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Refus d'obtempérer

« Violence sexiste et antisémite » : une retraitée juive humiliée et frappée par la police

Vidéos à l’appui, Mediapart révèle des faits de violences policières à caractère sexiste et antisémite. Le 8 juin dernier, au commissariat de Créteil, une femme juive de 67 ans est frappée et humiliée après avoir été interpellée pour « refus d’obtempérer ».

Arno Gutri

5 février

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« Violence sexiste et antisémite » : une retraitée juive humiliée et frappée par la police

Crédit photo : Médiapart

Le 8 juin 2023, une femme de 67 ans est interpellée par des agents de la patrouille motorisée de la compagnie de sécurisation et d’intervention de la circonscription de Créteil pour un contrôle routier. Pendant la procédure, la conductrice recule et heurte une moto des agents, garée derrière. Ces derniers sortent leur arme de service et braquent la femme au volant. Dans leur procès-verbal, ils justifient cet acte par un « danger immédiat », « la conductrice étant sur le point de nous percuter de plein fouet sans possibilité de nous protéger ». Une rhétorique usée à l’excès qui permet aux policiers d’invoquer le « refus d’obtempérer » et d’user de la violence en toute impunité, trop souvent jusqu’au meurtre.

Interpellée, la conductrice est emmenée au commissariat. En raison de sa claustrophobie, elle demande à ne pas être menottée. C’est alors qu’un agent intervient, affirmant que « cela ne se passerait pas comme ça », selon la plainte de la sexagénaire. La suite de la scène est une série de violences : un policier l’empoigne pour la lever, et alors que celle-ci tombe, il lui assène plusieurs coups, dont un coup de genou dans le dos, enfin la tête de la victime se cogne contre un banc et un mur. Après plusieurs malaises, la femme est finalement emmenée aux urgences. Le certificat médical établi le lendemain constate « des contusions et hématomes aux poignets, à la face interne des bras, sur les genoux, à la fosse lombaire droite, à la cuisse droite, au niveau des fesses et un état de choc psychologique ».

« J’ai été humiliée, brisée... »

Les violences subies ce jour-là par la sexagénaire ne sont pas seulement physiques, elles sont aussi sexistes et antisémites. Après sa chute, les policiers arrachent la perruque de la femme au sol. Pendant de longues minutes, parfois inconsciente, elle supplie qu’on la lui rende. Juive orthodoxe, elle porte des perruques depuis son mariage par tradition religieuse. Sur les vidéos consultées par Mediapart, la femme crie : « Je suis juive, je veux ma perruque. » Ce que n’ignorent pas le policiers qui participent à cette humiliation raciste, dont un d’eux dit distinctement : « elle est feuj », tandis qu’une policière qui refuse de lui rendre sa perruque répond : « Rue de la perruque », lorsqu’on demande l’adresse de la victime.

La version policière ne s’embarrasse pas de crédibilité pour justifier son racisme et sexisme : « Sa perruque l’empêchant de respirer correctement, un effectif lui retire [...] lorsque l’interpellée devient complètement hystérique et se met à hurler qu’elle veut récupérer sa perruque ». Dans un entretien à Mediapart, la femme de 67 ans témoigne : « M’arracher ma perruque est une des pires choses que l’on puisse me faire. À la maison, j’ai la tête couverte. Même la nuit (...) J’ai été humiliée, brisée… ».

Son avocat, Me Arié Alimi, a déposé plainte pour « atteinte à la liberté individuelle » via une arrestation arbitraire, des « violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique » et des « violences commises en raison d’une appartenance religieuse et du sexe ». « Il faut qu’on sache comment a été traitée une femme juive dans un commissariat de la République française », explique-t-il, interpellant implicitement « l’arc républicain » qui a participé à la marche « Pour la République, contre l’antisémitisme » du 12 novembre dernier, à l’appel de Gérard Larcher et Yaël Braun-Pivet, aux côtés de l’extrême-droite. Une opération qui a instrumentalisé la lutte contre l’antisémitisme afin de justifier le soutien au génocide mené par Israël en Palestine.

De son côté, une plainte déposée par la victime auprès de l’IGPN, une institution au service de l’impunité policière, pour « violences volontaires » a été classée sans suite, le 28 septembre, au motif que « l’infraction n’est pas caractérisée », selon le parquet de Créteil. Selon Mediapart, la femme a déposé une nouvelle plainte avec constitution de partie civile le 1er février. Elle est elle-même visée par une plainte de la police pour « mise en danger de la vie d’autrui avec risque immédiat de mort » et « dégradation de bien public ».

Quelques jours après ces violences racistes au commissariat de Créteil, Nahel, un jeune arabe de 17 ans, était tué au volant de sa voiture à bout portant par un policier lors d’un contrôle pour « refus d’obtempérer », déclenchant une vague de révoltes dans les quartiers populaires du pays. Une révolte matée par une répression policière et judiciaire brutale de la part d’un gouvernement qui poursuit sa surenchère xénophobe et raciste, à l’image de la loi immigration, récemment votée main dans la main avec l’extrême-droite.


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