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Après le camouflet imposé par la rue, Macky Sall annonce sa démission mais la crise politique persiste

Une semaine après que le Conseil constitutionnel a invalidé, sous pression de la rue, le report de l’élection présidentielle sénégalaise voulu par Macky Sall, ce dernier a annoncé lors d’un entretien télévisé ce jeudi qu’il quitterait le pouvoir à partir du 2 avril.

Margot Vallère

24 février

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Après le camouflet imposé par la rue, Macky Sall annonce sa démission mais la crise politique persiste

Alors que la semaine dernière, le Conseil constitutionnel avait invalidé le décret prévoyant le report de l’élection présidentielle de dix mois, la jugeant « contraire à la Constitution », ainsi que le maintien de Macky Sall à la tête de l’exécutif, aucune solution concernant la date de l’élection n’avait toutefois été proposée. L’élection présidentielle devait initialement se tenir le 25 février, avant que Macky Sall n’annonce au début du mois son report sine die et que le parlement approuve le report du scrutin et le fixe au 15 décembre, suscitant la colère de la société sénégalaise qui s’est exprimée dans la rue, par une large vague de manifestations.

En effet, les journées qui ont suivi les annonces de l’actuel président ont été le théâtre de fortes mobilisations de la jeunesse dans tout le pays, et ont été fortement réprimées par la police. On compte au moins plusieurs morts, de nombreux blessés par balle et des centaines d’arrestations dans le cadre des manifestations. Cette répression meurtrière dans les rues des grandes villes s’est ajoutée à l’offensive du gouvernement contre l’opposition parlementaire qui s’était positionnée contre le report de l’élection présidentielle, l’empêchant de participer au vote.

Face à la crise politique et au caractère massif et spontané de la mobilisation, le Conseil constitutionnel s’était prononcé contre le report des élections, une décision que n’avait pas contrée Macky Sall, alors mis en difficulté. Le même jour, ce dernier annonçait la libération de plusieurs prisonniers politiques dont Gagné Demba Gueye, membre du Pastef, le parti d’opposition d’Ousmane Sonko, qui affirmait que « nous sommes une monnaie d’échange, ils nous font sortir contre la stabilité du pays » ; la seule raison d’être de cette mesure est en effet pour le gouvernement de calmer la colère de la population et les révoltes. La libération des prisonniers politiques est une question brûlante au Sénégal où plusieurs centaines de membres de l’opposition ont été arrêtés depuis 2021. Une violente contestation avait d’ailleurs embrasé le pays cette année-là, à la suite de l’arrestation du député Ousmane Sonko, qui était arrivé troisième à l’élection présidentielle de 2019, et dont la popularité s’inscrivait dans un rejet de la classe politique traditionnelle et corrompue.

Le Conseil constitutionnel, après avoir invalidé le report des élections avait cependant constaté « l’impossibilité d’organiser l’élection présidentielle à la date initialement prévue » soit le 25 février et s’était contenté d’inviter « les autorités compétentes à la tenir dans les meilleurs délais ». Ce n’est qu’une semaine après cette tentative de « coup d’État institutionnel » visant à allonger son mandat, qu’interrogé par des journalistes lors d’un entretien télévisé, Macky Sall est revenu sur son départ du pouvoir. « Je compte m’arrêter à ce mandat et je compte donc, après le 2 avril, quitter mes fonctions de président de la République » a-t-il annoncé ce jeudi 22 février sans toutefois mentionner la date effective de l’élection présidentielle. Plutôt que de décider d’une date, ce dernier a convoqué un dialogue entre différentes organisations, syndicats et « membres de la société civile » pour « adresser le problème » qui devra décider d’une nouvelle date pour la tenue des élections. Signe de sa fragilité dans un contexte de révolte sociale, Macky Sall s’est dit prêt à libérer son principal opposant politique, Ousmane Sonko, qu’il a fait emprisonner en 2021 et qui avait annoncé sa participation à l’élection présidentielle de 2024.

Face à ce flou persistant concernant la date de la tenue du scrutin, la mobilisation continue et des appels à manifester ont été lancés partout dans le pays pour exiger la tenue de l’élection avant la date du 2 avril. Plongé en pleine crise politique, mais aussi économique, dû aux répercussions de la crise du Covid – et de manière plus structurelle, du fait de la dépendance à la France et au franc CFA –, le pouvoir sénégalais incarné par Macky Sall tente à tout prix de calmer la colère et de la canaliser sur un terrain institutionnel, en faisant miroiter la possibilité de tenir des élections démocratiques, auxquelles le leader de l’opposition pourrait éventuellement se présenter.

Le « retour au calme », et donc la cessation du processus de révolte en cours, serait donc la condition sine qua non selon Macky Sall pour tenir ces élections. Une énième tentative pour tenter de tirer parti de la situation politique en présentant cette élection, dont la date n’a toujours pas été fixée, comme seule perspective possible à la crise ouverte depuis plusieurs années ; dans les coulisses, et sous pression de la France, Sall cherche un dauphin à même de perpétuer ses méthodes autoritaires et son idéologie d’asservissement du pays aux multinationales et à la France. Alors que les mobilisations ont eu pour première conséquence la mise en échec par le Conseil constitutionnel de la tentative de Macky Sall de reporter le scrutin, la jeunesse et les travailleurs sénégalais doivent se donner pour objectif de s’organiser en indépendance totale de ce dernier et de toutes les élites corrompues et à la solde de la France.


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