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Instrumentalisation

Pris à partie le 21 juin, le maire de Toulouse appelle à lancer une offensive contre « l’extrême gauche »

À Toulouse pendant la fête de la musique, la manifestation contre la dissolution des Soulèvements de la Terre a croisé le chemin du maire macroniste Jean-Luc Moudenc. Copieusement hué, ce dernier s'est empressé d'instrumentaliser l'évènement pour appeler à prendre des mesures répressives contre l’extrême-gauche.

Arno Gutri

23 juin 2023

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Pris à partie le 21 juin, le maire de Toulouse appelle à lancer une offensive contre « l'extrême gauche »

Dorian M

Ce mercredi à Toulouse, comme dans de nombreuses villes de France, un rassemblement se tenait à l’appel de nombreuses organisations pour exiger la libération des militant·es écologistes interpelé·e·s et dénoncer la dissolution des Soulèvements de la Terre prononcée par le gouvernement plus tôt dans la journée. Une mobilisation qui se tenait en parallèle de la Fête de la musique et qui, comme dans d’autres villes, s’est prolongé dans une manifestation sauvage. A cette occasion, les manifestants ont croisé par hasard le maire de la ville. Une rencontre fortuite qui a donné lieu à des huées, visant la politique d’un maire qui s’inscrit dans la droite lignée du gouvernement et de son offensive autoritaire.

« Moudenc démission ! »

Maire macroniste, ardent défenseur du projet écocide de construction de l’A69 entre Toulouse et Castres dénoncé par les Soulèvements de la Terre et relaie de façon zélée la politique austéritaire et répressive du gouvernement, Jean-Luc Moudenc a été copieusement hué par les manifestants qui l’ont suivi derrière leur banderole. « Moudenc démission ! », « Moudenc voyou écocidaire ! », a-t-on pu entendre. Une expression de la détestation populaire d’un maire qui réprime les manifestants et les grévistes, dégrade les conditions de vie des Toulousain·es en privatisant les services publics et dénonce les «  blocages et intimidations sur les dépôts » quand les salariés de Tisséo relèvent la tête et font grève pour leurs salaires.

Le maire et ses adjoints ont pressé le pas avant que la police n’intervienne. Des élus comme Johnny Dunal affirment avoir été « exfiltrés » après avoir été attaqués par des manifestants « gantés et cagoulés » qui auraient jeté « des bouteilles de verre, des poubelles ». Un récit que ne confirme aucun témoin que nous avons contacté. Sur place, la police ne s’est en tout cas pas privée de réprimer.

Selon La Dépêche, « plusieurs personnes ont été interpellées par la police notamment pour attroupement interdit ». D’après nos sources, 5 personnes ont été interpellées dont au moins 2 mineurs, et au moins 4 interpellé·es seraient toujours en GAV à ce jour. Alors qu’ils filmaient la scène, deux journalistes de Révolution Permanente ont été photographiés par le maire lui-même avant que l’un d’entre eux soit violemment pris à partie par la police.

« Alors que je voulais continuer de couvrir cet événement, un commissaire de police me frappe le bras pour que j’arrête de filmer. Il est suivi par deux CRS, dont un qui me met un coup de matraque dans le genou. L’autre me saisit et me jette contre le mur avant de me fouiller et de me mettre un coup au niveau des parties génitales. S’en suivent des menaces : le CRS me dit que s’il me croise sans son uniforme il me frappera. Après ça, on me fait un contrôle d’identité puis finalement ils me relâchent », témoigne-t-il.

« Une meute d’ultragauche »

La réaction du maire de Toulouse ne s’est pas faite attendre. Sur Twitter, le maire hué s’est empressé de dénoncer « une meute organisée de l’ultragauche formant cortège avec les Soulèvement de la Terre », saluant « le choix du gouvernement de dissoudre ce mouvement violent et illégitime ». Comme à son habitude, il n’a pas manqué d’apporter son soutien à la police et de menacer de porter plainte.

Décrivant une scène de « violence » et « d’affrontement physique de ces groupuscules », le maire livre un récit sensationnaliste, instantanément repris dans la presse locale et nationale. Dans la continuité de la rhétorique sécuritaire du gouvernement, fustigeant « un mélange de black blocs et d’écologistes radicalisés » et un « éco-extrémisme », Moudenc nourrit un argumentaire qui vise à légitimer la répression des militant·es écolo et, plus largement, de l’extrême-gauche qui dénonce sa politique.

Dans la soirée, le maire de Toulouse, fidèle allié du gouvernement, a reçu le soutien de Darmanin. Artisan de la dissolution des Soulèvements de la Terre, ce dernier en a profité pour surenchérir dans la criminalisation de « l’ultragauche » : le ministre a dénoncé sur Twitter une « agression inacceptable ce soir par des individus de l’ultra gauche qui participaient manifestement à un rassemblement de soutien aux ’soulèvements de la terre’ », ajoutant que « la violence ne peut être acceptée en République ». Un soutien réciproque des deux politiciens ex-LR, qui n’est pas sans rappeler leur unité dans l’attaque contre le collectif Palestine Vaincra. À l’époque, Jean-Luc Moudenc avait salué la menace de dissolution du collectif pro-palestinien.

