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Entretien

A Science po Toulouse, « on veut apporter notre soutien aux grévistes et radicaliser le mouvement »

Les étudiants de Science po Toulouse occupent leur école depuis le 7 mars contre la réforme des retraites. Julien, étudiant en Master Action publique revient pour Révolution Permanente sur les raisons de la colère au sein de l'IEP toulousain.

Le Poing Levé Mirail

7 avril 2023

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A Science po Toulouse, « on veut apporter notre soutien aux grévistes et radicaliser le mouvement »

Crédits photo : Révolution Permanente

Révolution Permanente : Peux-tu raconter comment se passe la mobilisation à Sciences Po ?

La mobilisation a commencé le 7 mars, le lendemain de la rentrée des vacances d’hiver. L’idée c’était de lancer le mouvement et discuter de l’occupation. En arrivant pour bloquer Sciences Po, il y a eu une offensive du directeur d’UT1, avec qui Sciences Po partage le bâtiment, qui a ordonné au vigile de fermer les portes face à notre groupe qui était à ce moment-là constitué d’une cinquantaine d’étudiants. Résultat, tout le bâtiment s’est trouvé bloqué. Les négociations se sont durcies et ils nous ont laissé occuper un amphi. Puis rapidement, des ateliers quotidiens réunissant entre 50 et 100 personnes se sont mis en place à l’initiative des étudiants eux-mêmes. On a lancé un mouvement d’occupation très dense, avec des petits déjeuners et des AG tous les jours.

Dès la semaine du 7 mars, le mouvement a réussi à se massifier. Ça a été un embrayage avec le 8 mars, le 9 qui était une journée de la jeunesse et le 10 avec une manifestation pour le climat. Ces dates ont permis de densifier le mouvement de manière décisive.

Le 13 mars, on était 250 en AG, ce qui est vraiment énorme sur environ 600 étudiants actuellement sur place (car d’autres promos sont à l’étranger ou en stage). On voyait qu’un mouvement était en train de prendre. On a mis en place une articulation entre l’occupation pour bloquer les cours, l’affichage de notre mécontentement, la proposition de cours alternatifs, la participation aux manifestations et la réflexion sur les conditions d’études à Sciences Po.

Révolution Permanente : Par rapport à Sciences Po, est-ce qu’il y a des revendications spécifiques qui ont émergé ?

Effectivement la lutte s’est aussi déplacée en interne. L’AG a proposé l’invasion du conseil d’administration le 10 mars. Dix personnes ont été désignées pour interrompre le CA avec le soutien de 60 personnes dans la cour pour exprimer nos revendications. C’était un véritable coup de force. Les revendications portaient sur la formation des agents de la commission disciplinaire aux violences sexistes et sexuelles et la création d’un poste spécifique pour la gestion des VSS, Sciences Po Toulouse étant à l’origine du mouvement #SciencesPorcs lancé en 2021. Ont également émergé des revendications sur la précarité étudiante, avec la mise en place de politiques spécifiques à l’égard des étudiants salariés.

Le 15 mars, l’AG a également voté d’obliger la direction à signer deux motions. La première motion positionnant Sciences Po Toulouse contre la réforme des retraites. La deuxième motion concernait les conditions de travail du personnel. En effet, des membres du personnel sont intervenus dans nos AG pour témoigner de leur souffrance au travail, de faits de validisme et de sexisme. Ça a été un événement moteur pour construire un lien et une jonction nécessaire entre les étudiants et le personnel.

Révolution Permanente : Avec le 49.3, la mobilisation a changé de ton, et les jeunes sont massivement rentrés dans le mouvement. Comment cela s’est ressenti dans ton école ?

Le 49.3 a créé une radicalité politique. Des gens qui se reconnaissaient dans le réformisme se sont mis à reprendre la formule d’Olivier Mateu : « Après le 49.3 il n’y a plus de règles ». Des gens qui ne comptaient pas venir en manif ont commencé à se rajouter dans les cortèges jeunes. Il y avait une attente dans l’Assemblée nationale, le 49.3 a été un éclaircissement politique sur les institutions.

Il y avait beaucoup de « primo-manifestants », de 1ère et 2ème années au rassemblement sauvage du Capitole le lendemain du 49.3, qui a été réprimé à coups de matraque et de lacrymo. Cela a été un tournant dans leur vie politique, car ils ont vécu la répression dans leur chair. On en a tiré la conclusion qu’il faudrait aller vers des actions plus radicales et tournées vers l’extérieur, que ce mouvement ne se limitait plus seulement à l’occupation mais devait passer par une contestation physique dans l’espace public.

On a aussi suivi l’opposition aux réquisitions dans la raffinerie du Havre avec la venue des soutiens que ce soit des intellectuels, grévistes ou étudiants. On a décidé que si cela arrivait à Toulouse on serait un soutien pour les travailleurs sur leurs piquets,comme nous l’avons fait ensuite avec le blocage des éboueurs.

Révolution Permanente : l’intersyndicale a appelé à un moment de « pause » de la mobilisation et est même allée jusqu’à négocier avec Borne à Matignon mercredi. Comment vois-tu la suite du mouvement ?

L’intersyndicale fixe les dates des journées de mobilisation et ce sont les moments du mouvement où on massifie notre mouvement. On n’est pas en rupture avec cette stratégie. Ils sont dans une position incontestée qu’on respecte. Mais en même temps il y a une volonté de dépassement. Par exemple, on envoie une délégation à la Coordination nationale étudiante (CNE) pour imposer notre calendrier et préparer des actions en lien avec le mouvement étudiant national.

Dans les manifestations, les étudiants de Sciences Po ne rentrent pas avec l’intersyndicale, ils restent plus longtemps dans la rue. La mobilisation de la jeunesse a gagné une forme de radicalité qui n’était pas prévisible au début du mouvement et c’est Macron qui en a été le catalyseur. Le 49.3 a recréé un ennemi qui était beaucoup plus grand que ce qui était visé au début.

Il y aussi eu une prise de conscience de l’importance du lien entre les étudiants et les travailleurs, inspirée de mai 68. Cela s’est fait via l’AG inter-fac de Toulouse avec la proposition d’une action sur le piquet des éboueurs. Dès le lendemain, plus de 100 étudiants sont partis à 4h30 du matin pour répondre à cet appel. Le souhait des étudiants c’est la construction d’une grève générale, d’un rapport de force pour mettre l’économie à genoux et le gouvernement dans une position défensive.

La jeunesse est une étape où on a moins les contraintes d’une vie organisée : on peut avoir une radicalité plus forte. Donc il y a un double rôle de la jeunesse : apporter du soutien aux grévistes et une radicalité dans le mouvement. Si on a réussi à être une force de soutien, on n’a pas encore pu augmenter le niveau de radicalité. L’intersyndicale garde une position très forte sur la direction du mouvement. L’enjeu c’est donc d’augmenter le niveau de la radicalité et montrer le caractère nécessaire et indépassable de la grève générale.

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