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Xénophobie

Loi immigration : rien à attendre du Parlement, les syndicats doivent proposer un plan de bataille !

Depuis le durcissement de la loi immigration au Sénat, la stratégie visant à influer sur le contenu du texte à l’Assemblée nationale ressurgit. Si certains syndicats s’appuient sur cela pour exiger « un débat plus digne », il faut redire que le texte n’est ni amendable ni négociable et lutter pour le retrait !

Joachim Bertin

21 novembre 2023

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Loi immigration : rien à attendre du Parlement, les syndicats doivent proposer un plan de bataille !

Passé au Sénat de 27 à une centaine d’articles, le texte de la Loi Immigration est devenu sous le stylo de la droite et de l’extrême droite (et grâce au vote des macronistes) un véritable catalogue du racisme d’Etat. Fin de l’Aide Médicale d’Etat, plus de prisons administratives pour étrangers, plus de flics pour les traquer, suppression des aides au logement ou des allocations avant 5 ans de résidence en France pour les étrangers régularisés, afin de s’assurer d’en faire des habitants de troisième zone contraints à la misère et sous la menace permanente d’une suspension, renforcée dans le texte du Sénat, du titre de séjour.

« Une rupture » : un secteur de Renaissance cherche à se positionner pour l’après-Macron

Ce texte est dénoncé dans une tribune par un secteur minoritaire de Renaissance, ceux que l’on appelle de manière mal inspirée « l’aile gauche » du macronisme. Ce sont les produits politiques périmés, en majorité issus de la galaxie PS, qui se sont recyclés chez Macron en 2017. Une partie de ceux-ci, fidèles macronistes de la première heure (à l’image de Daniel Cohn-Bendit, Marysol Touraine, Philippe Aghion, Jean-Marc Borello) se sont fendus d’une lettre à l’attention des députés macronistes condamnant les modifications du texte au Sénat comme « une lourde faute politique » qu’ils appellent à corriger. Tout en appelant à une « meilleure maîtrise de l’immigration » et à une « gestion ciblée des OQTF », ce secteur propose de revenir au texte originel.

Celui-ci, à côté des profondes attaques contre les étrangers et les migrants, agitait avec son fameux « article 3 » une carotte pour faire plaisir à la gauche : un système de régularisation partielle, d’un an pour les travailleurs étrangers occupant un « métier en tension ». Régularisation caduque dès que ce métier n’est plus considéré en tension. L’objectif, « être gentil avec les gentils, méchant avec les méchants » selon les mots de Darmanin, ou pour le dire de manière intelligible avoir une main-d’œuvre exploitable et expulsable au bon vouloir du patronat et de l’Etat.

A lire : Tribune sur les travailleurs sans-papiers : EELV, le PS et le PCF cautions de gauche du tri des immigrés

Le positionnement se veut dans la continuité de la tribune sur les « travailleurs sans-papiers » impulsée par Sacha Houlié qui avait réussi à obtenir la signature du Parti Communiste, d’Europe Ecologie les Verts et du Parti Socialiste, pour défendre la loi immigration au nom de son « article 3 » - mesure qui ne fait que légitimer le tri des travailleurs sans-papiers. Mais si cette « aile gauche » du macronisme se fait entendre, c’est surtout pour se positionner comme une aile qui veut faire perdurer le macronisme des origines. Une façon de commencer à constituer un courant d’opinion alors que la course à la succession de Macron est d’ores et déjà lancée.

Rien à attendre du Parlement, il faut lutter pour le retrait !

A l’approche de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale (le 27 en commission puis le 11 décembre dans l’hémicycle), les illusions quant à la possibilité de détricoter le texte durci par le Sénat ressurgissent. Dans ce cadre, les directions syndicales ont pris des positions remettant leur confiance dans les mains des députés.

Ainsi, Force Ouvrière, dans un communiqué dénonçant le durcissement de la loi au Sénat promet d’être « vigilante sur la façon dont l’Assemblée nationale se saisira de ce texte ». Dans la même veine, la CGT espère simplement de l’Assemblée Nationale « un débat plus digne » et veut « créer les conditions d’un débat sérieux sur les modalités de régularisation ».

Au-delà du travail de terrain de mobilisation et d’organisation de travailleurs sans-papiers menés par des équipes CGT localement, la direction de la centrale ne compte ainsi poser aucune perspective de campagne ou de mobilisation face à cette loi. Il ne reste aux travailleurs étrangers qu’à se raccrocher à la « dignité » du débat d’une assemblée où siègent 88 députés Front National, 62 députés LR, autant d’ennemis des travailleurs étrangers qu’il y a de macronistes et autant de faux amis que de députés de gauche qui sont prêts à discuter sur cette loi en perpétuant le mensonge qu’elle contiendrait des avancées. C’est d’ailleurs la ligne de défense de Darmanin qui a osé affirmer que le texte adopté au Sénat contenait des « progrès sociaux », à l’image de la fin de la présence de mineurs en Centre de Rétention Administrative (ils seraient en effet déplacés dans des « Locaux de Rétention Administrative » comme le précise la Cimade)

En réalité, ce qui se joue surtout au Parlement c’est une lutte interne au macronisme entre Borne et Darmanin (ce dernier voulant apparaître comme celui capable de faire passer une loi avec des alliés, la droite et l’extrême droite, sans passer par le 49-3). Mais aussi un bras de feravec la droite, qui espère soit durcir le texte, soit se placer pour la forme en opposants au macronisme grâce une motion de censure si la version originale du texte était maintenue. Il en sortira certainement un compromis entre le texte durci du Sénat et le texte déjà très dur proposé par Darmanin et Dussopt. Digne ou pas, il n’y a, pour les travailleurs, rien à négocier, rien à attendre de cette loi indigne du début à la fin !

Les communiqués ne suffisent pas : les directions syndicales doivent opposer une riposte !

Face à une telle offensive contre les étrangers, qui est menée d’autant plus fortement que Darmanin surfe sur la criminalisation du soutien à la Palestine pour s’en prendre une nouvelle fois aux musulmans, aux habitants des quartiers populaires, aux militants de gauche et aux syndicalistes, l’ensemble des confédérations syndicales devraient organiser une vaste campagne de sensibilisation et de mobilisation, sans rien attendre du Parlement.

Il s’agit là d’un enjeu d’unité essentielle entre tous les exploités avec ou sans papiers, avec une carte d’identité ou un titre de séjour. Or, pour le moment les directions syndicales, si elles ont déclaré leur hostilité à cette nouvelle attaque contre les travailleurs étrangers sont restées dans le registre des déclarations platoniques. Il nous faut lutter contre la concurrence que nous imposent les patrons et contre le poison du racisme et la xénophobie.

Pour l’heure cependant, aucun plan de bataille sérieux n’est proposé par les directions syndicales. Or, face à ceux qui veulent mener une offensive toujours plus brutale pour diviser notre classe, il ne peut être attendu riposte sérieuse que de la part du mouvement ouvrier. C’est en ce sens notamment que cherchent à pousser plusieurs syndicats comme la CGT AHS Franche-Comté ou encore la CGT Énergie 75 qui appellent à la journée de mobilisation pour la Marche des Solidarités le 18 décembre.


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