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« Pas une de moins »

500 000 personnes dans la rue ! Face à l’extrême droite le mouvement féministe italien relève la tête

Les mobilisations suite au féminicide de Giulia Cecchetin ont montré la voie de la lutte contre les politiques réactionnaires du gouvernement Meloni, là où la gauche institutionnelle a échoué.

Tommaso Luzzi

28 novembre 2023

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500 000 personnes dans la rue ! Face à l'extrême droite le mouvement féministe italien relève la tête

Depuis l’élection de Giorgia Meloni à la tête du gouvernement, l’Italie n’a pas connu des mobilisations de cette ampleur. Le samedi 25 novembre, journée internationale de lutte contre le violences sexistes et sexuelles, 500 000 personnes ont manifesté dans les rues de Rome suite au féminicide de Giulia Cecchetin, une jeune femme de 22 ans tuée par son petit-ami. Suite à son meurtre, sa sœur Elena, a expliqué que les personnes comme l’homme accusé d’avoir tué Giulia “sont des enfants sains du patriarcat, de la culture du viol.” En faisant cela, Cecchetin a sorti ce cas des bulletins de faits divers et l’a inscrit pleinement dans le débat politique en Italie. La jeunesse italienne s’est rapidement saisie du sujet, en occupant de nombreux lycées et en remplaçant les minutes de silences habituelles par “des minutes de bruits”, montrant que ce n’est pas que le deuil qui règne, mais aussi la colère contre le patriarcat qui a causé 107 féminicides en Italie cette année.

La Première Ministre Meloni, qui cherche à se détacher de ses origines post-fascistes a rapidement cherché sa voie habituelle de l’opportunisme, en expliquant que “les lois existent, les institutions existent pour empêcher et lutter contre l’abomination de la violence faite aux femmes, du harcèlement, du féminicide.”. De plus, elle a expliqué que le gouvernement entamera un travail de durcissement des peines. En même temps, les budgets publics consacrés à la protection sociale, et notamment à la prévention des violences sexistes et sexuelles, ne suivent pas l’inflation du pays, ce qui entraîne de fait une diminution des ressources. Ce qui s’est exprimée dans les rues ce samedi était aussi le rejet clair de ses manœuvres de pinkwashing et la dénonciation de la complicité de l’État dans les crimes de genre.

Un centre-gauche qui n’offre pas d’issue

L’opposition parlementaire au gouvernement, incarnée par trois grands blocs : le Parti démocrate, le Mouvement Cinq Étoiles et ce que l’on appelle le Troisième Pôle, a fait preuve d’une incapacité totale à apporter des réponses politiques et à canaliser la rage exprimée dans les rues. Carlo Calenda, le leader du troisième pôle, a décidé de critiquer de façon réactionnaire la marche qui a rassemblé un demi-million de personnes à Rome, expliquant qu’il s’agissait d’une plateforme anticapitaliste et pro-Hamas, ajoutant : "elle nuit au féminisme ". Le Parti démocrate a tenté de proposer des politiques plus progressistes, comme des cours de prévention dans les écoles, tout en continuant à soutenir les méthodes punitives du gouvernement. Cependant, tout comme le Mouvement 5 étoiles, il a été confronté au bilan des coalitions précédentes qu’il a dirigées, qui soit ne voulaient pas, soit étaient incapables de s’attaquer aux violences sexistes et sexuelles.

Ce mouvement, dirigé par l’organisation Non Una di Meno (Pas Une de Moins), s’est organisé jusqu’à présent indépendamment de ces partis institutionnels et a réussi là où ils ont échoué : mettre en place une opposition crédible à ce gouvernement. En effet, au cours des 14 mois qui se sont écoulés depuis les dernières élections, la popularité du parti de Meloni, Fratelli d’Italia, n’a cessé de croître. Les échecs de 20 ans de gouvernements de centre-gauche en alternance semblent avoir laissé des traces durables dans la confiance que les Italiens accordent à ces partis pour défendre leurs intérêts.

Jusqu’à présent, Mme Meloni a gouverné avec une relative facilité, en grande partie grâce à la majorité solide qu’elle a obtenue lors des dernières élections, ce qui a donné à son gouvernement une stabilité rarement vue dans la politique italienne. Alors que beaucoup s’attendaient à une réaction post-électorale de l’opposition et de la société civile similaire à celle contre Donald Trump aux États-Unis en 2016, ce qui s’est produit a été une longue période de gouvernance non perturbée, où Meloni a pu poursuivre son processus de dédiabolisation, tout en continuant à poursuivre des réformes antisociales et xénophobes.

Cette semaine de manifestations féministes pourrait être considérée comme un deuxième acte spontané d’auto-organisation de la population sous ce nouveau gouvernement. Le premier a eu lieu quelques semaines auparavant, lorsque, malgré l’unité du discours politique et médiatique, des milliers de personnes sont descendues dans la rue pour manifester leur solidarité avec le peuple palestinien et contre le génocide et le colonialisme perpétrés par l’État d’Israël. L’indépendance de ces mobilisations de masse par rapport à la classe politique montre que la jeunesse italienne a tiré les leçons des alliances ratées du passé, alors que les partis institutionnels ne sont pas en mesure de galvaniser cette rage.

Les perspectives pour le mouvement

Cette semaine a montré une manière de lutter exemplaire contre le gouvernement réactionnaire et d’extrême droite Italienne. Que faire maintenant pour inscrire ces manifestations dans la durée, et éviter qu’elles deviennent des mobilisations éphémères ?

La responsabilité pour étendre ce mouvement est en premier lieu sur les directions syndicales, surtout la CGIL, le premier syndicat en Italie. Ce dernier a montré que, malgré les difficultés rencontrées par les syndicats italiens ces dernières années, il est toujours capable de rassembler des milliers de travailleurs dans des grèves contre les mesures d’austérité du gouvernement. Cependant, il garde une faiblesse historique à incorporer des revendications féministes dans ces mobilisations, et, à la différence de ses homologues internationales, n’appelle même pas à la grève le 8 mars ! La simple présence du secrétaire général, Maurizio Landini à la mobilisation du 25 novembre ne suffit pas pour lutter contre le patriarcat, la CGIL doit s’armer de son arme la plus puissante : la grève.

Les mouvements ouvriers et féministes, qui ont tous les deux montré leurs forces cette dernière semaine, peuvent frapper ensemble sur le même clou contre les politiques réactionnaires Italiennes qui attaquent les femmes et les travailleurs !


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