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Tout bio tout beau ?

Après Alès, Le Vigan. Maltraitance animale et détresse humaine à l’abattoir

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Du sang… et des rires. La violence qui se dégage des images de la nouvelle vidéo-choc, tournée clandestinement par l’association de protection des droits des animauxL214 dans l’abattoir du Vigan, est révoltante. Situé dans le Gard, c’est-à-dire le même département que l’abattoir d’Alès, qui est au cœur d’une polémique à la suite de la diffusion d’images tout aussi scandaleuses en octobre dernier, cet abattoir est pourtant certifié bio. Mais si la maltraitance dont sont victimes les animaux est à vomir, et si les comportements et les rires des employés filmés peuvent parfois choquer, difficile de rejeter sur eux l’entière responsabilité de ces abominations, qui s’intègrent dans un système bien plus global.

Camilla Ernst

Des moutons jetés contre les barrières d’un enclos, des cochons mal étourdis alors qu’ils sont suspendus par les pattes puis saignés, des vaches compressées dans des enclos trop étroits… Le tout commenté par Nili Hadida, chanteuse vedette du groupe Lilly Wood and the Prick. L’ONGL214 use de toutes ses armes pour dénoncer les violences et la maltraitance dont sont victimes les animaux qui passent par l’abattoir de Vigan, où le matériel défaillant ne permet pas de respecter les réglementations en vigueur. Que ce soit le règlement européen du 24 septembre 2009 ou le code rural, tous prévoient un étourdissement des bêtes, par pinces électriques pour les moutons et cochons et par pistolets à tiges perforantes pour les bovins, afin d’éviter « toute douleur, détresse ou souffrance évitable » aux animaux au moment de leur mort.

L’abattoir du Vigan est donc clairement en infraction, et c’est ce qui ressort du rapport établi par Martial Albar, ancien inspecteur-vétérinaire d’abattoir, aujourd’hui consultant en sécurité alimentaire, mandaté par L214. Et pourtant, l’établissement, de « taille humaine » et spécialisé dans la vente directe, est certifié bio par l’organisme Écocert. En réalité, ce label n’impose que très peu de contraintes en ce qui concerne le mode d’abattage, se contentant d’exclure les calmants ou stimulants électriques pour faire avancer les bêtes à leur arrivée et d’établir des règles sur leur alimentation, leur regroupement et leur temps d’acheminement à l’abattoir. C’est bien là toute l’hypocrisie du bio, égarant le consommateur avec de pseudo-gages de qualité mais en réalité ne garantissant nullement un mode de consommation sain, malgré des prix pratiqués exorbitants, inaccessibles aux bourses les plus modestes.

Avec emphase, Nili Hadida nous décrit « la violence, et parfois même le sadisme » des employés de l’abattoir. Il est vrai que les images de l’un d’eux, appliquant, plus longtemps que nécessaire, la pince électrique sur le cou d’un cochon, et les rires d’un deuxième face aux moutons apeurés, sont choquantes. Mais la violence qui s’exprime va de pair avec celle que subissent tous les jours ces travailleurs des abattoirs, confrontés à la mise à mort d’êtres vivants qui expriment clairement qu’ils ne veulent pas mourir. L’impact psychologique résultant de la cruauté inévitable d’un abattoir dans un système capitaliste dont l’organisation de la production ne souffre aucune perte de temps au moment de tuer. Une mise à distance indispensable, sous peine de sombrer dans la folie, pour ceux qui doivent tuer à la chaîne, dans des conditions inhumaines imposées par un patronat en quête de toujours plus de profits.{}

« La viande heureuse, ça n’existe pas, et il faut arrêter de fermer les yeux ». Par cette simple phrase, c’est le consommateur qui est maintenant visé par l’ONG. Et Nili Hadida de conclure : « En ce qui me concerne, je n’ai plus envie d’avoir quoi que ce soit à faire avec cette souffrance, et c’est pour ça que les animaux, je ne les mange plus. » De nouveau, c’est la responsabilisation individuelle qui est prônée quand le consommateur, culpabilisé de sa (sur ?)consommation de viande, serait partie prenante de la violence subie par les animaux. Plutôt que de remettre en cause l’application à l’industrie agroalimentaire des techniques de production capitalistes, qui sous-tendent une industrialisation forcée d’une agriculture rendue intensive, la réponse apportée serait le végétarisme.

Quand L214 pointe la responsabilité individuelle des salariés, qui ne font que répondre aux exigences de leurs patrons, ou celle des consommateurs, c’est bien l’ensemble du système qu’il faut dénoncer et sa recherche de maximalisation des profits à tout prix. Lutter contre la maltraitance animale, c’est lutter contre le capitalisme, et exiger à la place une production maîtrisée en fonction des besoins, qui permettrait du même coup de prendre le temps pour un abattage dans de meilleures conditions pour les animaux et les employés.


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