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Biodiversité

Ursula Von der Leyen renonce à la réduction des pesticides : un cadeau pour l’agro-business

A l’image des annonces pro-FNSEA du gouvernement Attal, prétendant répondre aux revendications des agriculteurs avec des nouvelles mesures antiécologiques, la Commission Européenne retire à son tour son projet de réduction des pesticides.

Elea Novak

6 février

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Ursula Von der Leyen renonce à la réduction des pesticides : un cadeau pour l'agro-business

Crédits photo : Flickr, European Parliament

Ce mardi 6 février à Strasbourg, Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission Européenne, a annoncé le retrait d’un objectif de réduction de moitié de l’usage des pesticides proposé dans le cadre du « Pacte Vert » pour l’Europe, un plan qui devait permettre la réduction des émission de gaz à effet de serre européenne de 50% par rapport aux années 1990. Pour justifier cette suppression, elle s’est appuyée sur l’opposition des eurodéputés au projet, ayant d’ores et déjà rejeté la proposition au Parlement fin novembre, et dont les discussions patinent. Mais surtout, la présidente l’a justifié comme une réponse à la colère des agriculteurs, qui se répand dans toute l’Europe depuis la mi-janvier. Celle-ci se trouve ainsi instrumentalisée pour annoncer des mesures contentant à la fois les puissances industrielles et les gérants des grandes exploitations agricoles, au détriment des agriculteurs les plus précaires, des ouvriers agricoles et de la biodiversité.

Un « Pacte Vert » aux profits des géants de l’agrobusiness

« Les agriculteurs ont besoin de raisons économiques de prendre des mesures de protection de la nature » a déclaré Von der Leyen, omettant que c’est le système agricole actuel qui favorise les cultures intensives et écocides. A l’image de la PAC, qui met sur la paille les petits et moyens exploitants agricoles qui ne parviennent pas à survivre, tout en subventionnant largement les plus gros exploitants. Cette déclaration lui permet aujourd’hui de supprimer les rares propositions en faveur de la biodiversité de l’Union Européenne, sans pour autant toucher à ce système agricole.

En effet, la mise de côté de l’écologie n’a rien de nouveau pour la Commission Européenne, qui a, par exemple, reculté de 10 ans l’arrêt du glyphosate, herbicide cancérigène en septembre dernier. Ces politiques n’ont pas pour but de répondre aux revendications des agriculteurs, ni d’améliorer les conditions de travail et de santé de ces derniers, en première ligne de l’exposition aux pesticides et autres produits. Mais montre plutôt, la collusion de l’Union Européenne avec les grandes organisations patronales telles que la FNSEA, principal lobbyiste de l’agrobusiness en France et les grands patrons de l’agro-alimentaire.

La poursuite de tout un système écocide

Ce recul sur la réduction des pesticides montre encore une fois le rôle de l’Union Européenne dans la protection des entreprises polluantes. L’utilisation de ces produits chimiques contamine les sols et les ressources en eau. En 2021, l’INRAE annonçait avoir détecté la présence de pesticides dans plus de 80% des sols échantillonnés. Il s’agit d’une pollution quasi-totale des écosystèmes et ressources naturelles par les pesticides, qui persistent dans l’eau potable, même une fois traitée, rapporte l’ANSES en 2023.Surtout, elles vont d’abord avoir un effet sur la santé des agriculteurs, car les pesticides et herbicides sont nocifs, présentent un risque pour ceux qui les manipulent et sont la cause directe de certains types de cancers (lymphomes, leucémies ou cancers de la prostate).

Ce recul sur l’arrêt des pesticides est également accompagné d’autres mesures antiécologiques de la part de la Commission Européenne. Même si elle a annoncé ce mardi un objectif de réduction des émissions de gaz à effets de serre de 90% pour 2040, en réalité, cela dissimule d’autres attaques sur l’environnement.

