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« Dialogue social » dans la fonction publique

Rémunération au « mérite » des fonctionnaires. Macron récidive

Damien Bernard A chaque matin ou presque, sa nouvelle contre-réforme. « Je pense qu'il faut accroître la part de mérite, la part d'évaluation, dans la rémunération de la fonction publique », a lancé Emmanuel Macron sur Europe 1 ce mardi. Une annonce que Marylise Lebranchu, la ministre de la fonction publique, n’a pas tardé à confirmer en l’appelant de ses vœux à condition que cela soit fait en accord avec les syndicats. Après les retraités, les salariés du privé, maintenant les fonctionnaires ?

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Après l’annonce de Manuel Valls, la semaine dernière, de la réécriture du « code du travail » visant les salariés du privé, ce sont maintenant les fonctionnaires qui sont en ligne de mire. « Nouveau code du travail » pour démanteler les 35h, « #NOE » pour généraliser la précarité et maintenant « accroitre la rémunération au mérite des fonctionnaires » pour accélérer la privatisation de pans entiers de la fonction publique ? Plus qu’une course de fond, il s’agit d’ores et déjà d’un sprint pour garantir au patronat qu’il sera son meilleur complice pour les élections de 2017.

Baisses des salaires, baisses des effectifs, pression au rendement, tout un programme !

Pour le ministre de l’Economie, ces annonces font écho à ses précédentes déclarations sur l’emploi à vie des fonctionnaires, qui serait « de moins en moins défendable ». Il avait été dans la foulée « recadré » par François Hollande. On l’aura compris, le ballon d’essai du mois de septembre n’avait pour but que de préparer « l’opinion publique » à de nouvelles annonces moins « chocs » mais tout aussi dévastatrices pour la fonction publique.

Cette fois-ci, Macron n’est pas seul sur la ligne de front. Marylise Lebranchu, acquiesce et complète les propositions. « C’est une bonne idée, et elle a été discutée avec les organisations syndicales. »

Dans la continuité du gel du point d’indice depuis 2010 et de « l’accord » sur le PPCR poussé au forceps, le gouvernement cible maintenant la part variable de la rémunération des fonctionnaires. Dite « régime indemnitaire », elle regroupe les indemnités et les primes auxquelles ont droit les agents de la fonction publique. Dans certains cas, ce régime indemnitaire peut atteindre jusqu’à un tiers du salaire. Pour un sapeur-pompier par exemple, le régime indemnitaire représente 32% de la rémunération.

Pour le gouvernement, l’objectif est clair. Sous le prétexte de rémunérer au « mérite », il s’agit dans un premier temps d’imposer une baisse des salaires de plus pour les fonctionnaires, et ce en rendant variable une part du salaire non négligeable. Et dans un second temps, il individualise les rémunérations sur le modèle du privé pour, d’un côté, augmenter la productivité des fonctionnaires et supprimer des postes, et de l’autre mettre en concurrence les fonctionnaires entre eux, afin de mieux cultiver l’individualisme et mieux éviter toute lutte collective contre les politiques de casse sociale du gouvernement.

Une généralisation de la « rémunération au mérite » déjà en route ?

Généralisation des missions de service public, développement des contractuels suppressions de postes de fonctionnaires avec le non-renouvellement des départs à la retraites, ou encore gel des salaires, ne suffisent plus pour le gouvernement. C’est aux fonctionnaires déjà en poste qu’il faut s’en prendre. La « rémunération au mérite » est en cela un premier pas vers la casse du statut de la fonction publique.

En 2014, le gouvernement avait supprimé la prime au mérite individuel, mise en place par Nicolas Sarkozy à l’Elysée, pour mieux le remplacer par une prime tout aussi individuelle liée à la performance, « l’indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise », une prime qui comprend notamment un « complément indemnitaire annuel qui tient compte de l’engagement professionnel et de la manière de servir ».

Une incitation qui n’apparait pourtant pas suffisante pour encourager les collectivités locales et territoriales à se serrer la ceinture, occupées qu’elles sont à se maintenir en poste. Chose qui est maintenant faite. L’acte 3 budget d’austérité 2017, tout juste voté à l’assemblée, vient les prendre à la gorge en ce qui concerne leur budget.

« On a suffisamment d’outils », avait relevé Marylise Lebranchu. En effet, du point de vue de ces « outils », le gouvernement a tout prévu. Il a mis en place un nouveau régime indemnitaire, dit RIFSEEP (régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel), dont l’adoption est déjà en cours dans la fonction publique d’Etat. Composé notamment d’une prime de fonction et de résultats polémiques, il doit remplacer d’ici fin 2016 la plupart des primes et indemnités existantes.

Une aubaine. Sous le prétexte de « simplifier » la trop grande variété de primes, il s’agit de les unifier pour la rendre « variable » en fonction du « mérite ». Pour le gouvernement, il faut maintenant donner l’exemple à suivre aux relais locaux de sa politique. La mairie de Suresnes, érigée en exemple mondial du dialogue social, donne la voie à suivre, un modèle marqué du sceau du « dialogue social » avec la collaboration de syndicalistes formés sur les bancs de Sciences Po.

Dans un timing parfaitement agencé, l’accord signé localement préfigure ainsi les politiques qui sont à encourager et à généraliser à l’échelle de toutes les collectivités et à tous les corps de la fonction publique, un « dialogue social » avec des « accords » collectivités par collectivités, en analogie avec les « accords » entreprises par entreprises. Du public au privé, il n’y a qu’un pas.


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