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Politique

Remaniement. A la recherche d’un second souffle, Macron patine pour trouver un nouveau gouvernement

Alors que les « 100 jours » arrivent à leur terme, Macron se voit obligé de remanier son gouvernement. Si plusieurs scénarios sont discutés, l’absence d'accord avec LR et les contradictions au sein de la macronie font que le maintien de Borne tient la corde. Un énième signe de la fragilité du macronisme, enlisé dans la crise institutionnelle.

Antoine Weil

24 juin 2023

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Remaniement. A la recherche d'un second souffle, Macron patine pour trouver un nouveau gouvernement

Crédit photo : Licence Creative Commons

Le 17 avril dernier, Macron s’est donné 100 jours pour « apaiser » le pays et passer à autre chose après les retraites. Un remaniement et le départ de Borne, usée par la contestation profonde contre la réforme des retraites, semblait acté pour la date du 14 juillet. Deux mois plus tard le gouvernement peine à trouver des solutions, si bien que l’hypothèse la plus probable selon les médias serait un maintien en poste de la première ministre. Retour sur les tergiversations du gouvernement quant au remaniement et ce qu’elles disent de l’enlisement du macronisme dans la crise politique.

Macron peine à renouveler un gouvernement à bout souffle

Dans les médias et les cabinets ministériels, la question du remaniement est en effet sur toutes les lèvres ces derniers jours. Le gouvernement et ses alliés dans les rédactions des médias bourgeois multiplient les ballons d’essais pour tester les différentes personnalités pressenties pour occuper Matignon et remédier à l’impopularité de l’exécutif, de Gérard Larcher à Richard Ferrand, en passant par Franck Louvrier, Julien Denormandie ou Christine Lagarde. Les tâtonnements sont à la mesure de la difficulté de la tâche : quel nouveau Premier Ministre pour appliquer la reprise en main voulue par Macron, qui passe par des attaques sur l’immigration, le RSA, ou les lycées professionnels, tout ça avec une majorité nettement relative (245 députés sur 289 nécessaires), une victoire à la Pyrhus sur la réforme des retraites et sans alliance à l’horizon avec d’autres forces politiques.

Pourtant le temps presse pour renouveler l’équipe gouvernementale. La relance post réforme des retraites patine et avec son annonce des 100 jours, Macron s’est lié les mains et doit remanier, au risque de se ridiculiser. Surtout plusieurs ministres accumulent les difficultés et handicapent l’ambition de l’exécutif de repasser à l’offensive. En raison d’affaires de corruption, d’erreurs répétées de communication ou d’incapacité à être identifiés dans l’opinion, Marlène Schiapa, Pape Ndiaye, François Braun devraient être remerciés au plus vite selon les pronostics de la presse. Le remaniement à venir s’annonce donc conséquent, davantage encore si on ajoute à la liste des futurs remplacés les ministres de l’écologie et de la culture, eux aussi sur la sellette. Encore faudra-t-il trouver des remplaçants à tous ces ministres remerciés ...

L’accord impossible avec Les Républicains

Pour débaucher de nouveaux ministres et s’assurer d’une situation plus pérenne à l’Assemblée nationale, le groupe Les Républicains représente le nœud du problème pour la macronie. Une alliance avec le groupe semble en effet être la seule issue capable d’apporter des voix manquantes pour se passer des multiples recours au 49-3 et éviter l’immobilisme sur le terrain législatif, comme l’illustre le cas de la loi immigration. S’entendre avec une droite radicalisée a donc constitué une priorité de la majorité en vue du remaniement.

La rumeur d’une proposition de coalition a notamment été entretenue par une rencontre entre Nicolas Sarkozy, qui défend ce projet, et Emmanuel Macron. Pourtant, ce mercredi 21 juin les cadres du parti présidentiel ont dû se rendre à l’évidence : « un accord avec les LR est impossible » a résumé le député Sylvain Maillard. Une position confirmée par l’hostilité affichée des dirigeants des Républicains, Eric Ciotti ou Olivier Marleix, à pareil scénario. Ce dernier, qui s’était entendu avec la majorité pour soutenir la réforme des retraites, a redit ce jeudi son opposition à toute coalition : « M. Macron ne doit pas nous faire porter le chapeau de son absence de cap : il ne sait pas où il va, nous si […] Il ne peut pas y avoir d’accord global avec ce gouvernement ».

En réalité, le problème est le même depuis un an : sur le papier la majorité et la droite sont d’accords sur l’essentiel, pour s’attaquer aux droits des travailleurs, aux migrants et réprimer la contestation. Mais les LR, nettement minoritaires dans le pays et pris en tenaille entre Macron et Le Pen, minés par les divisions et les incertitudes stratégiques, tentent à tout prix de se démarquer de l’exécutif, sur les retraites comme sur la loi immigration. Sans coalition, les chances de sortir de la crise politique à l’issue du remaniement s’amaigrissent.

