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Mayotte

Opération « Wuambushu » : la destruction des quartiers pauvres démarre officiellement

Après de revers diplomatiques et judiciaires, l'État français a officiellement entamé ce lundi la destruction des bidonvilles en commençant avec Talus II, ciblant près de 400 personnes en une semaine et plongeant des familles entières dans la détresse.

Raji Samuthiram

27 mai 2023

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Opération « Wuambushu » : la destruction des quartiers pauvres démarre officiellement

Crédit photo : France 24

Près d’un mois après le début annoncé de l’opération militaro-policière xénophobe « Wuambushu » à Mayotte, les expulsions et les destructions des habitats ont repris, avec notamment la destruction du bidonville Talus 2 entamée ce lundi 22 mai. Des témoignages et des images montrent l’ampleur de l’opération d’une extrême violence : officiellement, ce sont pas moins 162 logements qui seront démolis à coup de pelleteuses. L’objectif de l’État serait d’en détruire 1,000 au cours des prochaines semaines.

Cette opération de traque des sans-papiers et des pauvres, appuyée par la présence de 1800 gendarmes et policiers sur place, comprend trois objectifs principaux : la destruction de 10% de l’habitat informel de l’île, l’expulsion massive des personnes sans-papiers essentiellement comoriennes, et l’arrestation des jeunes dits délinquants. Jusqu’ici, des revers diplomatiques et judiciaires avaient empêchés la poursuite des deux premiers objectifs. Mais la décision du tribunal administratif le 13 mai dernier rabattant la suspension des destruction des bidonvilles et la reprise des trajets de bateaux entre Mayotte et les Comores le 19 mai ont signé une reprise totale de l’opération, marquée par la destruction brutale du Talus 2.

La destruction de Talus 2 : une offensive contre les immigrés et les pauvres à Mayotte finalement validée par la justice

A peine lancée, l’opération avait connu un coup d’arrêt. Les Comores avaient notamment refusé d’accueillir les étrangers en situation irrégulière à Mayotte et le juge des référés du tribunal judiciaire de Mayotte saisi en urgence s’était prononcé contre l’expulsion des habitants de Talus 2. Le juge avait alors motivé sa décision en considérant que l’opération portait une atteinte irrégulière au droit de propriété des personnes habitant le bidonville, concernées par ces opérations de démolition.

Mais le samedi 13 mai, le président du tribunal administratif a rabattu son ordonnance du 27 février. Dans son jugement, le tribunal considère désormais que la préfecture de Mayotte a fourni suffisamment de preuves en matière de relogement notamment, pour rabattre l’ordonnance initiale. Ainsi, la destruction de Talus II a marqué un redémarrage brutal de l’opération, avec des scènes et des témoignages d’habitants d’une violence terrible qui ont été relayés par des journalistes sur les réseaux sociaux.

La destruction des habitats vise les Comoriens mais également de nombreux mahorais qui vivent dans ces quartiers pauvres. Comme le rapporte des journalistes présents sur place sur les réseaux sociaux, un ouvrier mahorais, habitant lui-même de Talus II, a fait un AVC lundi alors qu’il était mobilisé sur la destruction de son quartier, et donc de sa propre maison. Il avait demandé un congé pour déménager, que son employeur avait refusé. Son pronostic vital est actuellement engagé.

Une autre image publiée par le journaliste Louis Witter relaye le témoignage d’une jeune lycéenne qui devait passer une épreuve orale d’anglais du baccalauréat le matin même où son logement a été détruit et n’a donc pas pu se rendre au lycée pour passer son épreuve. Selon le journaliste, le rectorat contacté à ce sujet a répondu que la destruction de sa maison « ne l’empêchait en rien de se présenter ».

Sur les réseaux sociaux et dans la presse de nombreuses images circulent et témoigne d’une opération brutale qui délogera presque 400 personnes selon les calculs de l’Association pour la Condition Féminine & l’Aide aux Victimes des familles. Lundi certains habitants avaient entamé eux-mêmes le démantèlement de leurs habitats, avant l’arrivée par camion lundi matin de nombreux gendarmes arrivés pour évacuer les habitants et les journalistes avant les démolitions.

Les expulsions vers les Comores se poursuivent

Si la destruction du Talus 2 représente le début des opérations de destruction d’habitat informel, bloquées jusqu’ici en partie par la décision de la justice, les expulsions des sans-papiers avaient déjà repris avec des refoulements vers les Comores depuis le 17 mai. Ces expulsions on fait suite à la visite du président comorien Azali Assoumani en France début mai.

Alors que le gouvernement Comorien avait annoncé que seuls les départs « volontaires » seraient concernés, de nombreux témoins racontent plutôt des expulsions forcés. Une mère interviewée par la chaine comorienne ACMC dit avoir été séparée de ses cinq enfants. Plusieurs refoulés interviewés par Comores infos ont raconté des conditions d’enfermement abjectes : certains affirment avoir subis des violences, et avoir passé 10 à 20 jours en rétention, mal nourris et maltraités. L’État avait en effet prévu un enfermement massif des sans-papiers en amont de Wuambushu. Entre le 17 mars et le 19 avril, le préfet a pris 44 arrêtés de création des locaux de rétention administratifs temporaires.

Ainsi, les violences contre les populations des quartiers pauvres de Mayotte en particulier de jeunes Comoriens, n’ont pas attendu l’autorisation de la justice et la traque des sans-papiers et des immigrés de l’île avait déjà commencé ces dernières semaines. Depuis le début, les effectifs policiers envoyés de l’hexagone ont déjà employé des tirs à balles réelles, et un jeune de 17 ans a été atteint au mollet le 27 avril dernier.

Cette offensive xénophobe est également appuyée par les collectifs « citoyens » pro-Wuambushu qui ont bloqué des centre des soins pendant plus d’une semaine pour empêcher l’accès aux Comoriens.

Avec cette reprise officielle de Wuambushu, il y a urgence à construire une véritable mobilisation contre cette offensive xénophobe d’ampleur en commençant par la construction d’un front large de l’ensemble des organisations du mouvement ouvrier et du mouvement social pour mettre un frein à cette opération qui sert de vitrine à la politique anti-migrants du gouvernement et qui a déjà des conséquences désastreuses sur les vies des habitants de Mayotte.

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