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Culture

Sexisme et répression : des députés LR dénoncent Corinne Masiero à la Justice pour « exhibition »

Ce mardi, une dizaine de députés parlementaires ont interpellé le procureur de la République quant au geste de Corinne Masiero à la cérémonie des Césars. Apparue nue pour dénoncer le manque de moyens dans la culture, elle est attaquée pour « exhibition sexuelle », dans une logique mêlant sexisme et volonté de faire taire la contestation politique qui s’est exprimée aux Césars.

Erell Bleuen

17 mars 2021

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Crédits photo : AFP

« Rend nous l’art, Jean ! » Cette phrase, écrite dans le dos de Corinne Masiero lors de la 46ème cérémonie des Césars, continue de susciter de nombreuses réactions dans le camp de la droite, et ce autant sur le fond que sur la forme. Pour rappel, l’actrice de « Capitaine Marleau », série diffusée sur France 3, venait remettre l’oscar du meilleur costume. Elle a d’abord rejoint la scène de l’Olympia dans le costume de Peau d’Âne, puis s’est déshabillée progressivement pour finir complètement nue, décrivant sa dernière tenue comme celle de « qui veut la peau de Roger l’intermittent ». Un acte politique, interpellant directement le premier ministre Jean Castex quant à la situation du secteur de la culture, à l’arrêt depuis près d’un an, et pour lequel le gouvernement n’a toujours pas débloqué de moyens à la hauteur.

Si le geste de Corinne Masiero, décrit sur CNews comme « déplorable et dégoutant », a particulièrement indigné les médias et les classes dominantes, c’est toute la cérémonie des Césars qui a été attaquée, du fait de son caractère très politique. A travers le #CesarsDeLaHonte, de nombreux avis réactionnaires se sont indignés du caractère politique de la cérémonie, alors que lors de la cérémonie de l’année passée, la victoire de Polanski avait été applaudie par une frange de la droite.

Des députés LR dénoncent Corinne Masiero : une attaque sexiste pour faire taire les intermittents

Mais l’offensive est montée d’un cran ce mardi 16 mars. Julien Aubert, député Les Républicains et président du groupe « Osez la France » -groupe de droite revendiquant les valeurs gaullistes- publiait sur Twitter une lettre au Procureur de la République, dans laquelle il appelle, aux côtés de 9 parlementaires membres du même groupe, à des sanctions contre Corinne Masiero :

Dans leur communiqué, ils décrivent une « infraction délictuelle » et se justifient en
décrivant le geste de Corinne Masiero comme un cas « d’exhibition sexuelle ». Ils expliquent en effet qu’« au cours de cette cérémonie, Mme Corinne Masiero s’est totalement déshabillée, imposant sa nudité, d’une part, au public physiquement présent dans la salle de spectacle, et d’autre part, aux téléspectateurs de l’émission ». En utilisant l’argument de l’heure à laquelle la cérémonie a été diffusée, ils cherchent à faire condamner l’artiste au titre de l’article 222-32 du Code Pénal, qui précise que « l’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende ».

Évidemment, derrière cette attaque et ce geste de délation, c’est d’abord une volonté de faire taire les artistes qui se permettent de faire de la politique qui s’exprime. Les députés réactionnaires déclarent ainsi dans leur communiqué que « le comportement de l’artiste doit être nécessairement proportionné, d’abord, à la nature du public et, ensuite, au message qui est véhiculé, ce qui n’est pas le cas ici. » Il aurait donc fallu plus de « proportion » pour dénoncer le manque de moyens criants dans le secteur de la culture et le mépris du gouvernement comme seule réponse à la crise dans le milieu ? En réalité, c’est le fait même que des artistes se permettent de gueuler qui gêne.

A cet aspect s’ajoute la dimension sexiste de l’attaque. De fait, on ne peut manquer de relever le deux poids deux mesures qui pèse sur les femmes dans le milieu artistique. Ainsi, en 2015, lors d’une autre cérémonie culturelle, Les Molières, qui récompense le théâtre français, l’auteur de la pièce « Deux hommes tout nus », Sébastien Thierry avait été récompensé et était arrivé nu sur scène. Cette apparition, s’accompagnait d’un discours de défense des intermittents du spectacle, interpellant directement la ministre de la culture de l’époque présente dans la salle : « Savez-vous Madame la ministre que les auteurs vivants sont les seuls dans toute la profession à ne pas bénéficier de l’assurance chômage ? ». Une mise en scène qui rappelle celle de Corinne Masiero, mais dont le traitement médiatique avait été bien différente. Un article du journal Le Point décrivait notamment le geste comme « audacieux », tandis qu’un article du Figaro évoquait sa performance comme un « sketch ». La levée de boucliers suscitée par Corinne Masiero est en ce sens une belle incarnation du sexisme qui anime les médias et classes dominantes.

Par-delà les velléités répressives des députés réactionnaires une chose est sûre, comme nous l’écrivions hier, « les interpellations de la cérémonie des César et les occupations de théâtres qui fleurissent dans toute la France expriment une colère profonde dans le secteur de la culture ». Face à la gestion pro-patronale de la crise sanitaire et économique, les travailleurs de la culture, déjà précaires, doivent désormais faire face à la fin de l’année blanche, sans perspectives concrètes de réouverture des lieux culturels. La fin de cette mesure, qui permettait le renouvellement des droits de l’assurance chômage des intermittents jusqu’en août 2021, va venir pousser dans la misère des milliers de travailleurs. Dans ce sens, les occupations qui émergent à échelle nationale doivent continuer de réclamer l’allongement de cette année blanche, mais également l’élargissement de cette mesure à l’ensemble des précaires, tout en l’articulant au retrait pur et simple de l’assurance chômage. Une bataille qui devra se mener en convergence avec l’ensemble du mouvement ouvrier et des mouvements sociaux pour faire plier le gouvernement !


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Erell Bleuen

@Erellux

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