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Circulaire Dupond-Moretti

Répression judiciaire : le gouvernement demande un traitement d’exception contre les jeunes de quartiers

Dans une circulaire envoyée aux parquets à propos des révoltes suite au meurtre de Nahel, le garde des Sceaux demande « une réponse pénale rapide, ferme et systématique » contre les interpellés, ciblant particulièrement les mineurs. Décryptage d’un nouveau témoignage du traitement judiciaire d’exception qui s’abat sur les quartiers populaires.

Enora Lorita

1er juillet 2023

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Répression judiciaire : le gouvernement demande un traitement d'exception contre les jeunes de quartiers

Crédit photo : Wikicommons

Alors que 1311 personnes ont été encore été interpellées la nuit dernière, Eric Dupond-Moretti a envoyé aux parquets une circulaire exigeant des réponses pénales extrêmement répressives, appelant à « une organisation qui permette d’apporter un traitement efficient des procédures initiées sur ces faits, à même de donner une réponse pénale rapide, ferme et systématique à l’encontre de leurs auteurs ». Dans le même temps, la première peine vient de tomber ce samedi à Aix-en-Provence et elle est à l’image des consignes du garde des Sceaux : douze mois de prison dont six ferme.

Dans la circulaire, il détaille aux magistrats du parquet plusieurs consignes glaçantes témoignant la volonté de réprimer judiciairement très violemment les milliers d’interpellés, dont la plupart sont mineurs. Le message de l’exécutif est très clair : il faut condamner, le plus lourdement possible, et veiller à communiquer les chiffres.

En premier lieu, le Ministre de la justice incite à recourir aux « qualifications susceptibles d’être mobilisées dans le cadre de mouvements collectifs, telles que la rébellion, la participation à un groupement en vue de la préparation de violences ou dégradations, et la participation à une manifestation en étant porteur d’une arme ». L’infraction de participation à un groupement en vue de commettre des violences et dégradations, utilisée massivement contre les manifestants depuis plusieurs années, est particulièrement floue en ce qu’elle implique seulement une intention et l’appartenance à un groupe. Elle permet ainsi de placer en garde-à-vue très largement, sur le seul constat de la présence d’un individu dans une zone.

Eric Dupond-Moretti appelle aussi les parquets à privilégier pour les majeurs « la voie du déferrement aux fins de comparution immédiate ou à délai différé, ou le cas échéant, de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité » et poursuit « le prononcé d’une mesure de sûreté destinée à prévenir toute réitération devra être systématiquement engagé ». En ce qui concerne les mineurs, il affirme « la voie du déferrement sera également privilégiée ». Des instructions très claires : déférer devant les tribunaux au maximum et prononcer des mesures de sûreté. Il faut donc s’attendre à des placements massifs en détention provisoire ainsi qu’à des contrôles judiciaires lourds en attendant les procès. La circulaire explique ainsi que pour les mineurs « des interdictions de sortir nuitamment devront également être envisagées » dans le cadre des contrôles judiciaires.

Lire aussi : « Un carnage » : de nombreux jeunes interpellés condamnés à de la prison ferme, des avocats témoignent

Enfin, le garde des Sceaux appelle les parquets à envisager de poursuivre les parents des mineurs interpellés et ce sur le fondement de l’article 227-17 du code pénal qui dispose : « Le fait, par le père ou la mère, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant mineur est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. ». Une façon scandaleuse de menacer des milliers de familles de poursuites extrêmement lourdes et d’ajouter une pression sociale et familiale aux jeunes qui se révoltent depuis maintenant quatre nuits.

Le garde des Sceaux conclut la circulaire en exigeant des procureurs qu’ils communiquent publiquement sur les suites judiciaires et qu’ils fassent remonter les chiffres « dans un objectif d’analyse statistique des procédures ouvertes ». Le mot d’ordre est donc de communiquer pour tenter de terroriser et décourager.

Les consignes du ministre de la Justice sont limpides : frapper vite, utiliser tout l’arsenal judiciaire répressif et notamment le panel d’infractions à disposition, condamner lourdement, attaquer les familles des mineurs et communiquer sur les chiffres. Le Ministère prépare le terrain à une répression judiciaire d’ampleur et d’exception, révélatrice du traitement judiciaire raciste que subissent systématiquement les quartiers populaires, d’autant plus lorsqu’ils se révoltent.

Alors que les prochains jours vont être synonymes de répression judiciaire très féroce, il est de la responsabilité des organisations politiques et syndicales de la dénoncer très largement, de se joindre à la colère des quartiers populaires et d’exiger l’abandon immédiat de toutes les poursuites ainsi que la libération et l’amnistie de tous les réprimés.


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