de 12 milliards d’économies pérennes pour 2025. Autrement dit, avec les objectifs que le gouvernement veut dès maintenant entériner, c’est la garantie de plusieurs années de forte austérité qui sont à prévoir.

Le durcissement pourrait d’ailleurs arriver plus vite que prévu. En effet, pour arriver à ce niveau d’économies, le gouvernement se fonde sur des hypothèses de croissances plutôt élevées. Pour 2024, il prévoit une croissance de 1,4 %, qui de l’aveu du Haut Conseil des finances publiques est « supérieure à celle du consensus des économistes » fixée à (+ 0,8 %). Conscient de ce risque, le gouvernement prévoit donc des restrictions brutales et in extremis, qui pourraient être décidées en cours d’année. Ainsi le député Renaissance et rapporteur du budget Jean-René Cazeneuve est clair et explique pour L’Opinion : « si nos prévisions ne se réalisent pas, il faudra réviser notre budget en cours d’année » avec un projet de loi rectificatif en début de printemps. L’occasion de porter un nouveau coup pour les travailleurs dans le courant du printemps, une fois les chocs de la rentrée et de l’hiver passés.

Un budget qui résonne avec les faiblesses de la macronie

Si l’horizon des quatre années à venir est donc bien celui de l’austérité, certains secteurs de la droite et de la bourgeoisie voudraient s’attaquer plus vite et plus durement aux travailleurs. Le chef des Républicains au Sénat, Bruno Retailleau a par exemple estimé que « 16 milliards d’économies, ce n’est rien », avant de préconiser que « l’Etat se mette au pain sec » car « on a plus de 3 000 milliards d’euros de dettes ». Même son de cloche chez le président du groupe de l’Union centriste au Sénat, Hervé Marseille, pour qui « 16 milliards d’économies, ce n’est pas assez » car « la charge de la dette devient monstrueuse ».

De ce point de vue, le budget 2024 devra également faire face à un climat parlementaire agité. Les déclarations de Retailleau et Hervé Marseille, deux poids lourds du Sénat, indiquent qu’il sera difficile de trouver un compromis avec la droite, comme la macronie a réussi à le faire pour l’attaque sur le RSA. A l’Assemblée également, rien ne sera facile pour l’exécutif, qui a déjà dû utiliser un premier 49-3 sur la loi de programmation des finances publiques. Dans ces circonstances, tout indique que le vote de budget se fera sous une avalanche de 49-3 et de motions de censure, signes des faiblesses politiques répétées de la macronie, mais aussi de son autoritarisme et de sa détermination pour nous imposer ses attaques.

Contre un budget austéritaire et face à un gouvernement fragile, mais autoritaire, la préoccupation des organisations du mouvement ouvrier devrait donc être de se préparer à lutter. C’est pourtant une tout autre perspective qui se dessine actuellement, avec la participation des directions syndicales à la conférence salariale, et l’absence de préparation de la date de manifestation du 13 octobre. Au contraire, dans le contexte actuel d’inflation, de recul des droits sociaux comme le RSA, de coupes budgétaires et de casse des services publics, il y a urgence à mettre sur pied un rapport de force d’ampleur, qui mette notamment en avant des augmentations de 400 euros des salaires, bourses et minimas sociaux, ainsi que leur indexation sur l’inflation.

Lire aussi : « Conférence sociale » : la nouvelle supercherie de Macron saluée par les directions syndicales


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