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C’est sur les fondements même de ce droit du travail dont elle a annoncé la « réécriture », ce mercredi que la ministre a bogué et ce sur une question qui paraissait pourtant anodine pour quiconque a vécu la précarité d’un CDD ou le stress de ne pas le voir se renouveler. « On peut le renouveler combien de fois le CDD ? » demande à la ministre le journaliste Jean-Jacques Bourdin. La ministre répond alors « trois fois… jusqu’à… trois ans » sans vraiment d’assurance, en faisant rouler sa chaise d’avant en arrière, comme une élève qui n’aurait pas révisé sa leçon.
Le CDD renouvelable 2 ou 3 fois ? Mauvaise pioche !
Jean-Jacques Bourdin est tout émoustillé, son interlocutrice à moins bien révisé que lui et insiste alors, outré « Non mais… combien ? ». Le journaliste sent alors que cela va faire le tour des réseaux sociaux et de la presse nationale, il jubile. La ministre balbutiera et avouera quelques secondes plus tard qu’elle « ne pourra pas (le lui) dire », et le journaliste lui rappellera le chiffre exact et que c’est son gouvernement qui a changé la loi fin août à travers la loi Rebsamen.
Myriam El-Khomri, récemment nommée au ministère du Travail, en septembre2015, a démontré durant l’émission de Jean-Jacques Bourdin, tout son « savoir-faire » en communication. Elle a tenté de se rattraper par la suite au micro de BFMTV expliquant qu’elle « (a) répondu trois parce que pour (elle), c’est trois contrats ». Pirouette sur pirouette pour retomber sur ses pieds.
Durant l’émission, elle sera aussi mise en difficulté par le journaliste, notamment sur le thème de la « flexibilité » que sa « réforme » généralisera au plus grand profit du patronat, mais aussi sur un autre sujet d’actualité « la Société Générale », qui, bien que bénéficiaire à plus d’un milliard d’euros au dernier trimestre, a annoncé la fermeture de 20% de ses agences.
Pour la ministre peu expérimentée, c’est le baptême du feu. À la décharge de la ministre, il est vraiment de plus en plus « difficile » de répondre juste tant il faut de pirouette pour nier que le gouvernement prépare la généralisation de la « flexibilité » et de la précarité pour tous avec sa « nouvelle architecture » du droit du travail.
… Non, la réponse n’est ni 2 ni 3
Jean-Jacques Bourdin est fier. Il a, à la fois, mis en difficulté la ministre du Travail, mais aussi fait le « buzz » autour de son émission. En effet, la scène a fait le tour de la presse et des réseaux sociaux. Pourtant, le journaliste est tout aussi à côté de la plaque que la ministre du Travail. Entre ceux qui raillent son incompétence, ceux qui la défendent, et ceux qui accusent le journaliste de RMC de vouloir faire le « buzz », est-il possible de donner la voix aux principaux concernés ?
Certes, si l’on parle du point de vue du droit du travail, il est effectivement vrai que la « majorité » des CDD ne peut être renouvelée par deux fois maximum, et ce sur une durée de 18 à 24 mois au maximum, comme l’a signalé Jean-Jacques Bourdin.
Mais les textes sont une chose, la réalité des salariés face au patronat en est une autre. De nombreuses possibilités de déroger aux CDD, renouvelables « seulement » deux fois, sont déjà légions, et ce grâce au « CDD d’usage » qui concerne un nombre croissant de secteurs, dans le déménagement, l’hôtellerie, la restauration, l’enseignement, l’information, la culture, la recherche scientifique, les activités foraines ou encore le BTP.
Quand l’employeur n’a pas recours à l’Interim, il peut aussi imposer les « CDD d’usage » via des « accords d’entreprise et de branches » imposés le couteau sous la gorge aux salariés. Dans certains cas le patronat ne s’en donne même pas la peine et impose individuellement ou collectivement à ses salariés d’enchaîner CDD par dizaines…
Bien content d’interviewer la ministre du Travail, Jean-Jacques Bourdin ferait mieux de donner la parole aux salariés qui vivent concrètement la précarité, les bas salaires et la misère, et notamment l’enchaînement des CDD dans l’attente de ce qui apparaît aujourd’hui comme un Graal, le « CDI ». Donner la parole, notamment à un formateur à l’AFPA, pour qui 1, 2 ou 3 renouvellements ne sont pas sa réalité, lui qui a enchaîné pendant près de 20 ans des CDD, puis été licencié pour avoir demandé un CDI ! Un salarié condamné à la précarité.
