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Loi travail

Dérogations aux accords de branches : vers une nouvelle attaque contre le Code du Travail

Quatorze propositions ont été remises par des parlementaires ce jeudi à Bruno Le Maire dans le cadre du futur projet de loi visant à « simplifier la vie quotidienne des entreprises ». Parmi elles, la possibilité de déroger aux accords de branche, qui s’apparente à une nouvelle offensive historique contre le code du travail.

Damien Bernard

16 février

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Dérogations aux accords de branches : vers une nouvelle attaque contre le Code du Travail

Crédits photo : Jeanne Menjoulet, Flickr, CC BY-ND 2.0.

Un rapport réalisé à la demande de Bercy, emmené par deux députés de la majorité présidentielle, présente quatorze propositions visant à « simplifier la vie quotidienne des entreprises ». En écho aux déclarations de Macron, trois de ces mesures traitent du fonctionnement des « seuils sociaux ». La troisième proposition constitue la principale nouveauté et propose de « permettre aux entreprises de moins de 5 ans et de moins de 50 salariés de définir avec les salariés l’application de certaines dispositions des accords de branche ».

Plusieurs ballons d’essai avaient préparé le terrain à la mesure. D’abord, Emmanuel Macron avait affirmé lors de sa conférence de presse du mardi 16 janvier qu’il voulait « donner plus de dynamique au dialogue social au niveau de l’entreprise ». Une volonté que le chef de l’Etat avait précisée à Davos, affirmant vouloir transférer « tout ce qu’on peut au niveau de l’entreprise dans les négociations », avant que le député Renaissance Marc Ferracci, ancien du cabinet de Muriel Pénicaud, ne définisse davantage les contours du projet, en affirmant ne plus vouloir étendre automatiquement les accords de branche aux jeunes et petites entreprises, afin de leur laisser plus de marge de manœuvre, notamment sur les rémunérations.

Une nouvelle offensive XXL contre le code du Travail

Concrètement, la majorité présidentielle veut permettre à certaines PME de déroger « provisoirement et de manière sélective » aux accords de branche, après accord individuel des salariés. Parmi les domaines concernés, les minima conventionnels (salaires) et le temps de travail. Non exhaustive, cette liste est déjà étendue au domaine du temps partiel : « il est nécessaire d’accroître la flexibilité du recours au temps partiel de manière à favoriser la création d’emplois. Le plancher d’heures hebdomadaires pourrait être revu à la baisse », insiste le rapport. Des mesures laissant peu de doute sur la nature de l’offensive : toujours moins de droits pour les salariés, et toujours plus de précarité.

L’offensive s’inscrit dans la continuité de l’inversion de la hiérarchie des normes mise en place par la loi El Khomri imposée par Francois Hollande et les ordonnances Macron en 2017. Avant cette loi, en cas de conflit entre l’accord de branche et l’accord d’entreprise, l’accord le plus favorable au salarié l’emportait. Depuis, le principe a été renversé de sorte que l’accord d’entreprise prime sur l’accord de branche. Une règle qui ne s’applique pas dans une grande majorité de domaines, où l’accord de branche prévaut toujours sur l’accord d’entreprise. Dès lors, le rapport appelle à étendre la possibilité de déroger aux accords de branche à des domaines qui jusque-là n’étaient pas concerné comme les salaires, le temps partiel.

La spécificité de la mesure réside également dans les modalités de sa mise en œuvre. Contrairement aux « accords majoritaire d’entreprises », qui permettaient de déroger aux accords de branche, le rapport parlementaire insiste sur l’« accord individuel des salariés » plutôt que l’accord collectif. Une formulation qui, loin d’être anodine, présage d’une volonté de faire peser la pression sur les travailleurs individuellement. Ce qui, en cas de refus de signer ces accords de dérogations, pourrait conduire à un licenciement ou à une mise au banc, et ne peut qu’aiguiser la concurrence les salariés, en allant toujours plus vers de moins-disant social.

Un avant-gout de la nouvelle loi Macron 2

Cette mesure, qui pour l’heure est réservée à certaines catégories de PME, pourrait rapidement être généralisée à l’ensemble des PME voire à l’ensemble du Code du Travail. Avec la mesure sur les seuils, elle préfigure de l’offensive majeure que compte préparer Macron autour de l’« Acte II » de la réforme des ordonnances travail qui sera présentée au printemps.

En termes d’agenda, Bruno Le Maire jugeait « important de bien découper les sujets pour être plus efficace », plaidant au Parlement pour des textes distincts, rapporte Le Monde. De son côté, le premier ministre Gabriel Attal a évoqué un seul et même projet de loi les rassemblant tous dans un entretien au Parisien le 11 février.

Si les termes de l’offensive ne sont toujours pas clairement établis, il est nécessaire que les directions syndicales se préparent à répondre à la hauteur de l’offensive à venir. Cela implique de quitter immédiatement les négociations en cours sur les Seniors. Alors que le gouvernement prépare une offensive de grande ampleur contre le monde du travail, il s’agit de rompre définitivement avec le « dialogue social ».


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