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Edito

Loi immigration : il faut une grande campagne pour préparer la riposte par la grève et dans la rue !

Face à l'adoption d'une loi immigration d'une brutalité historique, la CGT sort enfin du silence. Mais pour arracher le retrait, il faut une campagne au travers d'assemblées dans les lieux de travail et d'études afin de construire une mobilisation en janvier !

Paul Morao

21 décembre 2023

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Loi immigration : il faut une grande campagne pour préparer la riposte par la grève et dans la rue !

Crédits photo : capture écran BFM TV

La brutalité historique de la loi immigration, finalement adoptée dans la douleur ce mardi, a créé un choc dans des secteurs du monde du travail et de la jeunesse. Dans ce cadre, les dirigeantes nationales des principaux syndicats ont repris la parole ces derniers jours après des mois de relatif silence sur le texte. Ce jeudi matin sur RMC, Sophie Binet a ainsi appelé à la « désobéissance civile et à la multiplication d’actions de résistance contre cette loi à l’image de ce qu’ont fait 32 départements » et évoqué la préparation d’initiatives « d’ampleur ».

Une dénonciation du texte et une interpellation à Emmanuel Macron

Ce début de sursaut vers de potentielles mobilisations arrive alors que les derniers jours ont été marqués par une politique d’interpellation d’Emmanuel Macron. Dans une lettre ouverte commune Marylise Léon et Sophie Binet demandaient ainsi lundi le retrait de la loi immigration, dénoncée comme une « tache indélébile sur nos principes républicains », aux côtés d’organisations comme la Cimade, la LDH, l’Uniopss ou France Terre d’Asile. « Face aux divisions sociales, au poison grandissant de la haine et du rejet de l’autre, il est plus que jamais de la responsabilité du président de la République de tracer des perspectives claires permettant l’unité de la nation » souligne notamment le texte.

Une adresse réitérée le lendemain par Sophie Binet et Marylise Léon dans des tweets visant le Président et les députés, appelant à retirer ou ne pas voter le texte. Celle-ci s’est cependant fracassée rapidement sur l’adoption de la loi, soutenue en coulisses par Macron, sans empêcher les directions syndicales de réitérer leurs appels, demandant mercredi au Président de revenir en arrière. « Je demande solennellement à Emmanuel Macron de ne pas promulguer ce texte, le Président de la République a la responsabilité de rassembler le pays, de faire respecter nos principes républicains » expliquait ainsi hier matin Sophie Binet sur BFM TV.

L’intervention d’Emmanuel Macron mercredi, où le supposé garant des « principes républicains » a revendiqué, sans surprise, le texte introduisant des mesures de préférence nationale, s’attaquant aux étudiants étrangers ou durcissant le droit du sol, a finalement rendu difficile le maintien d’une telle politique. Alors que Sophie Binet dénonçait au lendemain de son adoption un « texte d’extrême-droite », la question posée est celle du retrait du texte en construisant un rapport de forces.

Un lent réveil après des mois de dialogue social ?

De ce point de vue, les appels à construire des « initiatives d’ampleur » contre la loi vont dans le bon sens. Ils contrastent avec le discours de ces derniers mois qui avait conduit à esquiver l’opposition à la loi, à déserter la rue et à ouvrir un boulevard aux attaques du gouvernement. A l’exception de communiqués passés inaperçus, les principales organisations syndicales, CGT et CFDT en tête, ont été aux abonnés absents des débats autour de la loi ces dernières semaines.

Cette attitude est indissociable de la politique de « dialogue social » adoptée à la rentrée par l’intersyndicale, qui a conduit le mouvement ouvrier à un long silence depuis le 13 octobre. En dépit de la mobilisation de sections syndicales CGT ou de collectifs comme la Coordination Sans papiers 75 ou encore les Gilets noirs dans d’importantes luttes de sans-papiers localement ces derniers mois, à Emmaüs ou en région parisienne, aucune campagne nationale n’a été mise en place pour dénoncer la loi et faire du 18 décembre, journée de mobilisation contre la loi immigration à l’appel de la Marche des solidarités et de nombreux collectifs et organisations, une grande journée de grève et mobilisation contre le gouvernement et son texte raciste.

