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Après une journée de grève massive le 1er février, quel plan de bataille pour l’Éducation ?

Ce jeudi 1er février, près de la moitié des enseignant-e-s étaient en grève, tandis que des manifestations ont eu lieu partout en France. Alors que la colère est bien là, alimentée par le rejet du projet réactionnaire du trio Macron-Attal-Castera, il est nécessaire que directions syndicales construisent un véritable plan de bataille.

Tristane Chalaise

2 février

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Après une journée de grève massive le 1er février, quel plan de bataille pour l'Éducation ?

Selon les syndicats, ce sont près de 50 % des enseignant-e-s qui étaient en grève hier, à l’appel des directions syndicales de l’Education nationale. Un chiffre qui atteint les 55 % au collège, spécifiquement ciblé par les nouvelles réformes, qui annoncent la fin du collège unique avec la création de groupes de niveau. Alors que l’école est aujourd’hui « la mère des batailles » pour Macron – un choix illustré par la nomination de Gabriel Attal au poste de premier ministre – les personnels marquent leur colère, mais aussi leur désaccord profond avec le projet d’école porté par le gouvernement. La crise provoquée par les sorties de la nouvelle ministre de l’Éducation, Amélie Oudea-Castera, a ainsi cristallisé la colère profonde du secteur de l’éducation qui subit une multitude d’attaques depuis la rentrée.

La mobilisation dans l’Education, première grève massive contre le gouvernement Attal

Alors que le gouvernement sort à peine de la crise des agriculteurs, la grève dans l’Education constitue la première grève massive d’un secteur de travailleuses et travailleurs contre le nouveau gouvernement Macron-Attal. Alors que les « Oudea-Castera, casse-toi ! » arrivent en bonne place du slogan le plus utilisé des cortèges, à Paris, la manifestation s’est poursuivie en direction du ministère de l’Education nationale, avant d’être bloquée et gazée par les forces de l’ordre rue de Grenelle, à 300 mètres du ministère, donnant lieu à une arrestation. Une détermination qui détonne des cortèges habituels.

Symptôme de la crise ouverte par la multiplication des attaques contre le secteur, l’ensemble des directions syndicales, jusqu’à la CFDT, ont rejoint l’appel à la grève et à la manifestation, sous la pression de leurs bases. Autre symptôme, ce sont jusqu’aux représentants de l’institution elle-même qui ont exprimé leurs désaccords la politique du ministère comme en témoigne la prise de position des syndicats représentants les inspecteurs de l’Education nationale et les chefs d’établissement quelques jours avant le 1er février.

Marqueur supplémentaire de la crise, le recteur de Paris annonçait hier sa démission. Dans une lettre adressée aux personnels de l’académie de Paris – et, indirectement, à la ministre – il dénonce « la reproduction sociale qui caractérise encore beaucoup trop notre système éducatif » et le refus du ministère de fermer des classes préparatoires pour en ouvrir d’autres destinées aux élèves issus des formations professionnelles. Ces éléments témoignent ainsi, au-delà de la mobilisation des travailleurs et travailleuses de l’éducation, d’une fragilité par en haut, les relais des politiques gouvernementales se positionnant contre les réformes souhaitées.

Une situation qui place Amelia Oudéa-Castera sur la sellette. Si le président de la République lui a jusque-là affiché un soutien sans faille, d’autres échos se font entendre, y compris au sein de la majorité présidentielle. Alors qu’un député Renaissance déclarait il y a quelques jours que la ministre avait « fait plus que Bourdieu sur la compréhension des phénomènes de reproduction sociale », la porte-parole du gouvernement Prisca Thévenot et Edouard Philippe n’hésitent plus à lâcher quelques piques à son sujet. Fragilisée, la ministre a dû réaffirmer, suite aux manifestations d’hier, qu’elle ne souhaitait pas démissionner.

La dénonciation du projet réactionnaire du gouvernement pour l’école au cœur de la mobilisation

Alimentée par la communication désastreuse de la nouvelle ministre de l’Education nationale, Amélie Oudea-Castera, la forte mobilisation d’aujourd’hui constitue une première réponse des personnels de l’Éducation face à l’ampleur des attaques qui, depuis la rentrée, se sont accumulées contre l’école. Une situation d’autant plus mal vécue par les personnels de l’Éducation que les récents scandales autour du très prestigieux établissement privé Stanislas ont révélé au grand jour le gouffre qui sépare les établissements réservés aux enfants de la bourgeoisie de ceux assignés aux élèves des quartiers populaires.

Dans les manifestations qui ont émaillé la journée, rassemblant plusieurs dizaines de milliers de personnes au niveau national, c’est ce que pointent de nombreux slogans : « De l’argent il y en a dans les caisses de Stanislas ! Du fric pour l’école publique ! », « Groupes de niveau = classes ghetto », ou encore « Attal, Attal, remballe ton tri social ». Interrogées dans la manifestation parisienne, trois enseignantes en REP dénoncent un projet d’école qui ne va que « ghettoïser encore plus » les élèves des quartiers populaires « déjà discriminés dans la société » ; tandis qu’à Brest, Loïc, professeur à Châteaulin et syndiqué à SUD, dénonce une « destruction du collège unique », qui va permettre aux employeurs de « bénéficier d’une main d’œuvre le plus tôt possible ».

