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Entretien

Mobilisation inédite à l’INSA Toulouse : « Dans ma promo, plus personne ne veut devenir ingénieur »

Dans la jeunesse, le mouvement contre la réforme des retraites revêt un caractère inédit et des établissements rarement mobilisés sont entrés en lutte. C’est le cas de l’INSA, école d’ingénieur à Toulouse où est étudiante Mahault, qui revient pour Révolution Permanente sur la mobilisation en cours.

Le Poing Levé Mirail

7 avril 2023

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Mobilisation inédite à l'INSA Toulouse : « Dans ma promo, plus personne ne veut devenir ingénieur »

Crédits photo : Dorian M

Révolution Permanente : Avec le 49.3, la mobilisation a changé de ton, et les jeunes sont massivement rentrés dans le mouvement. Comment cela s’est ressenti dans ton école ?

Depuis le 19 janvier, un petit groupe d’étudiants de l’INSA participe aux manifs, surtout celles et ceux en double cursus avec Sciences Po. Mais on y allait chacun de notre côté. Le 49.3 a rallumé une flamme dans toute la France. On est passé d’une mobilisation sur la réforme des retraites à la question de la démocratie.

Suite au 49.3 on a organisé une AG qui a réuni 130 personnes ! Une réussite sachant que la dernière mobilisation remonte à 2006 et la lutte contre le CPE. La semaine suivant le 49.3, on a organisé trois AG avant la journée nationale du jeudi 23 mars. L’administration avait refusé la banalisation des cours les jours de mobilisation, alors on a décidé de bloquer 5 bâtiments de l’école avec près de 150 personnes. On a fait un départ groupé en manif l’après-midi, on était près de 200. En rentrant de manif on a fait une nouvelle AG dans laquelle on a décidé de reconduire le blocus pour le lendemain. Et le vendredi midi on a fait une énorme AG à 500 ! On a obtenu la dépénalisation des absences et le report des TP notés pour la mobilisation du 23 mars, grâce au rapport de force car il y avait la menace du blocage.

Le mouvement de l’INSA Toulouse a eu des répercussions ailleurs en France : à l’INSA Rennes et Lyon, il y a eu des mobilisations suite à la nôtre. Aujourd’hui on poursuit nos ateliers, on essaye surtout de parler de la nécessité de la convergence de cette mobilisation avec d’autres luttes.

Révolution Permanente : Par rapport à ton école, est-ce qu’il y a des revendications spécifiques qui ont émergé ?

Il y a un sujet de discussion qui revient souvent à l’INSA : la question de notre rapport au travail dans cette société. On est formés à être ingénieurs, mais quand on sera en poste on n’aura pas notre mot à dire sur ce qu’on va produire car on sera soumis aux logiques du capitalisme. Il y a un master de l’INSA où le 2ème employeur des étudiants c’est Total… Dans ma promo plus personne ne veut devenir ingénieur ! Parce qu’on ne sait ni à quoi ni à qui va servir notre travail.

La situation de Sainte-Soline nous a touché personnellement, on a ressenti de la tristesse et de la colère. Ça aurait pu être nous dans 10 ans qui construisions ces méga-bassines alors qu’on est complètement contre ! Il y a une blague qui circule à l’INSA sur les « ingénieurs humanistes » vantés par la direction à la rentrée. On a repris l’expression pour montrer que en réalité les « ingénieurs humanistes » sont les ingénieurs mobilisés.

Révolution Permanente : Outre le 49,3, le passage en force de Macron s’exprime avec la répression policière et les réquisitions des grévistes. Que penses-tu de ce saut dans la répression ?

Dans notre mobilisation, il y avait beaucoup de « primo-manifestants ». On est arrivé à 200 en manif’ mais certains n’avaient pas forcément les codes et beaucoup demandaient : « c’est tout le temps comme ça ? ». Ils ont rapidement fait l’expérience de la répression : ils ont pris du gaz dans la gueule et ont vu les violences policières. Avec le 49.3, la colère est arrivée, en groupe. La répression n’enlève pas l’envie de manifester, au contraire, des gens sont passés de « contre la réforme » à « contre les flics » en un jour !

Révolution Permanente : l’intersyndicale a appelé à un moment de « pause » de la mobilisation et est même allée jusqu’à négocier avec Borne à Matignon mercredi. Comment vois-tu la suite du mouvement ?

On a conscience du mouvement de reflux. Mais on n’est pas effrayé. Les ateliers qu’on propose sont toujours là. Les mouvements comme ça où la flamme prend d’un coup très fort retombent forcément. On ne le vit pas comme une trahison des autres élèves. Même si les gens pensent à leur partiel, on pourra se référer à ce mouvement social et on sera toujours là si ça repart un jour.

Je suis partagée sur le rôle de l’intersyndicale. Je pense qu’il vaut mieux négocier tant que le mouvement n’est pas mort. Et si Matignon refuse le dialogue, ça remettra de l’huile sur le feu. On sait aussi que l’unité syndicale ne tiendra pas. Et quand elle explosera, il faudra se placer avec ceux qui sont vraiment en colère, qui veulent une retraite à 60 ans, des augmentations de salaires… Je trouve aussi qu’espacer les temps forts ça essouffle les grévistes en reconductible. Il ne faut pas calmer la colère en espaçant les journées, tu perds les secteurs les plus chauds du mouvement !

Il faut enfin s’appuyer sur la détermination de la jeunesse. La colère que je ressens, des millions de jeunes la ressentent aussi, et ce n’est pas possible de ne pas s’en servir au service de la mobilisation.

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