Premièrement, car il s’agit d’une réduction nette des émissions, c’est-à-dire que cet objectif inclut les dispositifs de captation carbone et tous les moyens de greenwashing, pour baisser artificiellement l’empreinte carbone des entreprises et légitimer des nouveaux projets écocides. Une décision qui poursuit la politique fixée lors de la COP28 à Dubaï, notoirement influencée par les lobbyistes du pétrole, où l’accord entre les États a ouvert la voie à l’obtention d’une empreinte carbone neutre par le biais d’achat de forêts en Afrique. Ainsi, en achetant des tranches de forêts, les entreprises pourront considérer leur empreinte carbone neutre, alors qu’en réalité leurs émissions resteront élevées et risquent même d’augmenter avec la croissance de la production d’hydrocarbures à venir.

De plus, le Parlement Européen examinera le 6 février un texte portant sur l’autorisation de nouveaux Organismes Génétiquement Modifiés (OGM). Ce texte ouvre lui-aussi la voie à une emprise toujours plus forte des géants agroalimentaires sur la production agricole. En effet, ce projet et le développement de nouveaux OGM permettra aux grandes entreprises d’exercer un quasi-monopole sur des nouvelles cultures, en brevetant les procédés nécessaires, sans étude d’évaluation des risques. Ce texte constitue donc une menace pour les petits exploitants et semenciers, qui risqueront d’être poursuivis par les géants de l’industrie.

Un modèle agricole toujours au service des capitalistes

Dans un discours prononcé ce mardi, Ursula Von der Leyen est aussi revenue sur plusieurs résolutions décidées au cours du Conseil Européen exceptionnel du 1er février, se concentrant sur la question des agriculteurs. Parmi celles-ci, elle annonce notamment la mise en place d’un « dialogue stratégique sur le futur de l’agriculture », où seront mobilisés une « large variété de représentants du secteur agricole » qui incluent notamment « l’industrie des semences et des engrais, le secteur agroalimentaire, le secteur de transformation alimentaire, mais aussi le secteur financier, le secteur de banque coopérative ». A l’instar de la COP28 marqué par une participation record des lobbyistes et patrons pétroliers, ce « dialogue stratégique » réserve une place très importante aux patrons et industriels de l’agroalimentaire, dont les intérêts ne coïncident pas avec les petits et moyens exploitants agricoles qui sont en première ligne des pesticides et de la pollution des ressources naturelles.

Un projet qui ne manque pas de plaire aux grands patrons de l’agrobusiness tels qu’Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, qui a appelé à mettre fin aux mobilisations des paysans, après avoir obtenu du gouvernement des dérogations sur les mesures écologiques. Plutôt que de chercher à obtenir des garanties pour les 25 % des agriculteurs qui vivent sous le seuil de pauvreté, les dirigeants de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs ont préféré miser sur la suspension du plan « Ecophyto », qui visait simplement à réduire l’utilisation de phytosanitaires. Ces demandes pour continuer d’utiliser les pesticides et autres produits chimiques ont comme principaux bénéficiaires les géants agroalimentaires qui possèdent des immenses exploitations et exploitent plus d’un million d’ouvriers agricoles en France, et développent des monopoles sur l’agriculture.

En clair, ces reculs sur les mesures de réduction des pesticides annoncé par Von der Leyen s’inscrit dans une politique pro-agrobusiness de l’union européenne. Alors qu’elle avait peu de chance de passer en Commission, la colère des agriculteurs a été prise pour prétexte pour enterrer la disposition. Bien que la Commission Européenne assure que « l’agriculture peut jouer un rôle vital dans [la] transition » pour ses nouvelles mesures du « Pacte Vert », elle n’offre aucune place aux paysans pauvre et ne sert les intérêts que d’une poignée de grands patrons de l’agrobusiness et de l’agro-alimentaire et les représentants des banques qui se font des profits sur les dettes des petits exploitants, comme le Crédit Agricole.

En vérité, une politique en faveur des agriculteurs, paysans et ouvriers agricoles devrait prendre en compte les intérêts de la biodiversité et le retrait du marché des pesticides destructeurs de leur santé. Si ceux-ci sont maintenus ce n’est que pour maintenir des logiques de rendement et de compétitivité, encouragées par l’Union européenne et qui ne servent pas les petits producteurs et la population. Au contraire, pour améliorer les conditions de travail et de vie des agriculteurs, il s’agit de défendre un salaire minimum, la nationalisation des banques, et s’attaquer aux grands monopoles. Pour cela, c’est l’ensemble du système agricole qu’il faut remettre en cause, meilleur moyen de défendre la biodiversité.


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