En pleine crise sociale, cette absence de riposte à la hauteur de l’attaque a laissé un boulevard aux pires surenchères racistes, en dépit de la détermination des collectifs de travailleurs sans-papiers. Sans perspective nationale de mobilisation, et face à des contre-discours limités à une opposition parlementaire impuissante, le gouvernement, la droite et l’extrême-droite ont pu se laisser aller à leurs fantaisies les plus xénophobes, que seule la crainte d’une réponse par en bas aurait pu brider, comme elle l’avait fait au moment de la bataille des retraites, qui avait abouti à un report de la loi en mars 2022.

L’instabilité continue de primer : il est possible de faire reculer le gouvernement, la droite, l’extrême-droite

Après des mois où le gouvernement a profité de l’atonie sociale pour avancer, il est fondamental de rompre avec la stratégie des derniers mois. L’adoption de la loi immigration a été un choc chez de nombreux secteurs de travailleurs et de la jeunesse. La nécessité d’un plan de bataille commence à être posée par des militants de l’avant-garde. Surtout, la crise politique ouverte a souligné les fragilités du gouvernement et du régime. Ces derniers jours, la possibilité que le texte ne soit jamais appliqué commence même à être évoquée dans les médias du fait des signes de fébrilité du gouvernement.

Dans ce contexte, Sophie Binet appelle à raison au retrait de la loi en faisant un parallèle avec le CPE. Cependant, à l’époque, ce n’est pas l’interpellation de Chirac qui a permis la victoire, mais la mobilisation de millions de travailleurs et de jeunes. Forger une opposition conséquente, qui devrait être le tremplin d’une riposte plus large contre les réponses de la droite et de l’extrême-droite à la crise, implique ainsi une rupture avec le dialogue social pour construire un rapport de forces.

Pour cela, il faut une grande campagne ouvrière et populaire sur les lieux de travail et d’études, pour expliquer le scandale de ce projet, dans le cadre d’assemblées. La loi immigration va en effet non seulement s’attaquer aux travailleurs et aux jeunes les plus précaires, mais elle cherche à diviser notre classe et notre camp social, qui avait massivement manifesté dans l’unité lors de la mobilisation contre la réforme des retraites. L’explication et la conviction de larges secteurs du monde du travail et de la jeunesse est une tâche de premier ordre, contre la loi immigration et les attaques qui ne tarderont pas d’arriver.

Dans le même temps, il faut faire le lien entre cette attaque et l’ensemble des préoccupations du monde du travail, telles que la précarité et de l’inflation galopante, pour préparer une mobilisation par la grève et des manifestations à la rentrée. Seule une lutte de tous les travailleurs peut faire reculer le gouvernement, sur la loi immigration et toutes les attaques qu’elle prépare. De même qu’il n’y a aucun espoir à placer dans le Conseil constitutionnel, qui pourrait censurer quelques dispositions mais a validé de nombreuses lois racistes et autoritaires depuis 40 ans, nous devons lutter contre les illusions de la possibilité d’une voie de conciliation avec un régime qui continue de se radicaliser.

Dans ce cadre les appels à la « désobéissance civile » de Sophie Binet ne doivent pas être l’alibi d’un retour à des démonstrations de pression, sans grève, reproduisant les écueils qui ont mené une mobilisation aussi massive que la bataille des retraites dans l’impasse. Bien que l’opposition à la loi immigration soit pour le moment minoritaire, une campagne offensive, démasquant les mensonges du gouvernement et montrant que cette attaque en prépare d’autres, peut être le levier d’un retour du mouvement ouvrier à l’offensive, avec ses méthodes de lutte.


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