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Israël assassin, Al-Sissi complice

Accords sur l’évacuation de civils binationaux de Gaza : l’Egypte poursuit sa politique hypocrite

Si l'Égypte a laissé passer plusieurs centaines de personnes et se dit prête à ouvrir le poste-frontière de Rafah à 7 000 Gazaouis, l'accord concerne essentiellement les binationaux. Le régime égyptien continue en même temps d’empêcher les millions d'autres réfugiés de passer la frontière et fait passer l’aide humanitaire au compte-goutte.

Lisa Mage

3 novembre 2023

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Accords sur l'évacuation de civils binationaux de Gaza : l'Egypte poursuit sa politique hypocrite

Depuis le 7 octobre, les bombardements incessants de Tsahal sur Gaza, mais aussi les incursions terrestres ont fait plus de 8 500 morts, dont 3 542 enfants et 21 500 blessés. Sans compter les 1,4 millions de déplacés palestiniens, dont 689 000 d’entre eux s’entassent dans les 150 abris de l’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient), ayant tous largement atteint leur capacité d’accueil.

À Gaza, on tire sur l’aide humanitaire et les réfugiés

Face à ce désastre humanitaire sans précédent, les puissances impérialistes ont d’abord cautionné les bombardements menés par Tsahal contre le poste-frontière de Rafah, seul passage entre Gaza et l’Égypte, empêchant ainsi l’aide humanitaire d’arriver aux Gazaouis. Cependant, sous pression de l’opinion publique partout dans le monde, une « prise en charge » très minimale a dû être concédée, permettant le passage au compte-goutte de quelques dizaines de camions au maximum par jour dans l’enclave palestinienne depuis le 20 octobre dernier. L’ONU estime pourtant qu’il faudrait a minima 100 camions par jour pour répondre aux besoins vitaux des 2,4 millions de Gazaouis privés d’eau potable et de carburant suite au blocus total imposé par Israël.

Par ailleurs, un nouvel accord a été signé ce mardi entre l’Égypte, l’État sioniste et le Hamas, autorisant l’évacuation de 81 Palestiniens blessés et d’une première liste de 500 détenteurs de passeports étrangers de la bande de Gaza mercredi. Dans le même temps, l’Égypte explique qu’elle serait prêt à ouvrir le poste-frontière de Rafah pour laisser passer... uniquement les 7 000 résidents étrangers et binationaux de Gaza. Les autres Gazaouis pourront bien continuer de subir les tueries et humiliations de l’armée d’occupation…

Un accord qui masque mal l’hypocrisie des grandes puissances impérialistes, à l’image de la réaction du directeur de l’Organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus, qui a [« salué la décision de l’Égypte d’accepter des blessés et des malades de Gaza pour les soigner ». Ce dernier n’ignore pourtant pas que l’Égypte n’a même pas déployé assez d’effectifs pour accueillir les réfugiés et que les quelques centaines de personnes ayant pu fuir Gaza ont dû attendre des heures au point de contrôle sous la peur des bombardements.

Abdel Fattah Al-Sissi : faux sauveur des Palestiniens, vrai défenseur de l’impérialisme

De son côté, le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, justifie son refus d’ouvrir sa frontière aux réfugiés palestiniens en expliquant vouloir éviter une « seconde Nakba » (« catastrophe » en arabe, en référence à l’expulsion de 700 000 Palestiniens de leurs terres en 1948) face au plan plus ou moins assumé de l’État colonial israélien d’expulser les Gazaouis dans le Sinaï. Cependant, dans les faits, cette position vise surtout à concilier un soutien de façade à la cause palestinienne, sous pression de la rue égyptienne qui s’est mobilisée massivement en solidarité, avec les impératifs sécuritaires et la politique pro-impérialiste du régime.

Ce dernier craint en effet que le retour en force de la question palestinienne sur son territoire ne vienne chambouler sa politique de collaboration avec Israël, et soit un obstacle pour mener sa politique ultra-autoritaire dans le Sinaï, alors que l’armée a décrété l’État d’urgence dans cette région du Nord-Est de l’Égypte afin de sécuriser les 12,8 milliards d’euros d’investissements pour y implanter des infrastructures.

De plus, le régime égyptien craint qu’en devenant régional, le conflit ne finisse par le déstabiliser. Et pour cause, Abdel Fattah Al-Sissi est arrivé au pouvoir suite à un coup d’État militaire sanglant en 2013, afin de restaurer « l’ordre » après l’épisode des Printemps arabes qui avait notamment conduit au renversement du dictateur Hosni Moubarak. Alors que le soulèvement populaire menaçait de remettre en question la soumission du régime égyptien envers l’impérialisme américain et Israël, son allié stratégique au Moyen-Orient, Al-Sissi a donc bénéficié du soutien des grandes puissances pour conquérir le pouvoir et s’y maintenir grâce à une politique ultra-autoritaire, garante de leurs intérêts dans la région.

Or, la situation actuelle ouvre la perspective d’une remobilisation des masses populaires égyptiennes. En effet, suite aux bombardements contre Gaza, des manifestants sont descendus massivement dans les rues ces dernières semaines au Caire et sur l’emblématique Place Tahrir, pour la première fois depuis 2014.

Rien à attendre des régimes corrompus : vive la solidarité populaire avec la Palestine !

Dans le contexte des futures élections qui se joueront en décembre sur fond de crise économique et d’affaiblissement du régime, Al-Sissi cherche donc à canaliser le soutien populaire à la cause palestinienne, en usant d’un discours prétendument pro-palestinien pour la paix. Dans le même temps, en défendant « l’intégrité territoriale » égyptienne et en refusant d’accueillir les réfugiés Gazaouis, Al-Sissi cherche à éviter un scénario où la résistance palestinienne s’implanterait dans le Sinaï et le mettrait en porte-à-faux vis-à-vis de ses soutiens impérialistes américains et israéliens, tout en bouleversant la scène politique et sociale intérieure.

La position égyptienne souligne la duplicité des régimes arabes, qui tout en instrumentalisant la question palestinienne à leurs propres fins politiques, refusent une solidarité élémentaire aux millions de Gazaouis qui subissent le blocus total israélien sur des produits aussi élémentaires que l’eau et le carburant. À ce titre, l’échec du « Sommet pour la paix » organisé par le régime au Caire le 22 octobre dernier – en l’absence notable des principaux protagonistes – illustre l’inconséquence de la « voie diplomatique » défendue par les régimes arabes face au massacre en cours.

En réalité, à l’image du soulèvement populaire qui a mis dehors Moubarak en 2011 et avait permis de rouvrir la frontière entre Gaza et l’Egypte, la lutte du peuple palestinien n’a d’autre allié que la solidarité des masses populaires du monde entier, en toute indépendance des régimes arabes corrompus et soumis à l’impérialisme.

À l’heure où les massacres se poursuivent avec les bombardements et l’opération militaire coloniale de Tsahal contre Gaza, ce sont les mobilisations ouvrières et populaires qui permettront d’en finir avec la politique complice des régimes arabes et des puissances impérialistes. Un enjeu qui pose la nécessité d’une politique indépendante dans les pays arabes, comme dans les pays impérialistes, en solidarité avec la Palestine et contre les gouvernements complices de l’État colonial d’Israël.


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