Une situation qui a poussé les directions syndicales de l’Education à réajuster leurs mots d’ordre. Alors qu’en décembre, les premiers communiqués appelaient à une grève routinière sur la question des salaires et des conditions de travail, le communiqué intersyndical publié le 29 janvier met en avant la défense de « l’Ecole publique, laïque, gratuite et obligatoire », face à un projet « inspiré d’un modèle d’École passéiste et conservateur, [qui] pose les bases d’une École du tri social, à l’image des groupes de niveaux qui vont contribuer à assigner les élèves dans les positions sociales et scolaires. ». La lutte contre la réforme du collège actant la fin du collège unique était donc au centre des mots d’ordre des directions syndicales et repris à ce titre par les cortèges enseignants.

Au-delà, nombreux étaient les personnels mobilisés à dénoncer le projet autoritaire pour l’école. Uniformes, groupes de niveau, SNU obligatoire, réforme de l’éducation civique, ouvertures prolongées des établissements en REP… Autant de mesures égrainées depuis la rentrée, qui marquent la volonté du gouvernement de mettre au pas la jeunesse, en l’articulant au renforcement du tri social et raciste. « L’éducation ça rejoint tous les problèmes de la société. Ils sont en train de vouloir uniformiser la jeunesse, vouloir la mettre au pas. Le SNU c’est une attaque idéologique. Il y a plein de choses qui montrent qu’ils veulent nous former à une société qui est la leur, et pas la nôtre », dénonçait ainsi Paul, enseignant en REP en Seine-Saint-Denis.

Pour lutter contre le projet d’école porté par le trio Macron-Attal-Castera, la nécessité d’un véritable plan de bataille

Après cette journée réussie qui approfondit la crise autour de la ministre Oudea-Castera, c’est avant tout la question des suites de la mobilisation dans l’Education qui se pose. Alors qu’à Bordeaux, Saint-Denis, Paris, Meaux, et ailleurs en France, les personnels réunis hier en assemblées générales ont posé la question de la reconduction de la grève, la large colère exprimée par les personnels de l’Éducation ne peut rester sans lendemain.

Se pose ainsi la nécessité d’un plan de bataille national qui, face au projet réactionnaire du gouvernement, tire réellement les bilans de la réforme des retraites, où se sont multipliées les journées de grève perlées inefficaces qui pèsent sur le moral du secteur de l’Éducation. Dans ce cadre, il est nécessaire que l’unité syndicale exprimée à l’occasion du 1er février perdure, mais s’incarne aussi concrètement par la construction d’un plan de lutte qui s’appuie sur la colère, et cherche à construire une grève fortement majoritaire dans le secteur de l’Éducation.
Après avoir tardé à appeler à une première journée de grève, les directions syndicales semblent désormais, au vu du suivi important de la journée d’hier, vouloir poursuivre la mobilisation. En ce sens, poussées par la colère profonde du secteur, le SNES FSU, syndicat majoritaire du secondaire, et Sud Education appellent à une nouvelle journée de grève le mardi 6 février, pour exiger des augmentations de salaires et l’abandon de la réforme « choc des savoirs » sur le collège. Dans le même temps, en Seine-Saint-Denis, les directions syndicales de l’Education appellent à un « plan d’urgence pour le 93 » et à « construire une grève majoritaire » dès le 26 février.

Cette nouvelle journée de grève appelée pour mardi prochain doit être une réussite et constitue un point d’appui important, dans l’objectif de poser la question de la reconduction et d’un plan de bataille conséquent. En ce sens, ce n’est pas de grèves de pression dans le cadre du dialogue social, à coup de journées de grève perlées et isolées, dont nous avons besoin, mais d’un plan de bataille à la hauteur de la colère et des attaques du secteur par le rapport de force.

D’autant que si le secteur de l’éducation relevait la tête, il pourrait donner du moral et avoir un effet de contagion, dans un contexte de crise économique et sociale. C’est ce que pointe Sandra, enseignante dans le 93, interrogée dans la manifestation parisienne « On a l’impression qu’il y a un relais des luttes : les gilets jaunes, les émeutes en banlieue, le 49.3, les retraites […] S’il pouvait y avoir une convergence, ce serait la seule façon de faire bouger réellement le gouvernement ». Une perspective d’autant plus évoquée que la journée de mobilisation dans l’éducation intervient dans le contexte de la crise des agriculteurs, et que la question des salaires et du pouvoir d’achat touche tous les travailleurs. « Aujourd’hui on est le 1er février, on nous annonce 10 % d’augmentation de l’énergie. Ça pèse énormément sur le moral des travailleurs […] c’est pour ça qu’il y a une nécessité d’un mouvement d’ampleur », déclare Marion, enseignante dans le 93 et militante à Révolution Permanente.

Les réformes qui visent aujourd’hui l’école publique s’inscrivent en effet dans un projet global du gouvernement, qui, dans un contexte d’inflation et après une série de crises, veut mettre au pas l’ensemble de la jeunesse et du monde du travail. C’est pourquoi il est nécessaire aujourd’hui de porter, en plus des exigences propres à l’éducation, des revendications qui concernent l’ensemble du monde du travail, que ce soit l’augmentation des salaires et leur indexation sur l’inflation, mais aussi le retrait de toutes les lois et réformes antisociales du gouvernement, à l’image de la réforme de l’assurance chômage, du RSA. De même, il est essentiel de lutter contre les mesures autoritaire et raciste portées à l’encontre de la jeunesse mais aussi au-delà, notamment autour de la loi immigration. L’Education ne peut en effet pas être coupée du reste de la société. Comme le pointe Marion, « on ne pourra jamais bien faire cours à des enfants qui ont faim, ni à des enfants menacés d’une OQTF ».


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