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L’Allemagne va envoyer des militaires dans les écoles pour préparer les enfants à la guerre

La ministre de l’Education allemande veut inviter des officiers dans les écoles pour préparer les écoliers à la guerre. Exercices pour se préparer à un bombardement, campagnes de recrutement agressives pour l’armée, retour du service militaire : le militarisme allemand s’attaque à l’école et à la jeunesse.

Joël Malo

20 mars

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L'Allemagne va envoyer des militaires dans les écoles pour préparer les enfants à la guerre

En 2022, à la suite de l’entrée des troupes russes sur le sol ukrainien, le chancelier Olaf Scholz (SPD, parti socialiste) proclamait un « changement d’époque » et dégageait 100 milliards d’euros de budget exceptionnel pour la Bundeswehr, l’armée allemande. L’objectif étant de redonner à l’impérialisme allemand un bras armé équivalent à son rôle de première puissance économique en Europe. Après des années d’un consensus relativement non-interventionniste (en comparaison des impérialismes US, britanniques ou français), qui allait jusqu’au refus de livrer des armes, l’Allemagne fournit des armes de haute-technologie à l’Ukraine et envoie des frégates en Mer Rouge.

Ce changement d’époque ne s’arrête évidemment pas aux portes des écoles. Ces derniers jours, la ministre de l’Education Bettina Stark-Wattzinger (FDP, parti libéral) a souligné la responsabilité des écoles de préparer les enfants à des exercices de protection civile. « L’objectif doit être de renforcer notre capacité de résistance » a-t-elle annoncé à la presse, souhaitant que ces exercices, qui doivent préparer les enfants à l’éventualité d’une guerre, fassent partie du quotidien.

La ministre a surtout appelé les écoles à adopter une « attitude décomplexée vis-à-vis de l’armée ». « Il est important que de jeunes officiers viennent dans les écoles et racontent ce que la Bundeswehr fait pour notre sécurité » a-t-elle précisé. Des annonces qui ont été saluées par Stefan Düll, le dirigeant du Lehrerverband, une des principales organisations syndicales de l’éducation. « L’armée n’a rien à faire dans nos écoles » s’insurge en revanche Inés Heider, enseignante, dans une vidéo pour nos camarades de Klasse gegen Klasse : « Ca n’apporte ni sécurité, ni démocratie, ni liberté, ni paix » dénonce l’enseignante qui rappelle les engagements de l’armée allemande avec l’armée israélienne qui commet actuellement un génocide à Gaza.

Si la ministre de l’Education a pour l’instant affirmer que le retour du service militaire obligatoire n’était pas une priorité, le ministre de la Défense, Boris Pistorius (SPD) l’envisagerait-lui pour 2025. Ces dernières années, les écoles allemandes ont déjà été le lieu de campagnes de recrutement offensives, lors desquelles le service militaire était présenté sous la forme d’un jeu vidéo.

Depuis, le discours d’Olaf Scholz de 2022, le militarisme allemand étend son emprise sur toute la société. Les publicités pour l’armée fleurissent. Lors de ses campagnes de publicité, il arrive régulièrement que la Bundeswehr fasse repeindre les rames des trains et des tramways aux couleurs de ses uniformes.

Remilitariser toute la société, briser les obstacles sur cette voie

Devoir envoyer des officiers prêcher la mission civilisatrice et les œuvres de bienfaisance du militarisme allemand dans les salles de classe témoigne d’une faiblesse dont l’Etat a conscience. Les enseignants ne permettent pas encore de relayer cette propagande efficacement. Il s’agit là, dans la plupart des pays d’Europe, d’une différence de taille avec les sociétés d’avant-1914 dans lesquelles l’école a joué un grand rôle de préparation idéologique et de gavage nationaliste.

D’autres obstacles sont dans le viseur du gouvernement allemand. Dans certaines universités, il existe des « clauses civiles », obtenues de haute lutte par de massifs mouvements anti-guerre à la fin de la Guerre Froide. Celles-ci imposent aux universités de ne consacrer leur recherche qu’à des buts civils. Ces clauses sont donc un frein à la recherche militaire, que la ministre Stark-Wattzinger souhaite rayer d’un trait de plume.

Bien entendu, ces clauses n’ont pas empêché certaines universités allemandes de jouer des rôles de pointe dans la R&D du complexe militaro-industriel. Des recherches pour les moteurs de l’Euro Fighter sont par exemple conduites à l’Université Technique de Munich. Une partie de l’armement avec lequel des hôpitaux et des camps de réfugiés palestiniens sont bombardés ou avec lequel les réfugiés sont traqués et condamnés à mourir noyés en Méditerranée dispose évidemment du savoir-faire universitaire allemand. Mais la ministre souhaite aller plus loin et prend Israël en exemple pour la relation organique qui y a été développée entre la recherche civile et la recherche militaire.

En France, comme en Allemagne, le réarmement nationaliste est à l’œuvre. Inés Heider, enseignante rappelle ainsi que le gouvernement « dépense deux fois plus pour l’armée que pour l’éducation ». Alors que les moyens manquent massivement dans l’éducation, les gouvernements alignent les milliards de nos impôts pour embrigader les jeunes avec le SNU, des uniformes ou des ateliers de l’armée dans les classes. Mais, la génération que l’Etat veut embrigader est une génération qui a déjà fait face à la police, à la répression et qui a déjà pris la rue contre les réformes anti-sociales, contre l’extrême droite, pour lutter pour une planète viable. Une génération qui n’a aucune envie de prendre les armes pour défendre une société qui massacre un peuple sous les yeux du monde entier qui condamne à la misère et qui tue dans les quartiers populaires. « Alors oui madame la ministre » répond Inés Heider, « je crois aussi que nos élèves vont devoir faire preuve de courage, faire acte de résistance et s’engager pour changer cette société et contre la guerre ! »

Lire aussi : Le nouveau désordre mondial et les tendances à la guerre


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