Vendredi 4 septembre, la Police Fédérale Argentine a fait irruption dans les locaux de la chaine de télévision alternative ANTENA NEGRA TV, situés en plein de cœur de Buenos Aires, afin d’en saisir les appareils de transmission tels que l’antenne, l’émetteur et la console vidéo, élément indispensable à la vie de la chaine.
Une pratique dont la dernière démonstration remonte aux années 90 et au libéralisme féroce du président Carlos Menem. Une intervention d’autant plus surprenante qu’une loi sur les médias, présentée comme « progressiste » par le gouvernement a été votée en 2009, en remplacement de la dernière qui datait de la dictature militaire (1976-1983). Cette loi réserve dans ses textes 33 % du spectre radiophonique à des médias à but non lucratif. Mais faute de plan technique adéquat pour penser la nouvelle répartition des licences et des ondes, mais aussi du et à cause du manque de volonté politique, elle n’a guère changé le panorama quotidien de ceux et celles qui créent et défendent une autre communication.
Créée en 2009, ANTENA NEGRA TV, membre du RNMA (Réseau National des Médias Alternatifs), avait franchi le 24 mars dernier le pas de la Télévision Digital Abierta (libre), plus connue sous le nom de TDA, dans l’attente du lancement du concours ouvert afin d’obtenir une licence. Une petite révolution pour un média alternatif et un véritable défi technologique et militant, cette technologie difficile d’accès étant pour l’instant réservée aux groupes de presse aux moyens colossaux. Mais à force de recherche et de développement, le premier émetteur digital issu de collectifs de technologie populaire comme DTL (Argentine) ou Sarava (Brésil) avait pu voir le jour.
À peine l’inauguration consommée, PROSEGUR (agence privée de sécurité, proche de la police) et la Police fédérale avaient fait irruption dans les locaux du fait d’interférences sur les signaux d’alarme des banques voisines et avaient alors proféré les premières menaces.
ANTENA NEGRA TV occupait le canal 20 de la TDA tout comme PROSEGUR, qui occupe cet espace grâce à la police fédérale qui le lui loue. Or cette fréquence est réservée par décret à la télévision, tout autre usage, comme par exemple les alarmes de PROSEGUR, étant alors proscrit. C’est le début d’une bataille entre David et Goliath, entre le géant privé main dans la main avec la police fédérale et une chaine de télévision alternative.
Ce vendredi 4 septembre, l’équivalent des CRS et de nombreux policiers encerclent les locaux de la chaine, empêchant l’accès au studio et allant même jusqu’à refuser la médiation du fonctionnaire de l’AFSCA (autorité en charge de faire appliquer la loi sur les médias) et du représentant de la défense des droits publics.
En pleine période d’élections et dans un contexte politique tendu, cet épisode constitue une réelle attaque aux médias alternatifs et populaires que des centaines de militants construisent chaque jour du nord au sud de l’Argentine, mais aussi dans le monde entier. L’heure est aujourd’hui à l’organisation et à la résistance afin de dénoncer les manœuvres de PROSEGUR et de la Police Fédérale, mais aussi de donner une réelle visibilité à ceux qui pensent et construisent une information différente et donnent la parole à ceux que l’on veut faire taire. Dans ce sens, une mobilisation est organisée vendredi 11 septembre pour réclamer le retour des équipements techniques.
