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Islamophobie

Abayas à l’école : Ndiaye et les médias main dans la main pour une nouvelle polémique islamophobe

Alors que le gouvernement brandit la xénophobie et le racisme pour reprendre la main dans un contexte de crise politique, les médias dominants alimentent une polémique islamophobe sur les abayas à l’école.

Raji Samuthiram

19 juin 2023

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Abayas à l'école : Ndiaye et les médias main dans la main pour une nouvelle polémique islamophobe

Au lendemain d’une réunion des recteurs avec le ministre de l’Education, le Parisien affichait le 7 juin dernier en une de journal la dernière cible de l’islamophobie d’État : les abayas à l’école. Un sujet qui revient désormais régulièrement sur les plateaux télés. Alors que la répression des travailleurs de l’éducation nationale et des élèves musulmans se poursuit, la machine médiatique continue son emballement sur la dernière offensive d’un État qui tente de reprendre la main en redoublant les offensives racistes et xénophobes.

Abayas : Le Parisien & Ndiaye relance une polémique islamophobe

Dans sa double page consacrée à la « robe qui défie l’école républicaine », ainsi que dans un édito du directeur des rédactions Nicolas Charbonneau, le Parisien, enchaine les pire stéréotypes islamophobes au sujet des abayas, vêtement traditionnel devenu la cible du ministre de l’éducation nationale Pape Ndiaye depuis le début de l’année scolaire. Selon le journal, si l’abaya n’est pas un vêtement religieux « à l’origine », il serait devenu un « cheval de Troie de l’entrisme islamique » ou encore « encouragé par les salafistes ».

Une publication réalisée au lendemain de la convocation par Pap Ndiaye des recteurs pour une réunion où ce dernier a appelé à plus de « fermeté » dans l’application de son « plan laïcité » qui réprime encore plus les élèves musulmans. Ces derniers mois, cet enjeu est au cœur des mesures du ministre. Dans une circulaire datant de novembre 2022, Ndiaye appelait déjà à « sanctionner systématiquement (...) le comportement des élèves portant atteinte à la laïcité » et visait particulièrement les vêtements amples, telles que les abayas et les qamis. Des directives qui sont très vite devenu prétexte pour policer systématiquement les tenues des lycéennes musulmanes, comme des élèves et des surveillants l’avaient signalés dans plusieurs établissements tels que le lycée Victor Hugo à Marseille.

De quoi lancer le top départ d’une campagne politico-médiatique : le même jour que la une du Parisien, de nombreux médias en passant par Valeurs Actuelles ou L’Express alertent à la multiplication des “atteintes à la laïcité”, dont ce fameux vêtement serait la dernière incarnation. Sur BFM, la présidente de l’Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet juge « inacceptable » l’image de la tenue dans le journal (la femme dans la photo porte également un hijab, élément ne faisant pas partie de l’abaya et interdit dans les établissements scolaires depuis 2004). Suite au communiqué du Conseil français du culte musulman affirmant que l’abaya n’est pas un signe religieux, Charlotte d’Ornellas de Valeurs Actuelles s’empare de la question sur la chaîne d’extrême-droite CNEWS, tandis que le sujet est abordé sur de nombreuses chaînes.

Le 16 juin, Ndiaye, toujours sur BFM, affirme le besoin de « vigilance » et de « fermeté » face aux soi-disant atteintes à la laïcité. Et encore ce 19 juin, au micro de France Inter, l’humoriste Sophia Aram instrumentalise les révoltes historiques en Iran pour dénigrer celles qui portent des abayas et minimiser l’islamophobie.

À gauche, plusieurs membres de La France Insoumise, à l’image de Jean-Luc Mélenchon et Manuel Bompard, ont dénoncé l’acharnement à l’encontre des élèves musulmanes. Des positionnements qui ont vite suscité des critiques islamophobes dans des médias dominants tels que BFM ou encore le Figaro, qui agite le spectre d’un « glissement communautariste » du parti sur le sujet des abayas.

Une offensive politico-médiatique qui s’en prend une nouvelle fois aux musulmans, et particulièrement aux femmes musulmanes, alors que les offensives racistes, xénophobes, et anti-sociales se multiplient au niveau de l’État, notamment à travers le projet de loi immigration, l’opération Wuambushu à Mayotte mais aussi l’attaque contre les allocataires du RSA.

Malgré la répression, les élèves et les AED dénoncent l’islamophobie d’État

Les stigmatisations islamophobes découlant de la circulaire Ndiaye s’inscrivent dans une offensive gouvernementale plus large dans l’Éducation nationale, augmentant le contrôle des élèves et du personnel de l’éducation.

Une offensive sécuritaire de la part d’un gouvernement qui tente actuellement d’agiter l’immigration, « l’insécurité » et la laïcité pour trouver une voie de sortie de crise politique suite à la bataille des retraites, en tendant la main aux Républicains.

Dans les faits, l’offensive à l’école se traduit par un flicage toujours plus intense des élèves musulmanes. Les élèves et les personnels dans les lycées dénoncent cette situation ces dernières semaines, à l’image des élèves du lycée Thiers à Marseille qui se sont présentées en robe longue en début mai pour dénoncer la stigmatisation arbitraire et raciste des tenues, visant particulièrement les élèves musulmanes. Également à Marseille, des AED de plusieurs établissements se sont mobilisés. Dans un communiqué de fin juin, le collectif AED13 dénonçait la « vigilance accrue » demandée par les directions sur les tenues des élèves qui visait particulièrement les jeunes filles portant le voile et des vêtements amples. « Certain.e.s personnels de l’Education nationale expriment librement leur aversion envers la communauté musulmane » déclaraient-ils.

En plus de la contre-offensive médiatique, ces dénonciations ont été réprimés par les directions dans les écoles et même la police. Cela a particulièrement été le cas au lycée Victor Hugo, où les AED dénonçaient également la répression syndicale de la direction. Récemment, celle-ci a licenciée Emmanuel Roux, AED et secrétaire de l’UL CGT centre-ville qui avait participé aux dénonciations. Lors d’un rassemblement de soutien le 1er mai, celui-ci a été interpellé et placé en garde-à-vue par les forces de répression. Deux autres AED ont été interpellés par la police le lendemain et mis en garde-à-vue.

De leur côté, le recteur et le proviseur ont déposés des plaintes, et Ndiaye, interrogé par le Parisien, a promis des sanctions futures. Une répression qui envoie un message clair contre les militants syndicaux et anti-racistes, notamment dans l’Éducation nationale, alors que l’islamophobie au nom de la laïcité continue de se répandre dans les établissements scolaires, à l’image du fichage des élèves musulmans lors de l’Aïd et des accusations de faits « extrêmement graves » à l’encontre d’élèves de primaire pour avoir fait la prière pendant l’heure du déjeuner.

Alors que le gouvernement Macron joue la surenchère raciste avec l’extrême droite, notamment autour de son projet de loi immigration, cet emballement médiatique fait des abayas une énième polémique derrière laquelle se cache un gouvernement en crise. Face aux offensives racistes et anti-sociales du gouvernement, allant de la circulaire Ndiaye à l’opération Wuambushu à Mayotte, le mouvement ouvrier doit se mobiliser, aux côtés des secteurs anti-racistes et de la jeunesse, pour s’opposer à ces mesures islamophobes, et dessiner une contre-offensive face à l’ensemble des attaques du gouvernement après la bataille des retraites.


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