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Point de situation

Ce que l’on sait de l’invasion de Rafah

Alors que le Hamas avait annoncé qu’il acceptait une proposition de trêve modifiée en fin d’après-midi, Israël a poursuivi ses opérations d’invasion de l’enclave, bombardant massivement les quartiers nord-est de Rafah et prenant contrôle, dans la nuit, de la porte de Rafah, coupant définitivement l’enclave du reste du monde.

Enzo Tresso

7 mai

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Ce que l'on sait de l'invasion de Rafah

Mise à jour à 13h06. Les autorités israéliennes ont refusé à l’ONU d’accéder au point de passage de Rafah a déclaré le porte-parole du Bureau de coordination des Affaires humanitaires, Jens Laerke, lors d’un point presse à Genève.

Alors qu’Israël avait commencé à bombarder les quartiers du nord-est de la ville, dont Tsahal avait ordonné l’évacuation le matin même, le Hamas a déclaré qu’il acceptait une proposition de trêve dont les détails n’étaient pas encore connus. En dépit des versions contradictoires, il semble que le Hamas ait signé une proposition qui n’avait pas reçu l’approbation des négociateurs israéliens lors des négociations de la semaine dernière. Se déployant sur trois phases distinctes, la proposition prévoit, dans la première période, la libération d’une partie des otages en contrepartie d’un cessez-le-feu immédiat et du retrait des forces israéliennes hors des centres urbains. Lors de la seconde et troisième phase, Israël s’engagerait, en contrepartie de la libération des prisonniers restants, à se retirer de l’enclave et à signer une trêve permanente avec le Hamas.

De cette proposition, qui reprend les grandes lignes de l’accord cadre de Paris, négocié en février avant d’être rejeté par Israël, il semble que l’Etat colonial n’en ait accepté que la première partie. Au cœur du différend, la définition floue des objectifs de la deuxième et troisième période – qui doivent offrir les moyens de « restaurer un calme durable » - fait l’objet d’interprétations divergentes : tandis que le Hamas défend qu’un « calme durable » ne peut être obtenu que par une « trêve permanente », son objectif stratégique fondamental depuis 2006 [1], Netanyahou ne veut pas d’un accord qui le priverait de pouvoir reprendre la guerre. L’annonce de la signature de l’accord a nourri l’espoir, puis la colère, des familles des otages qui se sont massivement mobilisées dans la nuit, à Tel-Aviv notamment, pour réclamer du gouvernement israélien qu’il mette fin à l’invasion de Rafah. Le cabinet de guerre a, de son côté, annoncé l’envoi d’une délégation au Caire pour reprendre les négociations tout en déclarant que Tsahal poursuivrait l’opération à Rafah pour « exercer une pression militaire » sur le Hamas. Dans ces coordonnées, si l’opération présage d’un massacre, son ampleur demeure inconnue tant sa ligne de développement est pour l’heure imprévisible.

Déclarant que la proposition du Hamas était très loin des « intérêts essentiels » d’Israël, les membres du cabinet de guerre ont décidé de poursuivre l’invasion. Après le pilonnage intensif des quartiers du nord-est de la ville-refuge, des mouvements de troupe ont été répertoriés. Longeant la frontière avec l’Egypte, les troupes terrestres, parties de Kerem Shalom, ont pris possession, vers minuit, de l’aéroport Yasser Arafat, au sud-est de Rafah, où des tirs ont été entendus. Avançant le long de la frontière, les forces israéliennes ont pris le contrôle du poste de contrôle de Rafah, plus tard dans la nuit, coupant définitivement l’enclave du reste du monde. Fermant le point de passage, Tsahal a interrompu le flux des camions chargés d’aide alimentaire, qui entraient déjà en nombre insuffisant dans l’enclave. D’après le Washington Post, les forces israéliennes auraient tué une vingtaine de combattants dans la nuit et évacué la « vaste majorité » des réfugiés présents le long de la frontière au cours de son attaque.

Après que l’Egypte avait transmis plusieurs demandes d’information à Israël dans la soirée, il semble que les forces israéliennes aient fait de la prise de la porte de Rafah un objectif crucial pour contenter l’appareil sécuritaire égyptien qui craignait que l’invasion ne rejette vers l’Egypte de nombreux réfugiés. Comme le confiait, ce matin, un diplomate égyptien au Monde, les « israéliens paraissent avoir compris notre ligne rouge et surtout avoir entendu Washington qui la leur a confirmée. Mais le terrain c’est autre chose : l’Egypte se prépare à un scénario catastrophe, qui la contraindrait à accueillir quelques dizaines de milliers de personnes fuyant les combats ». Pour tout plan d’évacuation, les forces israéliennes entendent déplacer à marche forcée la plupart des réfugiés, en moins de dix jours, vers les campements construits à la hâte sur la côte occidentale, où l’armée israélienne a livré environ quarante mille tentes.

En plus des forces terrestres stationnées à Kerem Shalom qui ont glissé le long de la frontière sud pour atteindre la porte de Rafah, les multiples tirs d’artillerie qui ont rythmé la nuit indiquent la présence de véhicules blindés, positionnés en arc de cercle à l’est de la ville. À la différence des autres villes que Tsahal a assiégé, comme Khan Younès et Gaza City, la densité de population dans la ville qui concentre plus d’un million et demi de réfugiés, chassés au sud par les bombardements et l’invasion du nord, les forces israéliennes ne pourront pas procéder quartier par quartier tandis que les opérations militaires exigeront de déployer des unités plus complémentaires, comme l’expliquait Michael Mulroy, un ancien expert militaire du gouvernement étatsunien, à Foreign Policy : « D’après Mulroy, les Israéliens auront besoin d’au moins deux divisions, avec des unités de parachutistes et de blindés, aux côtés de détachements plus réduits d’artillerie et d’unités des forces spéciales ». Dans une situation aussi désespérée, il est probable que la résistance palestinienne, dont le Hamas est la composante la plus importante, lance également des assauts plus massifs, combinant des attaques en surface et des attaques atmosphériques au moyen de drones ou d’autres éléments aéroportés.

Netanyahou fait ainsi le choix de noyer le dernier refuge de la population gazaouie dans le feu et le sang. Il est d’une urgence vitale de réagir massivement à l’invasion cataclysmique qui s’annonce à Rafah, et de descendre dans la rue, comme ce soir, à 17h30, place de la République, à Paris, à l’appel d’Urgence Palestine et d’autres collectifs.

Lire aussi : Non à l’offensive contre Rafah ! Stop au génocide à Gaza !


[1Nicolas Dot-Pouillard, La mosaïque éclatée  : une histoire du mouvement national palestinien, 1993-2016, Paris, Actes sud, 2016, pp. 78-79.



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