Nommer dès maintenant un nouveau Premier Ministre forcément minoritaire ?

L’autre option du camp présidentiel serait alors de nommer un nouveau Premier Ministre qui puisse enclencher une dynamique pour passer à l’offensive, quand Elisabeth Borne apparait usée par un mouvement de contestation historique et 17 motions de censure.

Plusieurs hypothèses circulent : une personnalité de droite comme Gérard Larcher pour rendre encore plus inconfortable la position des LR et obtenir leur vote plus facilement, un ministre macroniste venu des LR et au profil droitier, comme Sebastien Lecornu ou Gerald Darmanin, ou un macroniste de la première heure, comme Richard Ferrand ou Julien De Normandie.

Pour ce qui est de Gérard Larcher, celui qui briguera à nouveau la présidence du Sénat en septembre prochain a opposé une fin de non-recevoir à Emmanuel Macron, comme en témoignent ses déclarations offensives ces derniers jours. Lors des Etats généraux de la droite le week-end dernier, il s’est démarqué de l’action du gouvernement, déclarant : « indépendants nous restons une force, libres de nos mouvements et de nos critiques, de nos accords comme de nos désaccords. Nous restons une alternative crédible à cette majorité du coup par coup, sans méthode, sans cap et sans vision. Cette majorité relative n’est pas la nôtre, nos différences sont très profondes ».

De plus, contre l’option d’un coup de barre à droite et la nomination d’un visage de la macronie issu des LR, au sein de la majorité présidentielle des voix désapprobatrices se font entendre. Outre la prétendue « aile-gauche » autour de Sacha Houllié, c’est l’influent dirigeant du Modem François Bayrou qui est monté au créneau contre ce choix. Celui qui s’est allié avec Macron dès la campagne de 2017 pense que cela déséquilibrerait trop les rapports de force au sein du camp macroniste et veut garder un « centre indépendant », afin avant tout de conserver un poids décisif dans la coalition présidentielle, ce qu’un rapprochement avec LR pourrait menacer.

Dans les colonnes du Figaro, le porte-parole du MoDem Bruno Millienne estime que « François va peser de tout son poids contre un accord avec LR », tandis que le secrétaire général adjoint du parti Fabien Robert déclare : « On n’a pas construit un vrai centre pour y renoncer. ». Et d’ajouter : « Une coalition questionnerait en profondeur le projet que porte la majorité ». Ainsi l’option de nommer un ministre au profil conservateur davantage marqué, si elle ne peut en l’état pas être écartée, risquerait de fragiliser le camp présidentiel sans aucune garantie de combler le trou de 45 députes qu’il manque pour être majoritaire.

Aussi le fait de nommer un nouveau Premier Ministre dès maintenant, qu’il s’agisse d’une figure de « l’aile droite » de la macronie ou bien de proches historiques du président comme Ferrand ou De Normandie comporte un autre risque important, celui de livrer à peine nommé le chef du gouvernement à une bataille parlementaire difficile. En effet à la rentrée est prévu l’examen de la loi sur l’immigration et le vote du budget de 2024. Autant de risques de recours au 49-3, alors que la droite multiplie les critiques sur les comptes publics et sur une loi migratoire jugée « trop laxiste » malgré ses nombreuses dispositions répressives. Gerard Larcher a même menacé : « Il peut y avoir une censure du gouvernement » à l’automne. S’il est peu probable que le président du Sénat mette cette menace à exécution vu le risque que cela induirait sur la stabilité de la Ve République, un nouveau Premier Ministre devrait selon toutes vraisemblances se mettre en danger dès les premiers mois de son gouvernement. Difficiles dans ces conditions de mener à bien la reprise en main voulue par Emmanuel Macron.

Maintenir faute de mieux une Première Ministre détestée, un énième signe de fragilité

Faute de mieux donc, garder Elisabeth Borne apparait désormais comme l’option la moins risquée pour les observateurs. Déjà usée par les précédents mois, Borne serait alors chargée d’affronter les prochains mois difficiles, avant d’être remplacée quand le brouillard se sera dissipé, à une date inconnue. Alors que selon un récent sondage 63 % des Français souhaitent la démission de la Première ministre Macron pourrait finir l’année avec Borne encore aux manettes.

Un nouveau signe de fragilité, qui témoigne de son incapacité à trouver des solutions pour sortir de la crise politique. Alors qu’une grande majorité des travailleurs continue de détester Macron et sa politique, ce dernier peine à trouver un nouveau personnel pour regagner en légitimité et s’allier avec les autres partis de la bourgeoisie pour gouverner. Dans ces conditions, l’exécutif est mal positionné pour mener à bien toutes les attaques qu’il a prévu. Une raison de plus pour le mouvement social et le mouvement ouvrier de ne pas ne pas rester passifs et de montrer les muscles face à l’offensive autoritaire du gouvernement, dont la dissolution des Soulèvements de la Terre ce mercredi est un nouvel exemple qui impose de réagir.


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