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Mensonge d'État

Après des mois de mensonges et de mépris, des militaires décorés pour avoir laissé mourir 27 réfugiés

Le Monde a révélé ce mardi qu’une « enquête interne » censée faire la lumière sur le décès de 27 migrants dans la Manche en 2021, pourtant annoncée par le secrétaire d’État à la mer, n’a jamais existé. Pire : plusieurs militaires présents lors du drame et qui n’avaient pas agi, ont reçu diverses félicitations, promotions et décorations.

Arsène Justo

13 juin 2023

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Après des mois de mensonges et de mépris, des militaires décorés pour avoir laissé mourir 27 réfugiés

Crédits photo : O Phil des Contrastes

Après un article du Monde paru le 21 novembre 2022, qui dénonçait l’attitude des garde-côtes français lors du naufrage d’une embarcation qui avait provoqué le décès de 27 réfugiés aux larges des côtes françaises, le secrétaire d’État Hervé Bréville avait été tenu de s’expliquer devant l’Assemblée nationale. Il avait alors affirmé qu’une enquête interne était en cours pour faire toute la lumière sur la responsabilité des gardes-côtes français. À l’occasion d’un nouvel article paru ce mardi 13 juin 2023, le Monde a révélé que cette enquête n’a jamais eu lieu. L’article affirme également que plusieurs militaires impliqués ont reçu des décorations et des promotions, sans explication. Ont-ils été récompensés pour avoir laissé mourir 27 personnes dans la Manche ?

Une affaire qui débute par le décès de 27 réfugiés, kurdes irakiens pour la plupart, la nuit du 23 au 24 novembre 2021 alors qu’ils tentaient de gagner les côtes britanniques. Dans ce qui est l’un des pires drames de la sorte survenu dans la Manche, on compte une enfant parmi les victimes. Seules deux personnes ont survécu sur les 29 parties la veille sur un bateau gonflable. Le 21 novembre, le Monde révèle que les secours français ont laissé les réfugiés se noyer malgré le fait que ces derniers les aient appelés à de très nombreuses reprises. Ils avaient en effet pris la décision d’attendre que les migrants passent dans les eaux anglaises afin de ne plus être juridiquement responsables de leur mort, plutôt que d’envoyer le moindre moyen de sauvetage.

Quelques mois plus tard ce mardi, le Monde a révélé de nouveaux éléments : alors que le secrétaire d’État à la mer avait été convoqué à l’assemblée nationale afin de s’expliquer sur la responsabilité des autorités dans le drame, il avait affirmé qu’une enquête interne était en cours. Pourtant, quand les gendarmes qui enquêtent sur l’affaire et quand les journalistes du Monde ont cherché à en savoir plus, les autorités se sont systématiquement renvoyées la balle et ont refusé de donner la moindre information. Les opérateurs présents sur place lors du drame ont quant à eux affirmé n’avoir jamais été interrogés dans le cadre de la moindre « enquête interne ». Finalement le cabinet du secrétaire d’État a fini par affirmer que l’enquête évoquée par le ministre datait du drame et non de l’article du Monde paru une année après. Une explication grotesque puisque le ministre aurait dans ce cas pu utiliser les conclusions de cette enquête dès son audition.

Surtout, le seul document à avoir été rédigé juste après le drame et qui serait assimilable à une enquête est un rapport de Marc Bonnafous, directeur du Cross Gris-nez (responsable du sauvetage dans le nord de la France), c’est-à-dire l’autorité accusée de ne pas avoir envoyé de secours. Une « enquête » menée par celui sur laquelle elle prétend enquêter lui-même et qui l’a donc totalement disculpé.

Cependant, le scandale ne s’arrête pas là : en plus de cette volonté manifeste de ne surtout pas enquêter sur le drame, l’État a multiplié les déclarations de « plein soutien » à l’égard des sauveteurs impliqués. Ainsi, une semaine seulement après les premières révélations du Monde et la convocation du ministre à l’assemblée, la préfecture maritime a remis « un témoignage de satisfaction collectif » à l’équipage du Flamant, le bateau des sauveteurs français qui n’était pas venu en aide aux réfugiés malgré leurs appels à l’aide. En mars 2023, le tristement célèbre Didier Lallemand, désormais « secrétaire général à la mer » a affirmé sur Twitter son « plein soutien » à l’égard des secouristes du Cross. Le préfet maritime de la Manche et de la Mer du Nord a quant à lui remis une lettre de félicitations à ses subordonnés pour la journée du 24 novembre 2021, journée lors de laquelle les 27 corps ont été repêchés. Une décision d’un cynisme cruel qui récompense ceux qui n’ont pas agit.

Les opérateurs du Cross eux-même sont bien en peine d’expliquer cette accumulation de décorations et d’honneurs. L’article du Monde rapporte ainsi le cas de l’officier de permanence la nuit du naufrage, Frédéric J., qui s’est vu offrir une promotion au grade de Capitaine de corvette. Interrogé sur cette montée en grade, il a répondu « je ne sais pas du tout pour quelles raisons elle est intervenue ». Quant au directeur du Cross Marc Bonnafous, il a reçu la médaille d’or de la défense nationale. Son adjoint a été fait chevalier de l’ordre national du mérite et a été promu au grade d’administrateur en chef de première classe des affaires maritimes.

En récompensant les responsables de ces 27 morts, les autorités affichent leur mépris pour les victimes. De fait, que ce soit avec ses politiques visant à rendre le Port de Calais et l’Eurotunnel inaccessibles pour les sans-papiers ou avec l’offensive anti-immigrée qu’est la loi immigration, c’est l’État lui-même qui organise la mort de centaines de réfugiés aux frontières.
Face à cela il est urgent de revendiquer l’ouverture des frontières et l’accueil inconditionnel des personnes migrantes.


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