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Crise de régime

Argentine. Nouvelle défaite pour Milei : son méga-décret anti-ouvrier rejeté au Sénat

Le gouvernement de Milei a subi sa deuxième défaite législative. Après le retrait de sa loi Omnibus en février dernier, c'est son Décret de Nécessité et d’Urgence, un pilier de son offensive économique et autoritaire, qui vient de connaître un camouflet au Sénat. Le texte devra passer devant les députés.

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Argentine. Nouvelle défaite pour Milei : son méga-décret anti-ouvrier rejeté au Sénat

Le Décret de Nécessité et d’Urgence de Milei est une pierre angulaire de son offensive autoritaire et néolibérale. Celui-ci vise notamment à la modification de près de 300 normes juridiques et une offensive sur de nombreux domaines (réforme du travail, privatisations massives des entreprises publiques). Bien qu’il reste en vigueur jusqu’à ce que les deux chambres législatives aient décidé de le rejeter (l’accord d’une chambre suffit à imposer le DNU), le rejet du Sénat à 42 voix contre et 25 voix pour est une nouvelle défaite législative pour le gouvernement de Javier Milei.

La Libertad Avanza n’a réussi à rassembler que 25 voix, avec des alliés clés au sein du PRO (Macri), de la quasi-totalité de l’UCR (droite traditionnelle) ainsi que de plusieurs blocs provinciaux (péronisme fédéral). Bien qu’Unión por la Patria (kirchnérisme) ait voté contre le projet, ses représentants ont exprimé leur volonté de collaborer avec le gouvernement de La Libertad Avanza et préfère éviter toute mobilisation possible. L’extrême-gauche appelle quant à elle à continuer la mobilisation et à préparer le passage du texte au Parlement dans la rue et auprès des assemblées de quartier.

Un échec au Sénat qui doit encore passer à la Chambre des Députés

L’échec du DNU au Sénat constitue la deuxième défaite législative de Milei. Après le rejet de sa Loi Omnibus, le DNU reste la deuxième principale offensive lancée par le gouvernement d’un point de vue institutionnel. Parmi ses conséquences sur la vie de millions de travailleurs, on peut citer la montée en flèche des prix des aliments depuis décembre, l’augmentation considérable des primes d’assurance maladie, l’augmentation des loyers (en dollars), ainsi que la fermeture de l’agence publique de presse Telam, que le gouvernement avait fermé de force le 4 mars dernier.

Malgré les revers successifs que la justice a infligés au gouvernement, notamment après les décisions de la justice de faire suspendre le chapitre « Travail » du DNU (consistant en une réforme du travail brutale) le décret reste en vigueur sur un ensemble de sujets. Afin d’être complètement rejeté, il faudrait que la Chambre des députés se prononce pour son retrait. En effet, depuis les gouvernements Kirchner du début des années 2000, l’accord d’une seule des deux chambres suffit pour faire passer et maintenir un décret.

L’étape suivante reste donc le traitement à la Chambre des députés du DNU : avec au moins 10 députés, une session spéciale peut être demandée pour débattre et voter le maintien ou non du DNU. Par la suite, il faudra 129 députés pour atteindre le quorum, une majorité est donc nécessaire pour le rejet du décret. Le rejet dans la Chambre des Députés n’est donc pas encore garanti par les blocs qui collaborent avec le gouvernement : une grande partie de l’UCR, Hacemos de Pichetto (péronisme fédéral), le bloc de plusieurs gouverneurs d’Innovación Federal dont les péronistes de la province de Tucuman (proche de Milei) qui répondent à Jaldo sont en pleine négociation avec Javier Milei et veulent démontrer leur « bonne volonté ». Ces blocs sont influencés par les gouverneurs qui sont pleinement impliqués dans les négociations avec le gouvernement, notamment autour des budgets des provinces. De son côté, Milei continue à utiliser la pression budgétaire des provinces pour avancer sur l’adhésion des gouverneurs à son programme. Il a notamment rappelé à ces derniers que soutenir son projet serait une condition pour recevoir des transferts budgétaires conséquents et nécessaires au fonctionnement de leurs provinces. Un sujet qui a ouvert des crises institutionnelles successives, y compris avec ses alliés de droite.

