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Edito

La loi Immigration approfondit la crise du macronisme : il faut une riposte !

Démission de ministre, reculs sur l'application de la loi... Le vote de la loi Immigration n’a pas seulement illustré le durcissement du régime mais aussi les fragilités du gouvernement, ouvrant une crise dans la majorité.

Erell Bleuen

21 décembre 2023

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La loi Immigration approfondit la crise du macronisme : il faut une riposte !

Crédits photo : Flickr

Un « bouclier qui nous manquait ». Voilà comment Emmanuel Macron, invité dans l’émission C ce soir ce mercredi, a tenté tant bien que mal de défendre son projet de loi Immigration voté hier soir à l’Assemblée nationale. Au lendemain d’un vote qui, sur fond d’un alignement total de la majorité présidentielle derrière LR autour du programme de l’extrême-droite, a porté la crise jusqu’au sein du gouvernement et menacé le groupe macroniste d’explosion, le chef de l’État a cherché, sur le plateau de France 5, à atténuer les critiques à son égard et à réhabiliter la fameuse méthode du « en même temps », allant même jusqu’à affirmer que la loi Immigration constituerait une « défaite pour le Rassemblement National » et qu’elle allait « permettre de lutter contre ce qui nourrit le Rassemblement national ».

Une tentative de réhabilitation d’un texte profondément réactionnaire, qui fera difficilement oublier les scènes de liesse à l’assemblée mardi soir dans les rangs du RN et les déclarations victorieuses déroulées tout au long de la journée, Marine le Pen allant jusqu’à saluer une « victoire idéologique », et qui a fait signe vers les tentatives de bricolage de la veille. Entre les annonces du chef de l’État de soumettre la loi à une seconde délibération si elle était validée par les voix du Rassemblement National mardi soir, la saisie du Conseil Constitutionnel annoncée par Macron pour remédier à certaines des mesures inscrites dans la loi ou encore la remise en cause de l’application de la caution pour les étudiants étrangers : la macronie patine.

Pour cause, une semaine après le vote d’une motion de rejet, le gouvernement qui doit déjà composer avec une majorité relative à l’assemblée, craint de voir la crise s’approfondir encore. Mardi soir, le camp présidentiel a été traversé par une défection historique de ses députés dont 37 de Renaissance, 20 du MoDem et deux du groupe Horizons qui n’ont pas voté le projet de loi. Ce mercredi, alors que sept membres du gouvernement avaient menacé de démissionner la veille, le ministre de la Santé Aurélien Rousseau est passé à l’acte.

Des difficultés qui s’étendent au-delà du sérail présidentiel. Tout au long de la journée, la liste des départements ayant déclaré refuser d’appliquer certaines des mesures de la loi, notamment le conditionnement des aides sociales non contributives à cinq ans de résidence sur le territoire, s’est élargie. Initié par le président du Conseil départemental du Lot qui a appelé à ne pas « appliquer le principe de la préférence nationale pour nos aînés », ce sont désormais 32 départements qui ont annoncé qu’ils n’appliqueront pas la loi.

Autant d’éléments qui, au lendemain de l’adoption de la loi Immigration, illustrent les fragilités du gouvernement. Incapable de gouverner sinon à coups de 49-3, « en même temps » à droite et à l’extrême droite, l’exécutif dispose en réalité de peu de marge de manœuvres. Aussi, le durcissement actuel dont la loi Immigration est la marque, témoigne de la volonté du gouvernement de maintenir un cap bonapartiste quoi qu’il en coûte dans le cadre de la compétition qu’il mène avec l’extrême-droite, mais aussi des difficultés qu’il va devoir affronter pour consolider ce nouveau tournant réactionnaire.

Une instabilité qui n’est pas nouvelle, et dont les fruits ne sont pas condamnés à être récupérés par le Rassemblement National. Quelques mois après la mobilisation historique des retraites, qui a mis plus de trois millions de manifestants dans la rue, et dans un contexte qui reste largement marqué par la contestation sociale et la détestation du gouvernement, la possibilité de faire émerger une alternative à la séquence réactionnaire imposée par la macronie et l’extrême droite n’est pas un vœu pieux.

Mais alors que l’ouverture d’une nouvelle séquence pourrait domestiquer, en interne, les dissensions au sein du camp macroniste, et surtout que l’absence d’une riposte du mouvement ouvrier permet de circonscrire la crise, le gouvernement risque de trouver la voie pour continuer à avancer et attaquer le monde du travail. Dans cette perspective, et pour empêcher que l’extrême droite ne soit la grande gagnante de la situation, l’urgence est plus que jamais à la construction d’une mobilisation d’ensemble pour l’égalité des droits entre tous les travailleurs, contre les violences policières, pour faire échouer la promulgation de la loi immigration, mais aussi pour nos salaires et la fin du massacre à Gaza. Un tel objectif suppose que les directions des organisations syndicales sortent de la passivité, rompent enfin avec le dialogue social et proposent un plan de bataille à même d’articuler ces enjeux. Une perspective qu’il est crucial de faire émerger dès maintenant.


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Erell Bleuen

@Erellux

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