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Un militant assassiné

Torturé et privé de soins, le poète et militant Wallid Daqqah vient de mourir dans les geôles israéliennes

Wallid Daqqah était un militant révolutionnaire, un poète et un écrivain célèbre dans toute la Palestine, ainsi qu’une victime emblématique de la violence pénitentiaire israélienne. Privé de soins, il est finalement mort d’un cancer en prison après y avoir passé les deux tiers de sa vie.

Arsène Justo

8 avril

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Torturé et privé de soins, le poète et militant Wallid Daqqah vient de mourir dans les geôles israéliennes

Marche pour la libération de Wallid Daqqah à Baqa’ al-Gharbiyeh, 5 août 2023. crédit : Samidoun.

Emprisonné en 1986, à l’âge de 24 ans, Wallid Daqqah aura vécu 38 ans dans l’enfer carcéral israélien. Devenu écrivain en prison, le célèbre poète palestinien était un des dirigeants du FPLP. Daqqah était une voix forte de la Palestine, qui n’a jamais cessé de célébrer la résistance palestinienne et de dénoncer la violence de l’occupation israélienne. Victime de graves problèmes de santé, il est mort hier des suites d’un cancer de la moelle osseuse, après que les autorités carcérales israéliennes aient sciemment repoussé sa date de sortie, le privant de soin, dans ce qui a tout d’un meurtre par omission.

Wallid Daqqah : Un poète, un écrivain et un résistant

Wallid Daqqah a été arrêté et écroué en 1986, en raison de son appartenance soupçonnée à une cellule du FPLP, responsable du meurtre d’un soldat israélien en 1984. Initialement condamné à perpétuité, sa peine avait finalement été commuée en une lourde peine de prison de 37 ans. Mais, alors qu’il aurait dû sortir le 25 mars 2023, sa détention a été rallongée, au motif qu’il aurait fait entrer illégalement des portables dans sa prison afin de parler à ses proches qu’il n’avait plus vu depuis ses 24 ans.

Comme le note l’Agence média Palestine, « sans traitement médical adéquat, l’état de santé de Daqqa n’a cessé de se dégrader ces dernières années. Il a été victime d’un accident vasculaire cérébral, d’une pneumonie, d’une ablation d’une partie de son poumon et de multiples infections ». Un état de santé alarmant dont l’autorité carcérale israélienne avait évidemment connaissance. Elle l’aura donc laissé mourir en refusant de libérer une figure politique et un célèbre écrivain de la cause palestinienne.

Sa mort n’est que la conclusion d’une longue agonie organisée par le pouvoir israélien – qui a toujours refusé de l’inclure dans les divers échanges de prisonniers qui ont ponctué l’histoire israélo-palestinienne récente – qui illustre l’extrême-brutalité des conditions de vie des détenus palestiniens. La publication d’un de ses derniers livre, Le secret du pétrole, en 2022, lui avait, par exemple, valu d’être placé longuement à l’isolement. L’administration pénitentiaire a toujours mené de violentes représailles pour punir son activité littéraire. Amnesty International dénonçait le 11 mars 2023 les derniers sévices qui lui avaient été infligés : « Depuis le 7 octobre 2023, Walid Daqqa est torturé, humilié, privé de visites de sa famille et confronté à de nouvelles négligences médicales. Au cours de cette période, il a été transféré deux fois à l’hôpital en raison de la détérioration de son état de santé ».

La voix de Wallid Daqqah s’est finalement tue. Après 38 longues années de tortures et de violences carcérales, qui n’ont jamais réussi à le faire taire. Le militant, poète et écrivain s’est définitivement éteint, au terme d’une privation de soin savamment orchestrée.

Un symbole de l’enfer carcéral israélien

Daqqah n’est pas un cas isolé. La privation de soin est un outil habituel de la répression carcérale israélienne, comme le documente l’organisation de défense des droits de prisonniers Addameer, fréquemment utilisé contre des détenus palestiniens à l’instar d’Israa Jaabis incarcérée pendant 8 ans pour avoir eu un accident de voiture à 500 mètres d’un avant-poste israélien, accusée de manière calomnieuse de « tentative de meurtre » contre des soldats et privée de soins malgré ses graves blessures subies dans l’accident.

Avec Wallid Daqqah, c’est un porte-parole des victimes de l’enfer carcéral israélien et de la pacification coloniale des territoires occupées qui disparaît. Rouage fondamental de la politique israélienne d’occupation et d’apartheid, la répression carcérale a frappé 40% des hommes palestiniens depuis 1967. Depuis la Nakba, environ un million de Palestiniens auraient été enfermés par Israël. Héritière du droit colonial britannique, la législation israélienne autorise l’incarcération illimitée et sans procès, ainsi que l’emprisonnement des enfants dès l’âge de 12 ans, tandis que la justice coloniale condamne systématiquement les Palestiniens dans des parodies de jugement : 99% des procès se terminent par une inculpation de la partie palestinienne, sur la base de preuves généralement très faibles.

Pendant l’incarcération, les détenus sont victimes d’actes de torture systématiques, y compris les enfants, dénoncés par de nombreuses ONG. D’après Addameer, 9400 prisonniers politiques croupiraient, à l’heure actuelle, dans les geôles israéliennes, dont 200 enfants, tandis que 3661 personnes seraient détenues administrativement, sans avoir été jugées et sans connaître le motif de leur incarcération.

Wallid Daqqah est mort, mais son combat lui survit, à l’heure où Israël plonge Gaza dans la nuit et le sang et annexe la Cisjordanie. De son nom héritent tous ceux qui luttent pour la libération de la Palestine et pour la fin d’un siècle d’injustice et de malheur.


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