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Témoignage

« J’étais à la rue la veille de la rentrée » : Ange, étudiante ivoirienne à Montpellier

Contre la surenchère xénophobe autour de la loi immigration, Le Poing Levé donne la parole aux étudiants étrangers. Voici le témoignage d'Ange, étudiante ivoirienne à Montpellier.

Le Poing Levé

8 janvier

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« J'étais à la rue la veille de la rentrée » : Ange, étudiante ivoirienne à Montpellier

Crédits photo : Wikimedia Commons

Ce témoignage a été récolté dans le cadre d’une enquête nationale sur la précarité étudiante lancée par Le Poing Levé à l’automne 2023. Avec l’actualité de la loi immigration, qui s’attaque aux étudiants étrangers déjà en première ligne du mal-logement et de la pauvreté, nous avons décidé de publier une série d’articles leur donnant la parole et mettant en lumière leur quotidien. Pour participer aussi à l’enquête et témoigner, clique sur ce lien.

Le Poing Levé : Bonjour, merci de nous accorder ton témoignage. Peux-tu commencer par te présenter et revenir sur ton parcours ainsi que les raisons de ta venue en France pour tes études ?

Bonjour, je m’appelle Ange et je suis Ivoirienne. Je suis en Master 1 de Sciences de l’Éducation à Montpellier. Après avoir obtenu un Master en sociologie, je suis venue en France pour acquérir de nouvelles compétences et rentrer dans le monde du travail en explorant de nouvelles opportunités.

Comment perçois-tu l’adoption de la loi immigration ? Est-ce que tu es inquiète pour l’avenir ?

Pour moi, le message est clair. Avec la loi immigration, on comprend que le problème en France, ce sont les étrangers. Ils cherchent à limiter l’immigration, et même à éviter le plus possible l’immigration. Nous avons déjà des conditions d’études difficiles, qui nous dépassent. Mais après cette loi cela va être de pire en pire. Nous donnons déjà énormément d’argent avec les taxes, les cotisations, les frais d’inscriptions, et on continue de nous en rajouter avec le versement d’une caution pour obtenir un titre de séjour étudiant. On a quitté notre pays pour avoir des bonnes conditions d’études, mais c’est tout le contraire.

Nous sommes tout le temps sous pression, déjà avec nos papiers et le titre de séjour pour le renouveler. On se demande ce qu’on doit faire face à cette loi, on est sans défense, alors qu’on se demande déjà si on est en train de vivre ou de survivre. Pour notre avenir, on a besoin d’un réel changement des politiques vis-à-vis des étudiants étrangers, mais plus généralement des étrangers.

Tu insistes sur les conditions d’études déjà très difficiles pour les étudiants étrangers. Comment se sont déroulées tes études ? Est-ce que tu arrives à suivre tes cours ?

Cette année a été la plus difficile pour moi. En juillet dernier, je venais de finir mon master et je postulais dans un nouveau master. J’étais à ce moment-là dans une résidence universitaire du Crous. Lors des renouvellements d’hébergement pour la nouvelle année scolaire, j’ai expliqué au Crous que j’attendais une réponse pour une admission pour un nouveau master. Je n’ai jamais eu de réponse de la part du Crous. Quand j’ai obtenu mon attestation d’admission en master je les ai de nouveau contactés. Ils m’ont alors demandé un certificat de scolarité. Je leur ai expliqué que pour le moment, je ne pouvais pas avoir de certificat de scolarité, car les inscriptions n’étaient pas encore ouvertes, mais que j’avais une lettre d’admission. Je n’ai eu aucune réponse. Le Crous me renvoyait seulement des mails de rappels pour me dire qu’il fallait que je quitte le logement bientôt.

Je leur ai envoyé plusieurs mails pour leur demander de me trouver un logement si je devais quitter le logement, dans une autre résidence universitaire. J’étais en larmes devant le personnel du Crous, qui me disait ne plus savoir quoi faire, que ça n’était plus de leur ressort en me rappelant que la sortie des lieux était le 31 août et en me conseillant simplement d’aller voir une assistante sociale. Je me suis alors retrouvée dans la rue avec toutes mes affaires la veille de la rentrée scolaire.

J’ai commencé l’année avec un stress énorme. C’était très dur psychologiquement, physiquement, économiquement, j’allais en cours, mais je n’avais pas la tête à les suivre correctement. Je devais trouver un nouveau logement, réfléchir à comment j’allais me nourrir, continuer de travailler. Je ne sais pas comment j’ai réussi à tenir face à la situation. Surtout que pour les étudiants étrangers, c’est d’autant plus dur, car on ne nous laisse pas le choix. On a beaucoup de pression sur nos épaules pour être de « bons étudiants » et réussir.

As-tu retrouvé un logement depuis ?

Pendant plusieurs mois, j’ai eu la chance que des amis puissent m’héberger. Mais il a fallu que je retrouve un nouveau logement. J’ai dû me tourner vers le parc privé, là où les loyers sont exorbitants. J’ai mis plusieurs mois à trouver un logement et j’ai subi beaucoup de discriminations du fait que je n’étais pas française.

J’ai finalement trouvé un logement, mais les galères ne se sont pas arrêtées là. Mon appartement est très énergivore et mal isolé. Il fait très froid, alors je suis en pull tout l’hiver à l’intérieur et je dors avec deux couettes. Mais ce n’est pas tout puisque l’immeuble est infesté de cafards. Et tout ça, pour un loyer bien plus élevé que celui du Crous.

À côté de mes études, je suis obligée de travailler. Mais quand nous sommes étudiants étrangers, nous avons seulement accès à des jobs étudiants très précaires. Je gagne seulement de quoi payer mon loyer et il y a tout le reste à payer encore après. En ce qui concerne la nourriture, on doit se tourner vers les banques alimentaires comme la plupart des étudiants aujourd’hui. Elles ne suffiront pas à régler tous les problèmes.


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