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Argentine. La grève nationale du 24 janvier contre l’attaque généralisée de Milei se prépare

Face à l’attaque généralisée de Milei, la résistance s’organise en Argentine. Dans la perspective de la grève nationale du 24 janvier, l’extrême-gauche organise des assemblées de quartier et sur les lieux de travail, pendant que les travailleurs de la fonction publique et le secteur de la culture multiplient les casserolades et actions coup de poing.

Antoine Weil

8 janvier

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Argentine. La grève nationale du 24 janvier contre l'attaque généralisée de Milei se prépare

Après l’offensive généralisée du Président d’extrême-droite Javier Milei, le climat se réchauffe en Argentine. L’annonce, en plein été et dès son entrée en poste, de mesures extrêmes de libéralisation de l’économie, d’un méga-décret détruisant le code du travail et les services publics ou d’attaques anti-démocratiques empêchant les manifestations et réduisant le fonctionnement et les pouvoirs du Congrès, ont réveillé la colère des Argentins et contraint les directions syndicales à convoquer une journée de grève nationale le 24 janvier. Depuis, la grève se prépare à la base, avec des assemblées convoquées par les secteurs proches du FIT-U (Front de gauche des travailleurs unis) auquel participe le PTS, organisation sœur de Révolution Permanente, et des actions dans la culture et la fonction publique.

Casserolades et actions dans tout le pays : travailleurs de la culture et travailleurs de la fonction publique préparent une lutte active

En attendant la journée de grève nationale, de nombreuses actions s’organisent, et montrent que les travailleurs et les secteurs populaires ne sont pas prêts à accepter sans broncher le plan « tronçonneuse » de Milei.

Des casserolades ont notamment lieu sous l’impulsion des travailleurs de la culture, reprenant les actions spontanées qui ont fait suite à l’annonce du DNU fin décembre. Des actions qui attirent largement, on a ainsi pu voir une mobilisation lors d’un festival à Tigre ou bien une casserolade à Hurlingham dans la banlieue de Buenos Aires, et qui sont organisées depuis la base, suite à des assemblées.

Le secteur de la culture, visé par le méga-décret de Milei et la loi Omnibus qui supprime le Fonds national des Arts et de nombreuses autres subventions ou institutions culturelles, s’est organisé dès le 30 décembre avec une Assemblée générale qui a réuni près de 1000 personnes. Au cours de cette réunion de coordination, appelée « Uni-e-s pour la culture », des travailleurs du cinéma, de la télévision, des théâtres, mais aussi des danseurs, des musiciens, ou encore des travailleurs des bibliothèques populaires et des médias communautaires et coopératifs ont appelé à une « casserolade culturelle » pour le mercredi 10 janvier, qui doit se tenir dans près de 40 villes du pays.

Voir aussi : Offensive de l’extrême-droite et premières résistances en Argentine : le décryptage

Les travailleurs de la fonction publique, eux aussi durement touchés par Milei, s’activent également en amont de la journée du 24. Les mesures d’austérité prévoient en effet des licenciements et des non-renouvellements de contrats considérables chez les fonctionnaires et employés de l’Etat, qui ont déjà commencé à être mis en place. 1 500 travailleurs auraient déjà été limogés et des plans massifs se préparent, comme dans la province de Buenos Aires, où le gouverneur compterait licencier 7 000 personnes soit 30% des contracturels. Face à cette attaque, des actions coup de poing ont eu lieu, comme l’envahissement du ministère du Capital Humain (ex-ministère du travail) le 2 janvier, suivi de déambulations le reste de la semaine devant les ministères et bâtiments publics de la capitale. Là encore, le rôle de l’auto-organisation est central, avec des assemblées pour coordonner les actions et ne pas laisser seuls les travailleurs licenciés. Cette pression importante de la base a poussé les dirigeants du syndicat du secteur (ATE) a appelé à une « Journée nationale de lutte » dès le 15 janvier.

