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Moyen-Orient

Escalade : Israël bombarde le Liban et fait au moins 10 morts

Ce mercredi, des frappes aériennes israéliennes sur le sud du Liban ont fait au moins dix morts, dont huit civils. Une nouvelle offensive qui fait peser le risque d’une intensification de la guerre entre Tsahal et le Hezbollah et d’un accroissement des tensions régionales alors que la situation à Rafah s’empire de jour en jour.

Irène Karalis

15 février

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Escalade : Israël bombarde le Liban et fait au moins 10 morts

Crédits photo : War Monitor sur X

Mercredi matin, un soldat israélien a été tué et huit autres ont été blessés suite à un tir de roquette du Hezbollah contre une base à Safad. Israël a répondu en lançant une série d’attaques contre des villages du Sud-Liban, notamment Iqlim al-Tuffah, Aadchit, Jibchit et Labbouneh. Deux frappes aériennes ont ainsi été menées mercredi et jeudi, faisant au moins dix morts dont huit civils. Ces frappes constituent un nouveau saut dans l’agression israélienne contre le Liban et son affrontement avec le Hezbollah.

Alors que les forces israéliennes multiplient les bombardements au Liban depuis plusieurs mois bien au-delà de la région frontalière qu’elles ont déjà ravagée, brûlant 500 hectares de terre au phosphore blanc, et élèvent chaque semaine le niveau d’intensité des affrontement - depuis fin décembre, près d’une dizaine d’attentats ciblés ont frappé des dirigeants du Hezbollah et du Hamas- les frappes de mercredi et jeudi poursuivent cette dynamique d’escalade. Une escalade dont les conséquences possibles ont poussé les hauts responsables des puissances impérialistes à faire quelques déclarations publiques hypocrites, Washington appelant les deux pays à privilégier la « voie diplomatique », et Stéphane Séjourné, ministre français des Affaires Étrangères, qualifiant la situation de « sérieuse », avant d’ajouter : « La France s’implique dans la résolution du conflit et surtout pour éviter l’escalade et une nouvelle guerre au Liban ». Une fois cela dit, le soutien inconditionnel des impérialistes aux frappes israéliennes contre les pays voisins et au génocide en cours dans la Bande de Gaza pouvait se poursuivre comme à l’accoutumée.

De son côté, le chef d’état-major israélien, Herzi Halevi, a affirmé mercredi que « la prochaine campagne sera une offensive très forte » pendant que Hachem Safieddine, haut responsable du Hezbollah, a rétorqué que « cette agression [...] ne restera pas sans réponse ». Des déclarations habituelles depuis plusieurs semaines, mais la multiplication des bombardements et leur intensification pourraient précipiter la situation. Cette nouvelle offensive promet en effet une aggravation des conditions de vie de la population du Sud-Liban, déjà très affectée par la guerre. Depuis le 7 octobre, Israël bombarde régulièrement le sud du Liban, lance des attaques aériennes et d’artillerie sur une grande partie de la frontière, dont la démilitarisation par le Hezbollah fait l’objet de tractations et d’affrontement depuis l’évacuation du Sud-Liban par Tsahal en 2006.

Au moins 248 personnes, dont 33 civils, ont été tuées dans le sud du Liban depuis le début de la guerre, selon un décompte de l’AFP. Originaire de la ville de Khiam, un habitant de la zone témoigne auprès d’Al-Jazeera : « Certains jours, les bombardements sont trop forts et je ne peux pas rentrer chez moi ». Renwa, habitante du Sud-Liban, raconte la vie sous les bombardements auprès de Franceinfo : « Soudain, la terre a tremblé. Puis il y a eu l’explosion et les flammes, J’étais désorientée, j’ai senti l’odeur de la poudre. Je n’ai pas de mots, il faut que ça s’arrête, on n’en peut plus. »

Pour Nadim Houry, ancien chef du bureau de Beyrouth de Human Rights Watch, interviewé par Al-Jazeera, le but d’Israël serait de vider le Sud-Liban et d’en faire une zone inhabitable pour les civils. Des méthodes déjà utilisées lors de la guerre de 2006, pendant laquelle Israël « a procédé à un bombardement généralisé du Sud-Liban [...] sans faire de distinction entre les objectifs militaires et les civils » selon le rapport de Human Rights Watch de septembre 2007 intitulé « Why They Died : Civilian Casualties in Lebanon during the 2006 War ». Pour Nadim Houry, auteur de ce rapport, certains schémas apparus au cours du conflit de 2006 se répètent aujourd’hui.

Cette stratégie porte ses fruits, puisque le Sud-Liban devient invivable. « Sur le plan économique, rien ne va plus, même dans les zones où il n’y a pas de bombardements », explique Ramiz Dallah, journaliste indépendant, auprès d’Al Jazeera. La saison actuelle des olives a été ravagée par la guerre et beaucoup d’agriculteurs ont complètement cessé leurs activités et envisagent d’émigrer. Par ailleurs, Israël a utilisé des munitions au phosphore blanc dans le Sud-Liban, ce qui constitue une violation du droit humanitaire international, selon Amnesty International, car ces munitions peuvent provoquer « des lésions respiratoires, des défaillances d’organes et d’autres blessures horribles qui changent la vie, notamment des brûlures extrêmement difficiles à traiter et qui ne peuvent pas être éradiquées avec de l’eau ». Le phosphore endommage également les cultures et détruit les arbres.

Lire aussi : Le Liban : l’autre victime de la guerre coloniale israélienne

Cette offensive israélienne, la plus importante hors Gaza, promet par ailleurs d’accentuer les contradictions au sein du Hezbollah. Si la direction du Hezbollah n’a jamais voulu entrer en guerre contre Israël, elle doit maintenir un équilibre délicat entre le soutien symbolique que l’organisation apporte au Hamas pour satisfaire les aspirations pro-palestiniennes de sa base populaire et les impératifs stratégiques iraniens qui le contraignent à la retenue. Alors que les multiples assassinats ciblés contre des cadres du parti ont inquiété la direction du Hezbollah, laissant croire à la présence d’espions dans les rangs de l’organisation, les nouvelles frappes menées par Israël risquent d’approfondir les tensions.

Et cela d’autant plus qu’en parallèle, l’interventionnisme américain se fait croissant notamment au Yémen tandis que la situation à Rafah est chaque jour plus critique. Netanyahou, qui a poussé plus d’un million de Gazaouis à se réfugier à Rafah, à la frontière avec l’Egypte, leur pose de fait un ultimatum simple : mourir de faim, de soif, de maladie ou sous les bombes à Rafah, ou bien le déplacement forcé dans le Sinaï égyptien. La guerre lancée par Tsahal contre les Palestiniens voit chaque jour un nouveau front s’ouvrir et de nouveaux risques d’escalade apparaître. Comme toujours, ici encore, ce sont les populations libanaises qui en font les frais, alors que le génocide à Gaza a déjà fait plus de 28 000 morts. Depuis les pays impérialistes, il est urgent de s’opposer à toute escalade meurtrière au Moyen-Orient, de lutter contre les interventions des armées impérialistes et de construire un vaste mouvement de solidarité contre la politique coloniale et meurtrière d’Israël.


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