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Europe Forteresse

Révélations. Dans La Manche, les techniques anti-migrants meurtrières de la police

La semaine dernière, une enquête du Monde a révélé les techniques violentes et meurtrières des policiers français envers les migrants qui tentent de traverser la Manche. Une nouvelle démonstration des pratiques xénophobes de l’État français dans un contexte de renforcement de l’Europe Forteresse.

Léo Stella

27 mars

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Révélations. Dans La Manche, les techniques anti-migrants meurtrières de la police

Crédit photo : Capture d’écran, images des interceptions policières, obtenues par Le Monde, Lighthouse Reports, The Observer, et Der Spiegel.

Le week-end dernier, Le Monde, en coopération avec Lighthouse Reports, The Observer et Der Spiegel, a sorti une enquête qui révèle les techniques violentes de la police française à la frontière franco-britannique, preuves à l’appui. Intimidations, usage de lacrymogènes, crevaison de pneumatiques en mer, déstabilisation des bateaux… L’enquête, comprenant des vidéos et témoignages de première main, met en lumière des techniques qui sont monnaie courante malgré une interdiction formelle, rappelant les brutalités commises par Frontex ou encore la police grecque, connue pour ses méthodes meurtrières.

Principalement, l’enquête révèle les attaques de la police française dans la Manche sur les bateaux de migrants qui tentent de gagner l’Angleterre. Pour bloquer les départs, la police, à bord de bateaux semi-rigides, a recours à plusieurs techniques. La première consiste « à tourner autour d’un small boat (...) en créant à dessein des vagues qui déstabilisent la petite embarcation », voire à tamponner directement les embarcations tout en menaçant les personnes à l’intérieur à coup de gaz lacrymogènes. Cette pratique, qui a pour but de faire revenir les migrants sur la côte et de les interpeler, peut faire chavirer l’embarcation. Les bateaux policiers n’étant pas équipés pour un sauvetage, le chavirement du navire est donc dangereux voire mortel pour les personnes qui se retrouvent à la mer. Plusieurs vidéos montrent toute la brutalité de la police française.

Le rapport montre que les policiers vont même jusqu’à crever directement les pneumatiques laissant les migrants à la mer comme le montre à plusieurs reprises le rapport d’enquête. Ziko, témoin de ces usages, raconte pour Le Monde : « On était à plusieurs dizaines de mètres des côtes quand un bateau pneumatique avec cinq ou six policiers s’est approché et a crevé notre embarcation. » Ziko rapporte que lui et la cinquantaine de passagers sont tous tombés à l’eau : « J’avais de l’eau jusqu’à la poitrine, c’était très dangereux. Il y avait des enfants qui étaient portés à bout de bras par des adultes pour ne pas se noyer. » Systématiquement, les policiers sont intervenus pour stopper l’embarcation à bord de laquelle lui et d’autres espéraient traverser la Manche. « A chaque fois, ils ont crevé le bateau », se souvient-il. Alors que l’année dernière des éléments publiés dans Le Monde révélaient que les secours français avaient laissé 27 personnes se noyer en 2021, l’illustration concrète des techniques policières vient davantage éclairer le rôle de l’État français dans les drames qui ont lieu chaque année. Dans Le Monde, plusieurs témoins affirment avoir vu un exilé syrien de 27 ans se noyer dans un fleuve côtier la nuit du 2 mars, alors que la police arrivait pour interpeler les passagers. « Pour moi, il ne serait pas mort si les policiers français n’avaient pas été là, » déclare l’un d’eux.

Comme le soulignent les journalistes du Monde, la police a interdiction d’intervenir lorsque les bateaux sont déjà en mer. Une règle qui n’empêche pas les forces répressives d’employer quotidiennement les pires tactiques pour empêcher à tout prix le transit des migrants vers l’Angleterre, même au prix de leur vie.

Une militarisation des frontières à l’échelle internationale

Le rôle répressif et xénophobe de la police aux frontières s’est encore accentué depuis l’accord avec le Royaume-Uni l’année dernière. En effet, le 10 mars 2023 avait lieu un sommet bilatéral sur l’immigration entre Emmanuel Macron et Rishi Sunak. Ce dernier, qui fait de la traque aux migrants une de ses priorités, à proposé 543 millions d’euros à la France, en contrepartie de son engagement à « stopper davantage de bateaux » se dirigeant vers les côtes anglaises. Cet accord a permis à l’Élysée de renforcer sa présence policière en mer et sur les côtes, et les violences qui l’accompagnent. Entre autres, les 543 millions ont permis de financer le déploiement de réservistes et l’installation de barrières et de caméras de vidéosurveillance sur la Côte d’Opale, mais aussi la surveillance aérienne du littoral ou encore l’équipement des forces de l’ordre en drones, jumelles à vision nocturne ou semi-rigides. A cela s’ajoute la création d’un centre de rétention administrative vers Dunkerque et un lieu de cantonnement pour les CRS à Calais. Désormais, plus de 700 policiers, gendarmes et CRS sillonnent vingt-quatre heures sur vingt-quatre les 150 kilomètres de littoral. Calais et la Manche sont devenus un laboratoire de techniques répressives vis à vis des migrants, que ce soit pour les pushbacks et les interpellations en mer, mais aussi sur le terrain du harcèlement quotidien que subissent ces personnes aux mains de la police sur les côtes.

La sortie de cette enquête trois mois après le passage de la loi immigration met en lumière les pratiques ignobles et xénophobes de l’État français qui s’inscrivent dans une dynamique de militarisation des frontières à l’échelle européenne. Que ce soit au niveau national avec le renforcement des frontières et l’externalisation des demandes de visas ou au niveau de l’UE avec le passage du Pacte Européen sur les migrations et sa batterie de mesures répressives, l’Europe Forteresse et les discours anti-migrants prolifèrent en Europe avec le soutien des gouvernement allant de la gauche à l’extrême-droite.

Alors que les campagnes des élections européennes sont déjà le théâtre de discours réactionnaires et xénophobes, lutter ouvertement contre ces politiques est un enjeu central pour refuser la division de notre classe et batailler l’influence croissante de l’extrême-droite, en défendant l’ouverture des frontières, la liberté de circulation et d’installation.


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