Un appel qui laisse cependant liberté aux sections locales de se mobiliser selon des modalités très variables, favorisant les actions sans grève et en respectant le protocole répressif, qui limite les manifestations de rue. Une tentative des syndicats de contrôler les expressions de colère qui surviennent, alors que l’activité des secteurs de la culture et de la fonction publique contraste avec la passivité des directions syndicales, qui voient avant tout dans la date du 24 janvier une mobilisation isolée, avec pour but de faire pression sur la justice.

Du côté du péronisme : la CGT veut faire pression sur la Justice, Massa cherche à démobiliser

Les principales confédérations syndicales du pays, la CGT et la CTA tentent en effet de faire échouer dans les tribunaux le méga-décret du DNU, avec plusieurs recours en justice. En ce sens, les mobilisations de rue ont pour objectif de faire pression sur l’institution, comme l’a montré le rassemblement du 27 décembre organisé devant les tribunaux, et sans grève.

L’attaque anti-démocratique de Milei et les risques d’explosion sociale que fait subir son plan sont telles que la justice a partiellement donné raison aux syndicats. Cette institution, très réactionnaire et particulièrement à droite en Argentine, a reconnu que certaines dispositions du DNU ayant attrait au droit du travail n’avaient pas de caractère de « nécessité et d’urgence ». Pour autant, seul le chapitre IV du décret a été remis en cause, quand la série de réformes décidées par Milei s’attaque de front à l’ensemble des travailleurs et des catégories populaires, de la jeunesse et des classes moyennes. Dès lors, l’insistance des directions syndicales sur des recours juridique tend à diviser la lutte et ouvre la porte à des négociations sectorielles.

La stratégie de pression sur les institutions juridiques conduit également les directions syndicales à appuyer la modération dans la lutte, à l’image du syndicat des travailleurs publics (ATE) qui a refusé de s’attaquer à la « gouvernabilité » de l’Etat, ou plus généralement au refus d’appeler pour l’instant à des assemblées sur les lieux de travail pour préparer le 24.

Cette attitude des directions syndicales liées au péronisme est révélatrice de l’apathie entretenue par le secteur qui vient d’être déchu du pouvoir. A cet égard le candidat péroniste défait Sergio Massa, représentant de l’aile droite du courant politique, s’est réuni avec plusieurs dirigeants de la CGT pour faire entendre son rejet de la grève du 24. Il a ainsi considéré la date comme « prématurée », tirant, aux côtés des médias et de la droite, sur la mobilisation : « si après 45 jours tu fais une grève générale, qu’est ce que tu fais au bout de 90 ? Un bombardement ? ». Une manière de saper d’entrée la lutte contre l’offensive du gouvernement d’extrême-droite, par celui qui était présenté par beaucoup comme un rempart au « fascisme » que représenterait Milei.

Contre la passivité imposée par les directions syndicales, multiplier les assemblés de lutte et coordonner les secteurs

Face aux manoeuvres du péronisme pour limiter la portée du 24 janvier, la politique des révolutionnaires en Argentine est justement de développer l’auto-organisation, et la coordination des différents secteurs pour limiter l’éparpillement et les négociations séparées. De nombreuses assemblées se tiennent ainsi dans les quartiers, en lien avec les travailleurs déjà mobilisés. Afin de commencer à regrouper l’avant-garde et former un bloc de combat pour le 24 janvier qui soit indépendant des bureaucraties syndicales, les organisations d’extrême-gauche membres du FIT-U, des syndicalistes combatifs et des mouvements des chômeurs ont impulsé une première réunion de coordination le 6 janvier.

La déclaration issue de la réunion appelle ainsi à des nouvelles rencontres pour le 17 janvier, pour élargir le mouvement à tous ceux qui refusent de se résigner à la lutte passive et encadrée que promettent les directions syndicales et pour construire le rapport de force contre Milei. Elle déclare ainsi : « nous devons prendre la grève en main, en commençant par promouvoir des assemblées sur les lieux de travail et des réunions plénières de délégués pour l’organiser. L’unité du mouvement des travailleurs occupés et des chômeurs, des casserolades et des autres secteurs en lutte, peut faire échouer ce plan de guerre contre les travailleurs ».


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