Une campagne sécuritaire contre l’extrême gauche

Mais l’offensive de Moudenc ne s’est pas arrêtée à un simple communiqué. Dès le lendemain, interrogé sur CNEWS, le maire de Toulouse a déclaré : « À Toulouse l’extrême droite n’existe pas. La violence, elle est à l’extrême gauche, à l’ultra gauche, avec parfois la complicité d’une partie de la gauche républicaine.(...) Les Soulèvements de la Terre méritaient d’être dissous. »

Le même jour, lors du conseil de Toulouse Métropole, Moudenc est revenu sur « le saccage de notre ville par l’extrême-gauche » pendant les manifestations : « Si les pouvoirs publics ne prennent pas la mesure de ce phénomène, si s’installe dans l’esprit de beaucoup nos concitoyens qu’au fond face à tout ça il y a pour l’essentiel de l’impunité, alors nous savons qui en profitera : l’extrême droite. (…) Si on veut que ça cesse, il faut prendre des mesures et des lois véritablement de nature à restaurer la pleine autorité de l’Etat, parce que beaucoup de nos concitoyens n’en peuvent plus. ». « Je dis tout ça sans parler de ce qui s’est passé hier, car j’avais prévu d’en parler de toute manière », a t-il précisé avant de revenir longuement sur cet épisode.

Ainsi, le maire qui en janvier censurait à la médiathèque les lectures des dragqueens sous pression du groupuscule Furie Française s’érige aujourd’hui en rempart de l’extrême-droite pour mieux s’attaquer à l’extrême-gauche, en appelant l’Etat à renforcer contre elle son appareil répressif et législatif. En moins de 24h, l’événement a ainsi été instrumentalisé au service d’une campagne de propagande sécuritaire dirigée contre l’extrême gauche. Une manœuvre dans laquelle le maire cherche à entraîner les élu·es de gauche, dénonçant leur « ambiguité », leur « duplicité » et leur « lâcheté » pour avoir soutenu les Soulèvements de la Terre, et les incitant à « condamner l’agression ».

Faire bloc contre l’offensive sécuritaire de Moudenc et du gouvernement

Comme les élus métropolitains du PS, de EELV et du PCF, les trois députés France Insoumise de la Haute Garonne François Piquemal, Hadrien Clouet et Anne Stambach-Terrenoir ont rapidement pris position en apportant leur soutien au maire et à ses adjoints au nom de la défense de la « République », de « l’Etat de droit » et de la « démocratie ». Des déclarations totalement acritiques de l’instrumentalisation de Moudenc, qui tendent à donner du crédit à sa manœuvre et à l’instrumentalisation crasse qu’il prépare.

Une attitude d’autant plus problématique que la France Insoumise est elle aussi la cible de procès en « extrémisme » de la part de la droite et de la macronie, et que la campagne que Moudenc appelle de ses voeux est vouée à rejaillir sur ses élu·es. En effet, après la séquence des retraites et alors que le gouvernement avance de nouvelles mesures contre les plus précaires, l’appel de Moudenc à davantage de « fermeté » contre l’extrême-gauche sert à légitimer la répression de toute voix contestataire et de toute opposition à ces futures attaques. Derrière la dissolution des Soulèvements de la Terre, c’est l’ensemble des organisations en lutte contre l’exploitation, l’oppression et la destruction du vivant qui sont menacées.

Dans ce contexte, après Palestine Vaincra puis les Soulèvements de la Terre, c’est Révolution Permanente qui est dans le viseur du maire. En effet, la Dépêche a confirmé ce mercredi une plainte de Moudenc contre notre organisation pour avoir dénoncé les conséquences des politiques de rénovation urbaine en termes de gentrification dans le quartier de la Reynerie à Toulouse. Une tentative d’intimidation hautement politique, que nous dénonçons dans un communiqué.

À rebours de toute adaptation à l’instrumentalisation de Moudenc, face à la criminalisation du mouvement social, il est fondamental que l’ensemble des organisations politiques et syndicales fassent front pour organiser la défense la plus large face à la répression et aux mesures autoritaires du gouvernement. Alors que des militants écologistes arrêtés ce mardi ainsi que des manifestants venus les soutenir ce mercredi sont toujours gardés à vue, il faut exiger la libération immédiate et sans poursuite de tous les réprimés du mouvement social. Face au gouvernement qui veut faire des Soulèvements de la Terre un exemple pour discipliner toute forme de contestation, il faut revendiquer l’arrêt de la procédure de dissolution et dénoncer les menaces qui, très vite, seront dirigées contre d’autres organisations. S’ils touchent à l’un·e d’entre nous, c’est par milliers que nous devons répondre !


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