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Offensive autoritaire

Marseille acte 2 : Macron met l’offensive sécuritaire au cœur de son opération de communication

En déplacement à Marseille pendant 3 jours pour l’acte 2 du plan « Marseille en grand », Macron se met à nouveau en scène. Pour la première journée, priorité à la sécurité, tout en cherchant un nouveau souffle pour le quinquennat.

Yann Causs

26 juin 2023

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Marseille acte 2 : Macron met l'offensive sécuritaire au cœur de son opération de communication

Crédit photo : capture d’écran BFM

Deux ans après sa première visite à Marseille pour annoncer le plan « Marseille en grand », Emmanuel Macron est revenu ce lundi dans la cité phocéenne pour trois jours. Si en 2021, sa visite lui avait servi de rampe de lancement pour sa campagne présidentielle de 2022, aujourd’hui, Emmanuel Macron est de retour fortement affaibli après le mouvement historique contre la réforme des retraites.

Dans la lignée de sa frénésie des dernières semaines, multipliant les interventions sur de nombreux sujets pour contrecarrer tout spectre d’une « paralysie », il espère trouver dans la deuxième plus grande ville de France un élan pour poursuivre ses « 100 jours ». Une opération de communication qui, malgré le maquillage social pour renouer le dialogue sur sa gauche, reste très marquée à droite et polarisée sur le terrain sécuritaire.

L’offensive sécuritaire au cœur de la visite

Si pendant 3 jours Macron va vouloir afficher haut et fort une politique pour les quartiers populaires, en agitant hypocritement des mesures pour le logement, la santé et les transports, sa perspective repose d’abord sur une logique sécuritaire et répressive. Entrevue avec des policiers au commissariat central de la ville, visite du chantier de la future prison Baumettes 3, bain de foule à Campanules et grand débat sur le thème de la sécurité dans le quartier de Busserine : la tonalité sécuritaire du séjour du président de la république à Marseille ne laissait aucun doute pour sa première journée.

Revendiquant lors de son discours à la prison des Baumettes que « tous les engagements [en matière de sécurité] ont été tenus », Emmanuel Macron a ainsi profité pour annoncer de nouvelles mesures répressives. Aux 3 unités de CRS mises en place depuis 2021 dans la ville s’ajoutera bientôt une unité de CRS , spécialisée dans les « violences urbaines » et notamment déployée à Mayotte pour l’opération coloniale Wuambushu. Pour appuyer son discours sur la lutte contre la criminalité, Macron a également annoncé la création d’une task-force interministérielle pour « lutte contre les caïds » associant douanes, fisc, PJ, URSAFF et PP13, ainsi que la dotation de 200 000 euros pour la police judiciaire et l’arrivée de nouveaux enquêteurs, notamment « pour traquer les dealers sur les réseaux sociaux ».

Une offensive répressive très large, puisque Macron a également choisi d’instrumentaliser une nouvelle fois la consommation de drogue pour renforcer la stigmatisation et la répression des quartiers populaires. Le président a en effet annoncé qu’un décret allait être prononcé pour la fin de l’été afin de permettre le paiement immédiat des amendes pour les consommateurs de drogue pris en flagrant délit. Pour cela, la police va être équipée de 5 000 terminaux de paiement pour régler l’amende si la personne n’a pas assez de liquide. Une politique qui ouvre la voie à renforcement clair du harcèlement répressif des quartiers populaires.

Des mesures que Macron a présenté à grands renforts de propos sécuritaires, répétant à plusieurs reprises « qu’il faut continuer à pilonner les quartiers », à « traquer la délinquance », pour mieux installer une atmosphère de terreur et de délation, en appelant à « la responsabilité collective » notamment contre la consommation récréative et les consommateurs qui « alimentent et légitiment » la violence dans les quartiers. Bref, dans la lignée de ses annonces de 2021 et pour entamer sa visite à Marseille, la priorité du gouvernement est claire : renforcer son arsenal répressif contre les quartiers populaires.

Macron se positionne hypocritement sur le terrain social mais n’échappe pas à la colère

Si, comme en 2021, Macron a mis la réponse sécuritaire au cœur de sa visite, il a également cherché hypocritement à se positionner sur le terrain social, et devrait faire des annonces sur le logement ou l’école dans une ville où la pauvreté est importante et la mairie acquise au PS. De ce point de vue, par-delà les désaccords exprimés, ce dernier a totalement avalisé l’opération de Macron, expliquant par exemple à Libération : « C’est la seule personne assez éloignée qui m’a parlé de Marseille comme quelqu’un qui y a vécu. Son histoire, ce qu’elle est, la mentalité des Marseillais, leurs attentes… Cela ne veut pas dire que la ville le lui rend – on l’a vu aux élections. Mais cela veut dire qu’il l’a comprise, qu’il s’est posé des questions. Je crois que c’est une ville qu’il aime depuis longtemps. »

Sur le terrain, l’écho recueilli par Macron était un peu moins élogieux. Dans une vidéo publiée au matin de la première journée de visite du président français, relayé par La Provence, Fadea Ouidef, représentante des parents d’élèves de la Busserine et présidente de l’association Arc qu’en ciel s’exprime sans détour :« Hollande, Ayrault, Valls. Aujourd’hui Macron et Darmanin. Depuis 10 ans, la liste est longue des ministres qui ont annoncé milliards ou millions, la fin des violences ou le redressement de l’école. Pourtant force est de constater : les assassinats continuent et l’école ne va pas mieux ! […] Loin du roman raconté par Emmanuel Macron, ici quand on traverse la rue on ne trouve pas un emploi bien rémunéré qui permette de faire vivre sa famille. »

Un roman qu’Emmanuel Macron a osé réaffirmer lors de son bain de foule au quartier Campanules, en répondant à une mère de famille avec un ton hautain : « je fais le tour du Vieux-Port ce soir avec, je suis sûr qu’il y a 10 offres d’emplois ». Un retour aux sources du mépris qui conduit à sa détestation au sein de la population, qu’exprimait ce lundi le dispositif policier important déployé pour l’accompagner et empêcher tout débordement. Dans le quartier de la Busserine, des CRS avaient ainsi été placés devant chaque porte des immeubles pour empêcher les habitants de sortir au passage d’Emmanuel Macron.

Pour autant, malgré la préparation de la visite par l’Elysée, Macron n’aura pas échappé à la contestation, et notamment aux casseroles et aux « Macron démission » qui ont fusé en amont de l’échange prévu avec des habitants de la cité de la Busserine par une dizaine d’habitants, repoussés ensuite à l’intérieur d’une école maternelle. Au moins trois auraient été interpellés selon BFM. Dans le même temps, une centaine de personnes étaient rassemblés devant la préfecture à l’appel des syndicats pour dénoncer le plan Marseille en grand.

Un déplacement qui montre que la crise est loin d’être refermée, malgré toutes les mises en scène du monde. Alors que les 100 jours d’apaisement arrivent à leur fin, que le gouvernement est toujours fortement contesté, que le remaniement patine. Alors que le gouvernement cherche à montrer les muscles au travers de son offensive autoritaire et sécuritaire, ces éléments de crise qui se maintiennent sont autant de raison pour que le mouvement social et le mouvement ouvrier se dotent d’une perspective de combat.


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