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Palestine

Une infirmière témoigne de l’horreur à Gaza : « les personnels des hôpitaux sont des héros »

En début de semaine, la chaîne CNN recevait Emily Callahan, infirmière pour Médecins Sans Frontières, rentrée aux États-Unis après 26 jours d’intervention à Gaza. Elle y décrit la réalité et la violence de la vie sous les bombardements de Tsahal.

Benoit Barnett

8 novembre 2023

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Une infirmière témoigne de l'horreur à Gaza : « les personnels des hôpitaux sont des héros »

Crédits photo : Capture d’écran CNN

Le 7 novembre, la chaîne d’information américaine CNN et son présentateur télé, Anderson Cooper, se sont entretenus avec Emily Callahan, infirmière américaine pour Médecins Sans Frontières qui est restée, avec son équipe, pendant 26 jours à Gaza pour apporter de l’aide médicale dans un contexte de blocus et de pénurie de ressources. Sur les réseaux sociaux, de nombreux commentateurs ont été touchés et surpris de l’entretien décrivant de façon claire et empathique l’ampleur des conséquences humanitaires de l’offensive israélienne, alors que la chaîne américaine, comme de nombreux grands médias occidentaux, fait plus souvent le relais des récits déshumanisants de l’armée ou du gouvernement israélien.

Depuis le début du blocus total de Gaza le 7 octobre, de nombreuses organisations humanitaires ont communiqué sur les conditions de vie sur place. Certains travailleurs ont eux-même été victimes des bombardements de Tsahal : Le 6 novembre, Mohammed Al Ahel, un employé de Médecins sans frontières est mort sous les bombardements israéliens dans le camp de réfugiés de Chati, aux côtés d’une dizaine de personnes mortes lors de l’effondrement d’un immeuble. Dans une dernière déclaration, le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) a indiqué que 192 personnels de santé ont été tués selon les chiffres du ministère de la Santé de Gaza, dont 16 de ces travailleurs qui était en service selon l’OMS.

A Gaza, des conditions de soin désastreuses, sur fond du blocus imposé par Israël

Depuis le début de l’offensive, les hôpitaux sont devenus des cibles privilégiées des bombardements de l’armée israélienne alors que ces derniers accueillaient les victimes d’autres bombardements dans des capacités extrêmement limités. Sur les réseaux, des journalistes, des médecins et des usagers à Gaza partagent tous les jours des images de ces atrocités, comme le docteur Ghassan Abu Sita qui partage régulièrement des récits sur son compte X. Des horreurs qui, aujourd’hui comme dans le passé, sont souvent ignorées ou minimisées par les grands médias américains, comme l’a démontrée par exemple la chercheuse Holly Jackson dans ses recherches sur la couverture de la Palestine par le New York Times.

D’où la singularité de l’interview sur CNN, dans laquelle Emily Callahan décrit une situation d’encombrement de patients avec des scènes où des adultes et des enfants sont en attente de traitement pour de brûlures et de blessures importantes, ou qui doivent recevoir des amputations partielles, à cause des bombardements de Tsahal. De plus, elle précise que les hôpitaux n’arrivent plus à prendre en charge des patients et doivent les renvoyer dans des camps de réfugiés, comme celui du Khan Younis Training Center (KYTC), là où, selon elle, sont stationnés 50,000 réfugiés.

L’accueil dans ces camps se fait dans des conditions extrêmes, faute de manque d’eau et de toilettes—le site n’en compte que quatre. Face aux urgences posées par l’état de santé des réfugiés à KYTC, l’infirmière raconte : «  Des parents venaient nous voir en nous suppliant de les aider, mais nous n’avions plus de matériel médical  ». Cette crise dans l’accueil des patients et dans la pénurie du matériel médical a aussi des conséquences pour les palestiniens atteints de maladies chroniques. Selon les données de l’ONU, il y aurait 350,000 personnes atteintes de maladies chroniques en attente de traitement à Gaza, ainsi que 50,000 femmes enceintes. La crise sanitaire est une énième arme qui accentue le nettoyage ethnique porté par Israël.

De plus, l’alertait l’organisation Oxfam le 25 octobre dernier : «  La famine est utilisée comme une arme de guerre  ». C’est aussi la situation que décrit Emily Callahan : «  Nous étions désespérés. A un certain moment, nous faisions des rations caloriques sur les ressources qui nous restaient.  ». Elle poursuit : «  Il y avait 50 personnes qui vivaient avec nous sur le parking, donc nous avons calculé qu’à 700 calories par jour, c’était tout ce qui nous restait, nous ne pouvions tenir que deux jours avec cette nourriture  ». Les vivres étaient négociées par les membres Palestiniens de MSF qui devaient compter au jour le jour sur les rations d’autres habitants de Gaza, créant une réelle situation de partage de la misère.

« Si nous devons mourir, nous mourrons en soignant autant de personnes que possible. »

Après l’ouverture du poste de frontière de Rafah, au sud de Gaza à la frontière égyptienne, les équipes de Médecins Sans Frontière ont reçu l’autorisation de partir. C’est à ce moment-là que Emily Callahan ainsi que d’autres infirmières et médecins de nationalité étrangère ont pris la décision de quitter la Palestine, craignant pour leurs vies. Certains décident de rester, avec une conviction décrite avec émotion par Callahan : «  C’est notre communauté. Ce sont nos familles et nos amis. Si nous devons mourir, nous mourrons en soignant autant de personnes que possible.  » Avant de rajouter, en réponse à la rhétorique déshumanisante de l’État d’Israël dépeignant tout palestinien en terroriste : «  Je sais que les personnes qui sont restés à Gaza ont été présentées comme des menaces. Je veux rappeler que ceux qui y sont restés sont des héros.  ».

Alors que Netanhyahu poursuit l’offensive criminelle à Gaza et a ouvert la voie à une possible occupation militaire de la bande, les violences touchant les Gazaouis vont continuer d’augmenter le chiffre effarant de la dizaine de milliers de morts depuis le début de l’offensive. Les scènes décrites par Emily Callahan relèvent de la barbarie de la politique génocidaire mis en oeuvre à Gaza avec la complicité des gouvernements impérialistes. Face à l’horreur que subissent les palestiniens, nous devons continuer de construire un mouvement de solidarité à l’internationale, à l’image des travailleurs d’Espagne, des Etats-Unis, de Belgique et du Royaume-Uni qui tentent d’arrêter les échanges militaires et économiques avec l’État d’Israël, pour exiger la fin du massacre et du siège coloniale de Gaza.


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