Des désaccords de forme, mais une volonté de l’opposition de travailler avec Milei

Le rejet du DNU ne signifie pas pour autant un désaccord de contenu profond entre les sénateurs et le gouvernement. Du côté de l’UCR (droite traditionnelle), Martin Lousteau a par exemple déclaré qu’il était en accord avec la réforme du travail proposée par Milei, tout en refusant la méthode du gouvernement. Un accord donc sur le fond de l’offensive néolibérale du gouvernement mais qui reste soumise à une volonté d’une partie du régime d’éviter de laisser les mains trop libres à Milei qui lui permettrait d’imposer ses réformes sans avoir besoin de négocier avec ses partenaires. Les projets de Milei, bien qu’ils soient soutenus par l’ensemble des classes dominantes argentines et du capital financier international, laissent craindre que celui-ci ne parvienne pas à se constituer de véritables alliances politiques pour gouverner de manière stable.

Du côté de l’opposition de Unión por la Patria, celle-ci a assuré vouloir collaborer avec le gouvernement de Javier Milei, rappelant le rôle central du péronisme dans la stabilité relative du gouvernement. Le ton qu’a adopté Anabel Fernández Sagasti, sénatrice de Mendoza, en est un parfait exemple, lorsqu’elle a demandé aux députés de la Libertad Avanza de « dire au président que nous sommes prêts à discuter de chacun des titres, nous savons que les provinces peuvent apporter leur contribution (...), nous voulons collaborer ». La lettre publiée par Cristina Fernández, qui cherche à construire une feuille de route pour le péronisme face au gouvernement Milei, a donné son feu vert à ses législateurs pour avancer sur la « mise à jour nécessaire du travail » (entendre réforme du travail demandée par les classes dominantes argentines) et même sur les privatisations des grandes entreprises publiques. Le positionnement du péronisme correspond par ailleurs à la stratégie de luttes sectorielles et corporatistes défendues par la CGT ainsi que ses organisations politiques et sociales affiliées qui, après le 24 janvier, ont tout fait pour éviter les grandes mobilisations de rue. Le chef du bloc kirchnériste au Sénat, José Mayans, a également proposé au parti au pouvoir de transformer le contenu du DNU en différentes lois qui seraient votées et décidées par les chambres législatives.

Bien que le retrait du DNU ne soit pas encore assuré, c’est un signe de faiblesse politique. De plus, cette défaite va à l’encontre de la « recherche de consensus » exigée par le pouvoir économique, les grands groupes internationaux, le FMI et la bourgeoisie argentine. Lors de sa récente visite, la directrice adjointe du FMI, Gita Gopinath, avait demandé au président de « travailler de manière pragmatique pour générer un soutien social et politique ». Un élément qu’elle a jugé « fondamental » pour la « durabilité et l’efficacité » de son plan économique au service du capital financier, que l’organisation internationale soutient pleinement.

Les députés du Front de Gauche Unité appellent à voter contre le Décret dans la chambre des députés. Dans un projet de loi présenté dans la chambre basse, ils proposent notamment que le DNU soit considéré comme nul et non avenu et que l’ensemble des dispositions déjà en vigueur soient supprimées. Une démarche différente de celle du seul rejet du DNU au Sénat et à la chambre des députés, qui signifierait un arrêt des réformes mais n’annulerait pas les dispositions déjà mises en place depuis le 20 décembre dernier.
Mais pour imposer un tel scénario, c’est la mobilisation du mouvement de masse qui sera déterminante. Comme l’a déclaré le député de gauche Nicolás del Caño, député du Front de Gauche Unité, après le vote de rejet du DNU : « Il doit être annulé par les députés et les mesures prises pendant sa validité doivent être rendues inefficaces. Comme cela s’est produit avec la loi Omnibus, la mobilisation est essentielle. Grève nationale et plan de combat ! ».


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