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Des bombes et peu de pain

« Cessez-le-feu immédiat à Gaza » : les Etats-Unis font pression sur Netanyahou pour mieux le soutenir

Mercredi soir, les Etats-Unis ont annoncé le dépôt d’une résolution pour un « cessez le feu immédiat » dans la bande de Gaza au Conseil de Sécurité de l’ONU. S’ils continuent d’envoyer des armes à Israël, les Démocrates s’inquiètent des conséquences régionales de la guerre coloniale et craignent la désertion d’une partie de leur électorat.

Erell Bleuen

22 mars

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« Cessez-le-feu immédiat à Gaza » : les Etats-Unis font pression sur Netanyahou pour mieux le soutenir

Crédit photo : Wikimedia Commons

Mercredi soir, lors d’une interview télévisée dans un média saoudien, le secrétaire d’État américain Anthony Blinken a annoncé le dépôt, par les États-Unis, d’une résolution pour un « cessez-le- feu immédiat et durable » dans la bande de Gaza au conseil de Sécurité de l’ONU. Un changement dans la ligne de conduite étasunienne, qui opposait systématiquement son véto à toute résolution en faveur d’un cessez-le-feu à Gaza.

La motion, consultée par l’AFP, défend « la nécessité d’un cessez-le-feu immédiat et durable pour protéger les civils de tous côtés, permettre la fourniture de l’aide humanitaire essentielle » et « soutient sans équivoque les efforts diplomatiques internationaux pour parvenir à un tel cessez-le-feu en lien avec la libération des otages encore détenus  ». De quoi envoyer « un signal fort  » selon le secrétaire d’État, actuellement en déplacement dans le Moyen-Orient, qui multiplie les déclarations au sujet de la situation dramatique en cours à Gaza.

Un revirement qui s’explique d’abord et surtout par les difficultés que traversent le Parti Démocrate. D’abord sur le terrain électoral : le soutien inconditionnel apporté par les États-Unis à Israël depuis le début de l’offensive fait craindre au camp présidentiel une défaite aux prochaines élections. « Genocide Joe » fait en effet face à une désertion massive d’une partie de son électorat qui dénonce la complicité active des Démocrates dans le génocide en cours.

Mais la ligne de conduite des États-Unis envers Netanyahou divise également l’état-major du Parti démocrate. S’ils ne remettent pas en question la guerre d’Israël à Gaza, certains émettent des critiques à l’encontre de Netanyahou et sa fuite en avant génocidaire, notamment son refus de la « solution » à deux États, comme l’a fait jeudi dernier le chef de la majorité démocrate au Sénat Chuck Schumer. D’autres sénateurs de l’aile « gauche » du Parti démocrate, menés par Bernie Sanders, ont soumis au Sénat, en janvier, une proposition de loi qui conditionnerait les livraisons d’armes à Israël au respect des droits humains et des conventions internationales.

En outre, la guerre coloniale de Tsahal à Gaza remet en cause l’agenda stratégique de l’impérialisme étatsunien. Après avoir fait de l’Indopacifique leur objectif stratégique, les Démocrates ne considèrent plus le Moyen-Orient comme un terrain privilégié d’engagements. Contraint de réintervenir au Moyen-Orient à plusieurs reprises depuis les attaques du 7 octobre, les Démocrates espéraient qu’Israël conduirait une guerre courte. Faisant le choix de la « guerre permanente », les décisions de Netanyahou fragilisent les équilibres régionaux et, plongeant la région dans la spirale de la guerre, menace d’entraîner les Etats-Unis avec lui. Agent de l’impérialisme dans la région, l’Etat colonial est devenu un instrument incontrôlable dont les opérations à Gaza commencent à menacer les intérêts états-uniens.

C’est pour répondre à ces contradictions que Biden et Blinken multiplient les prises de position sur Gaza : construction d’un port provisoire au large de Gaza pour augmenter l’aide humanitaire (que Netanyahou voit déjà comme un moyen d’expulser les Palestiniens de Gaza), déclarations virulentes à l’encontre de Netanyahou ou encore mise en avant de « l’engagement » des États-Unis pour la création « d’un futur Etat palestinien ».

La résolution au Conseil de Sécurité de l’ONU s’inscrit dans la continuité de cette tactique diplomatique. La diplomatie américaine tente, d’une part, de freiner l’érosion de la base électorale des démocrates en nuançant, pour la forme son soutien à Israël, tout en faisant pression sur Netanyahou pour qu’il limite l’extension de la guerre. Si le différend tactique qui oppose Biden à Netanyahou grandit, les Etats-Unis continuent néanmoins d’alimenter la machine de guerre de leur meilleur allié : en décembre, l’Oncle Sam livrait, ainsi, 13 000 obus de char supplémentaires à l’Etat colonial. Après l’annonce de la résolution, Blinken s’est empressé de rappeler que « bien sûr, nous nous tenons aux côtés d’Israël et son droit à se défendre ».

Un peu de pain pour la population gazaouie, volontairement affamée, beaucoup de bombes pour ses bourreaux. Telle est la nouvelle ligne de conduite des États-Unis qui cherchent à masquer leur complicité dans le génocide à Gaza, auprès de la population étatsunienne bientôt appelée au vote, en adoptant des mesures cosmétiques, tout en faisant pression sur Netanyahou, qui prépare l’invasion terrestre de Rafah et concrétise son projet colonial, pour que sa guerre ne nuise pas aux intérêts de l’impérialisme en embrasant la région.

Dans ce contexte, la construction de la mobilisations contre le génocide à Gaza et la complicité des puissances impérialistes, pour la fin de la colonisation et le droit au retour de tous les réfugiés palestiniens, demeure plus urgente que jamais.


    
    
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Erell Bleuen

@Erellux

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